La Mégère apprivoisée de William Shakespeare

La Mégère apprivoisée de William Shakespeare, traduction de Delphine Lemonnier-Texier, adaptation et mise en scène de Mélanie Leray

la_megere  Créée à Rennes en janvier  dernier, puis jouée à Clermont-Ferrand, Marseille, La Rochelle… La Mégère apprivoisée était donc un spectacle rodé quand il est arrivé au Théâtre de la Ville, et il était intéressant de voir comment une jeune femme, comédienne et metteuse en scène,  allait s’emparer de cette pièce, surtout sur un grand plateau comme celui-ci.
Cette comédie, l’une des premières  de William Shakespeare (1594) et finalement assez peu montée, est située de son temps non en Angleterre mais à Padoue, où le vieux Baptista a deux filles: la merveilleuse Bianca, (Clara Ponsot) douce et convoitée par Hortensio et Gremio,  mais dont le  jeune Lucentio tombe amoureux.
Mais il y a aussi Catherine, l’aînée (Laetitia Dosch)  au caractère bien trempé, au langage  parfois des plus crus, et dont les revendications féministes sont bien affirmées Petrucchio, (Vincent Winterhlater) venu de Vérone, veut lui, absolument épouser cette riche mégère de Katherina à la dot assez importante, ce qui le fascine plus qu’elle…  et elle veut alors absolument lui résister. Avec elle, les choses ont au moins le mérite de la clarté:  » Un femme comme moi, vous ne risquez pas de l’avoir ».
Il réussit à flatter  son père et obtient d’emmener Catharina à Vérone où il entreprend de la dresser et en même temps de la séduire en lui offrant de belles robes. Lucentio, de son côté, finit par épouser la belle Bianca, et Hortensio, lui se mariera avec une jeune veuve. Puis Petruchio et Katharina reviennent chez Baptista et vont fêter leur mariage, avec Lucentio, Hortensio et leurs épouses. Les trois maris font le pari de savoir quelle est celle de leurs épouses qui sera la plus soumise, et c’est, curieusement,  Petrucchio qui gagnera…
La pièce,  qui avait été adaptée au cinéma par Franco Zefirelli avec Elisabeth Taylor et Richard Burton, n’est pas souvent  mise en scène, sans doute à cause d’une nombreuse distribution. Jérôme Savary avait, lui, assez bien réussi son coup avec la grande Christine Boisson quand il l’avait montée à Chaillot, en 1993.
Mélanie Leray, elle,  imagine que l’action se passe dans une salle d’un casino ou d’un grand hôtel, puisqu’il y a un chariot à bagages ? Il y a dans un coin, une machine à sous, de gros canapés contemporains en rond autour d’un podium qui tourne comme pour une strip-teaseuse, une table de jeu avec verres de whisky et jeu de roulette, qui se transformera ensuite en baignoire pour Bianca, et au cas où on n’aurait rien compris pas des rapports entre sexe et argent,  une pluie de billets  tombe sans fin des cintres.
Cela commence déjà mal; première image sur le grand écran: on voit la tête de la pauvre Bianca enfermée dans une cage de fer! Histoire  de montrer qu’elle est soumise et retenue par son père? Et pour que l’on discerne mieux les intentions de jeu, des petites caméras captent les visages des protagonistes, et de Ludmilla Dabo qui vient chanter régulièrement (et bien) au micro, et les retransmettent en images immenses sur un écran en fond de scène.  Système vidéo très au point, mais comme d’habitude… parfaitement inutile et qui casse le rythme, alors que le plateau reste la plupart du temps assez peu éclairé! Cherchez l’erreur
Comprenne qui pourra à cet indigent dispositif ! Est-on au cinéma, ou encore au théâtre? Tous aux abris! C’est dire que la scénographie n’est pas du bois dont on fait les flûtes!  Il aurait été quand même facile de réduire un peu ce grand espace où tout se perd…
Comme bien d’autres, Mélanie Leray, voulant sans doute faire moderne, fait chic et choc mais tombe évidemment dans les stéréotypes les plus pénibles du théâtre contemporain, y compris le jeu parmi les rangées de spectateurs, vieux procédé de clowns d’autrefois que personne n’ose  plus employer! On se demande ce qu’elle a pu apprendre à l’Ecole du Théâtre national de Bretagne! Une école, désolé, cela sert aussi, dans la mesure du possible, à éviter les pièges scénographiques, quand on veut plus tard se lancer dans la mise en scène.
D’autant plus que l’adaptation de Mélanie Leray est naïvement assez racoleuse; bref, les acteurs ont bien du mal à se sortir d’une direction d’acteurs et d’une mise en scène approximative qui fait du sur-place, et qui ne leur rend pas du tout service…
En effet, comment croire une seconde à la Katharina de Laetitia Dosch, jamais séduisante mais triste, terne et bien peu convaincante, et  qui ne semble guère être à l’aise sur ce grand plateau; Clara Ponsot s’en sort mieux,  et encore. Peter Bonke qui joue Baptista et Vincent Winterhalter en Petrucchio, sont eux plus solides.
Pas de temps mort,  mais pas non plus beaucoup de rythme: ces deux heures vingt n’ont vraiment rien de bien passionnant, et c’est un euphémisme! Malgré quelques belles images et des effets lumineux de music-hall lourdingues qui ne trompent personne. Mieux vaut aussi oublier  les costumes féminins comme masculins,  franchement laids… Bref, pas grand chose à sauver de cette triste soirée…
En fait, tout se passe ici, comme si Mélanie Leray s’était fait plaisir et avait fait joujou avec les personnages, au lieu de concevoir une dramaturgie efficace, pour rendre crédible cette modernisation d’une comédie un peu longuette et qui n’est pas, et de loin, la meilleure du grand Will, (surtout connue en fait pour ses dialogues entre Petrucchio et Katharina la rebelle). Mais là, on est vraiment trop loin du compte, la représentation n’arrive pas à décoller vraiment, et il ne faut donc pas s’étonner  que des spectateurs excédés préfèrent quitter la partie.
On oubliera vite cette mise en scène finalement assez vulgaire et médiocre; le public du Théâtre de la Ville mérite mieux que cela: message transmis à Emmanuel Demarcy-Motta. A vous de voir mais la vie est courte et vous pouvez donc oublier d’aller rendre visite à cette Mégère apprivoisée,  si elle passe en tournée près de chez vous…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Ville, Paris,  jusqu’au 20 mars;  Sceaux, Les Gémeaux du 24 au 29 mars ; MC2 de  Grenoble du 1er au 10 avril ; Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines les 16 et 17 avril ; Brest, le Quartz les 5 et 6 mai ; Maison de la Culture de Bourges du 11 au 13 mai

