Demain dès l’aube
Demain dès l’aube de Pierre Notte, mise en scène de Noémie Rosenblatt
On connaît le premier et célèbre vers du poème de Victor Hugo, qui a donné le titre d’un texte commandé par la metteuse en scène à l’auteur. Thème imposé: le cycle de la vie, et la transmission entre deux femmes liées par le sang. Comment faire quand on est une jeune femme de trente ans, et que sa grand-mère commence à perdre la mémoire et devient dépendante? Elle la recueille, à cause d’un bail non renouvelé, et l’installe donc dans son appartement, après qu’elle ait été blessée dans son amour-propre par des banquiers refusant de lui accorder un prêt en raison de son grand âge.
Elle l’héberge donc et tente de calmer sa gêne, en lui disant que, de toute façon, « il n’y en aura pas pour trop longtemps ». Entrée en matière pour le moins maladroite qui donne le ton de leurs relations à venir. De cette cohabitation subie, vont naître plusieurs courtes scènes qui montrent et la grande tendresse qui les unit, mais aussi la colère et les prises de becs. Des souvenirs communs les rapprochent et les émeuvent, mais au quotidien, les errements de la grand-mère donnent lieu à de cruelles disputes.
L’enfer est pavé de bonnes intentions! L’écriture de Pierre Notte manque en effet de fluidité: effets de plume, prose peu naturelle: bref, la pièce est difficilement jouable. Et la mise en scène ne vient pas atténuer ces défauts, en imposant un découpage rapide qui perturbe le rythme général! Les courtes scènes marquées par des noirs, les changements de lumière parfois radicaux n’aident pas les comédiennes qui doivent passer de la tendresse aux grands cris, sans transition aucune.
Cela crie en effet beaucoup! On comprend la colère intense de la petite-fille, quand elle trouve sa grand-mère qui a ouvert le gaz mais on penserait plus à une réaction de désolation… Certes, elle perd les pédales, mais on se demande si cette jeune femme bipolaire ne devrait pas aussi consulter un médecin!
L’ensemble gagnerait à un peu plus de sobriété, d’autant qu’il y a une vraie recherche scénographique. Le sol, en lattes claires, renferme une table et un banc escamotable plusieurs fois mis en en place puis rangé, mais… cela impose l’entrée d’un technicien sur le plateau. Des châssis verticaux en tulle, en fond de scène, donnent un effet de relief intéressant, et servent aussi parfois de chemin, de cabine d’essayage éclairés avec précision.
Les comédiennes font un travail honnête, mais on est plus touché par la grand-mère (Evelyne Istria), dont le personnage nous attendrit davantage, que par la petite-fille (Chloé Olivères). Cette histoire pourrait nous marquer mais il n’y a aucune option franche dans la conception (drame? comédie?) et dans la mise en scène. Bref, la pièce a un côté assez divertissant, presque boulevard, et on se prend même à rire du malheur de ces deux femmes.
Il y a ici beaucoup de travail mais dommage d’avoir choisi sur le plateau, l’abondance plutôt que l’épure…
Julien Barsan
On confirme l’opinion de Julien Barsan; certes, le style de Pierre Notte ne manque pas d’élégance, du moins au début … Mais on est vite en état de surdose: l’auteur se fait visiblement plaisir, bavarde, et n’évite pas effets de style et mots d’auteur!
La mise en scène, un peu maladroite, navigue à vue, sans cesse entrecoupée de virgules musicales, de noirs, et de temps morts, le temps de déplier puis de replier un banc et une table avec l’aide d’un régisseur. Ce qui casse le tempo d’un texte, touffu, jouant avec l’ambiguïté (qui est mort, qui ne l’est pas, qui a ouvert le gaz?) qui a déjà du mal à s’imposer, et où l’émotion passe rarement.
La direction d’acteurs de Noémie Rosenblatt est tout à fait correcte, (cela ne crie plus depuis que Julien Barsan a vu le spectacle) et Evelyne Istria, remarquable comédienne chez Antoine Vitez, joue avec beaucoup de sensibilité la grand-mère, et Chloé Olivères, elle, a juste la trentaine, que l’on avait vue, brillante, dans Il faut je ne veux pas de Jean-Marie Besset (voir Le Théâtre du Blog) et dans plusieurs autres pièces de Pierre Notte, est ici juste et tout à fait crédible.
Mais va-t-on au théâtre pour voir deux très bonnes actrices jouer dans ce qui est plus un (trop!) long sketch sur une relation familiale, quand un des grands-parents souffre de déficience neuronale, qu’une véritable pièce?
Autre chose dont nous tenions à vous informer: la Mairie de Boulogne-Billancourt a décidé de fermer (définitivement?) le Théâtre de L’Ouest Parisien, alors que d’indispensables travaux de réhabilitation étaient déjà programmés, et qui sont donc reportés ou annulés!
Olivier Meyer, homme compétent et d’expérience en poste depuis 2005, a décidé d’en quitter en juin prochain la direction. En profond désaccord avec la municipalité U.M.P. qui lui propose un contrat d’un année seulement! Alors que son mandat devait être renouvelé pour cinq ans; de plus, elle réduirait la subvention de 25%, ce qui, bien entendu, remet en cause le fonctionnement artistique de ce théâtre, lieu d’accueil mais aussi de création: entre autres, Les garçons et Guillaume, à table! par Guillaume Gallienne. On comprend que, dans ces conditions, Olivier Meyer ait préféré s’en aller…
Après le Forum du Blanc-Mesnil, et nombre d’autres, le T.O.P. est donc obligé de fermer, à la suite d’un changement de politique. C’est à la fois triste et accablant! Un théâtre qui ferme, c’est un lieu de vie qui disparaît mais aussi, et de toute façon, une équipe au chômage. Et ce n’est jamais une fatalité, surtout dans une ville comme Boulogne qui dispose d’importants moyens… Mais il s’agit bien ici d’une volonté politique.
La Ministre de la Culture- qui a déjà d’autres gros problèmes à régler! – n’a pas, jusque là, semble-t-il, fait connaître son avis, et, comme de toute façon, il s’agit d’un théâtre municipal qui échappe à sa tutelle… Bref, les choses semblent mal barrées comme disaient Richelieu, Georges Feydeau et Madame Soleil…
On vous tiendra au courant.
Philippe du Vignal
Théâtre de l’Ouest Parisien à Boulogne, du 10 au 12 avril 2015. T. 01 46 03 60 44 http://www.top-bb.fr/