Risk de John Retallack
Risk de John Retallack, conception d’Eva Vallejo et Bruno Soulier, mise en scène d’Eva Vallejo
La pièce de cet auteur londonien plonge le spectateur dans le monde de l’adolescence, propose dans l’urgence, une succession de petites scènes rugueuses, des éclairages individuels acérés qui alternent régulièrement avec des instants d’expression collective pleins de rage. On assiste d’emblée et sans préparation, au lancer explosif et tendu de bombes percutantes, chez de jeunes gens fragilisés et déjà précocement abîmés par la vie, avant qu’ils ne prennent leur envol. Vociférations, expression de haine, plaintes, colères, cris et chuchotements.
L’œuvre chorale – une chorégraphie visuelle et sonore – est mise en scène par Eva Vallejo, avec la musique de théâtre oratorio de Bruno Soulier, qui s’attache à transmettre l’écho des bruits, sons, éclats et cris d’un monde urbain que chacun reconnaît, et l’attirail médiatique (télé, radio, I-Pod, ordinateur) qui caractérise notre temps. Des hurlements criards qui ignorent la paix… Mention spéciale à Philippe Catalano pour les lumières qui soulignent le tournis d’une ambiance troublante et lourde.
Nulle morale, nul message à capter, si ce n’est le sentiment d’abandon de ces adolescents que les autres, c’est-à-dire les grands, – famille, école, société – se doivent de combattre s’ils veulent assurer la survie et le salut des générations à venir.
Constat amer, quand la souffrance d’exister incombe à une garçon ou à une fillette. Le propos sur la transmission est plutôt rebattu : sauvons l’avenir avant qu’il ne soit trop tard… Incompréhension des adultes – les parents – face à l’enfant qui leur échappe, misère sociale et désœuvrement, sur fond d’alcool, drogues et culte de la fête vaine à tout prix. Pour oublier ce qu’on est, ou qui on est.
Avec, ici, un catalogue de situations-limites, un inventaire de toutes les horreurs que la jeunesse peut s’inventer pour pouvoir, croit-elle, exister. Telle jeune fille timide est confrontée à une camarade de classe agressive qui la bat et à laquelle elle résiste : la violence s’empare alors de l’ancienne victime qui se fait bourreau à son tour.
Tel garçon vit dans l’agression de ses semblables, petits vols, tours et détours… Tel autre encore, peu sûr de lui, préfère s’enfermer dans sa chambre par peur de l’extérieur, et s’invente un univers clos où pouvoir vivre mais qui l’étouffe, ses objets familiers lui tenant lieu d’amis qui n’existent pas.
L’engagement énergique de chacun des interprètes donne ainsi la preuve à la fois tangible de leur être-là au monde. Saluons sans réserve le jeu physique et verbal d’Henri Botte, Lyly Chartiez, Marie-Aurore d’Awans, Gérald Izing et Gwenaël Przydatek. Beaux petits diables, brigands malgré eux, et avides d’en découdre sur un plateau…
Véronique Hotte
Théâtre Paris-Villette, Scène contemporaine jeunesse, du 13 au 21 mars. T : 01 40 03 74 20