 


Archive pour 17 mars, 2015

La Mégère apprivoisée de William Shakespeare

La Mégère apprivoisée de William Shakespeare, traduction de Delphine Lemonnier-Texier, adaptation et mise en scène de Mélanie Leray

la_megere  Créée à Rennes en janvier  dernier, puis jouée à Clermont-Ferrand, Marseille, La Rochelle… La Mégère apprivoisée était donc un spectacle rodé quand il est arrivé au Théâtre de la Ville, et il était intéressant de voir comment une jeune femme, comédienne et metteuse en scène,  allait s’emparer de cette pièce, surtout sur un grand plateau comme celui-ci.
Cette comédie, l’une des premières  de William Shakespeare (1594) et finalement assez peu montée, est située de son temps non en Angleterre mais à Padoue, où le vieux Baptista a deux filles: la merveilleuse Bianca, (Clara Ponsot) douce et convoitée par Hortensio et Gremio,  mais dont le  jeune Lucentio tombe amoureux.
Mais il y a aussi Catherine, l’aînée (Laetitia Dosch)  au caractère bien trempé, au langage  parfois des plus crus, et dont les revendications féministes sont bien affirmées Petrucchio, (Vincent Winterhlater) venu de Vérone, veut lui, absolument épouser cette riche mégère de Katherina à la dot assez importante, ce qui le fascine plus qu’elle…  et elle veut alors absolument lui résister. Avec elle, les choses ont au moins le mérite de la clarté:  » Un femme comme moi, vous ne risquez pas de l’avoir ».
Il réussit à flatter  son père et obtient d’emmener Catharina à Vérone où il entreprend de la dresser et en même temps de la séduire en lui offrant de belles robes. Lucentio, de son côté, finit par épouser la belle Bianca, et Hortensio, lui se mariera avec une jeune veuve. Puis Petruchio et Katharina reviennent chez Baptista et vont fêter leur mariage, avec Lucentio, Hortensio et leurs épouses. Les trois maris font le pari de savoir quelle est celle de leurs épouses qui sera la plus soumise, et c’est, curieusement,  Petrucchio qui gagnera…
La pièce,  qui avait été adaptée au cinéma par Franco Zefirelli avec Elisabeth Taylor et Richard Burton, n’est pas souvent  mise en scène, sans doute à cause d’une nombreuse distribution. Jérôme Savary avait, lui, assez bien réussi son coup avec la grande Christine Boisson quand il l’avait montée à Chaillot, en 1993.
Mélanie Leray, elle,  imagine que l’action se passe dans une salle d’un casino ou d’un grand hôtel, puisqu’il y a un chariot à bagages ? Il y a dans un coin, une machine à sous, de gros canapés contemporains en rond autour d’un podium qui tourne comme pour une strip-teaseuse, une table de jeu avec verres de whisky et jeu de roulette, qui se transformera ensuite en baignoire pour Bianca, et au cas où on n’aurait rien compris pas des rapports entre sexe et argent,  une pluie de billets  tombe sans fin des cintres.
Cela commence déjà mal; première image sur le grand écran: on voit la tête de la pauvre Bianca enfermée dans une cage de fer! Histoire  de montrer qu’elle est soumise et retenue par son père? Et pour que l’on discerne mieux les intentions de jeu, des petites caméras captent les visages des protagonistes, et de Ludmilla Dabo qui vient chanter régulièrement (et bien) au micro, et les retransmettent en images immenses sur un écran en fond de scène.  Système vidéo très au point, mais comme d’habitude… parfaitement inutile et qui casse le rythme, alors que le plateau reste la plupart du temps assez peu éclairé! Cherchez l’erreur
Comprenne qui pourra à cet indigent dispositif ! Est-on au cinéma, ou encore au théâtre? Tous aux abris! C’est dire que la scénographie n’est pas du bois dont on fait les flûtes!  Il aurait été quand même facile de réduire un peu ce grand espace où tout se perd…
Comme bien d’autres, Mélanie Leray, voulant sans doute faire moderne, fait chic et choc mais tombe évidemment dans les stéréotypes les plus pénibles du théâtre contemporain, y compris le jeu parmi les rangées de spectateurs, vieux procédé de clowns d’autrefois que personne n’ose  plus employer! On se demande ce qu’elle a pu apprendre à l’Ecole du Théâtre national de Bretagne! Une école, désolé, cela sert aussi, dans la mesure du possible, à éviter les pièges scénographiques, quand on veut plus tard se lancer dans la mise en scène.
D’autant plus que l’adaptation de Mélanie Leray est naïvement assez racoleuse; bref, les acteurs ont bien du mal à se sortir d’une direction d’acteurs et d’une mise en scène approximative qui fait du sur-place, et qui ne leur rend pas du tout service…
En effet, comment croire une seconde à la Katharina de Laetitia Dosch, jamais séduisante mais triste, terne et bien peu convaincante, et  qui ne semble guère être à l’aise sur ce grand plateau; Clara Ponsot s’en sort mieux,  et encore. Peter Bonke qui joue Baptista et Vincent Winterhalter en Petrucchio, sont eux plus solides.
Pas de temps mort,  mais pas non plus beaucoup de rythme: ces deux heures vingt n’ont vraiment rien de bien passionnant, et c’est un euphémisme! Malgré quelques belles images et des effets lumineux de music-hall lourdingues qui ne trompent personne. Mieux vaut aussi oublier  les costumes féminins comme masculins,  franchement laids… Bref, pas grand chose à sauver de cette triste soirée…
En fait, tout se passe ici, comme si Mélanie Leray s’était fait plaisir et avait fait joujou avec les personnages, au lieu de concevoir une dramaturgie efficace, pour rendre crédible cette modernisation d’une comédie un peu longuette et qui n’est pas, et de loin, la meilleure du grand Will, (surtout connue en fait pour ses dialogues entre Petrucchio et Katharina la rebelle). Mais là, on est vraiment trop loin du compte, la représentation n’arrive pas à décoller vraiment, et il ne faut donc pas s’étonner  que des spectateurs excédés préfèrent quitter la partie.
On oubliera vite cette mise en scène finalement assez vulgaire et médiocre; le public du Théâtre de la Ville mérite mieux que cela: message transmis à Emmanuel Demarcy-Motta. A vous de voir mais la vie est courte et vous pouvez donc oublier d’aller rendre visite à cette Mégère apprivoisée,  si elle passe en tournée près de chez vous…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Ville, Paris,  jusqu’au 20 mars;  Sceaux, Les Gémeaux du 24 au 29 mars ; MC2 de  Grenoble du 1er au 10 avril ; Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines les 16 et 17 avril ; Brest, le Quartz les 5 et 6 mai ; Maison de la Culture de Bourges du 11 au 13 mai

 

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