Ondine de jean giraudoux

Ondine©Nathalie-BORLEE

Ondine (démontée) d’après Jean Giraudoux, adaptation, scénographie et mise en scène d’Armel Roussel

 

«Cette Ondine, j’en rêvais depuis des années, depuis que je l’ai découverte en vidéo dans l’interprétation d’Isabelle Adjani, alors âgée de dix-sept ans. (…) Cette œuvre mutante, malade, qui m’a touché au cœur, condense des émotions brutales, sauvages, archaïques et mêle l’intime et le monde à un endroit à la fois drôlatique et désespéré.» dit Armel Roussel qui avait envie de la revisiter.
Il la démonte, puis la remonte, non pas en iconoclaste, mais en amoureux d’Ondine et de son univers. Artiste associé au Théâtre des Tanneurs, à Bruxelles, il nous a habitué à ces remaniements de classiques : après  Hamlet, il avait réalisé un remarquable Ivanov Re/mix. Le voici aux prises  avec un conte à la fois fantastique et moral, une histoire d’amour qui puise ses thèmes dans la mythologie germanique pour revendiquer la pureté et la liberté d’un être parfait, confrontée à une humanité souillée par ses viles passions.
Fidèle au texte, malgré coupes et reformulations, le premier acte présente un pauvre pêcheur et sa femme, vêtus comme dans un conte de Charles Perrault. Scrutant l’obscurité en attendant Ondine, leur fille adoptive, ils égrènent les dialogues avec l’accent parisien traînant des films noirs des années trente, distordu par un micro HF: clin d’œil à Louis Jouvet, qui créa la pièce au Théâtre de l’Athénée en 1939 ?
Dans un léger brouillard, rôde le peuple des Ondins qui, orchestrés par leur roi, assurent les bruitages : tonnerre, éclairs, cris d’animaux… Atmosphère féerique, qui fait songer aux univers de Cocteau ou de Jacques Demy, où surgit le chevalier errant Hans von Wittenstein zu Wittenstein, (le séduisant Vincent Minne). Fiancé à Bertha… il ne résistera pas au charme de la jeune Ondine émergeant soudain de la nuit, horrifiée de le voir consommer une truite au bleu. Amandine Laval, campe une créature frémissante, à la blondeur de poupée Barbie; ravissante idiote, elle deviendra, au fil de la pièce, plus impertinente, revendiquant sa liberté devant l’hypocrisie des humains, sans jamais perdre une grande sensibilité. Saisie par l’amour, la nymphe des eaux, sûre de son fiancé, passe outre l’avertissement de son oncle, le roi des Ondins : « Hans n’est pas fait pour toi, lui dit-il, son âme est trop petite». Et il ajoute que, si Hans la trompe, il mourra.
Première entorse au drame de Jean Giraudoux : au début de l’acte ll, le public est invité à rejoindre la fête, organisée pour présenter Ondine à la cour, « après trois mois de lune de miel”. Des spectateurs rejoignent le plateau et dansent avec les comédiens sur la musique de Laisse tomber les filles de France Gall, avant d’être reconduits à leurs places dans le noir, suite… à une panne d’électricité, (un stratagème de l’Illusionniste, le roi des Ondins) pour interrompre le discours populiste du “Grand Intendant à la culture”, tenu par une rutilante meneuse de revue, qui s’en prend au théâtre de création, élitiste et déroutant.
Ce deuxième intermède, parodie appuyée et  un peu déplacée, est de trop et casse l’ambiance. Heureusement, la pièce reprend son cours, quand l’Illusionniste présente un spectacle qui met en présence Ondine, Hans et Bertha: il se déroule ici devant un échangeur d’autoroute projeté sur un écran. Cinéma dans le théâtre, la fille du lac voit la cruelle  Bertha étouffant un chardonneret.  Arrivée en moto, elle n’a de cesse de reconquérir Hans.
“Allons-nous revoir les terrifiants Ondins? Quelle sera l’esthétique du troisième acte ? Aurai-je le temps d’attraper mon métro ? Qu’en penserait Bertolt Brecht ?…” Un acteur à l’avant-scène, énumère, lors d’une mini-pause, une longue série de questions censées provoquer les spectateurs. Quand le rideau s’ouvre, les acteurs mettent en place, à vue, un décor bucolique.
Tout se précipite très vite alors vers le dénouement : annonce du mariage d’Hans et Bertha, tandis que l’on entend susurrer de partout : «Ondine a trompé Hans avec Bertram”. Puis, procès d’Ondine et mort de Hans. Rappelée aussitôt au royaume des Ondins, sa mémoire humaine effacée, la nymphe émet un regret devant son corps qu’elle ne reconnaît pas : « Comme c’est dommage! Comme je l’aurais aimé! »
Ce spectacle, inventif, riche en images et vibrant de sonorités, respecte l’esprit de la pièce. À défaut de la restituer mot pour mot, il en présente une traduction théâtrale actuelle, à la fois festive et grave. Les comédiens se glissent dans la peau des multiples personnages: le pêcheur et sa femme deviennent le Roi et la Reine, les Ondins  se muent en courtisans, ou en gens du peuple. Pendant deux heures et demi, aucun temps mort, et de joyeux intermèdes tiennent le public en éveil.
Hybride, avec ses nombreux inserts, clins d’œil, et mélange d’esthétiques d’un acte à l’autre,  le spectacle pêche parfois par excès. Mais on lui pardonne volontiers, puisque c’est d’amour et de théâtre qu’il s’agit ici.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 19 mars au Théâtre de Vanves dans le cadre d’Ardanthe; les 9 et 10 avril, au Centre dramatique national de Haute-Normandie à Rouen.
www.lestanneurs.be

 


Archive pour 23 mars, 2015

Ondine de jean giraudoux

Ondine©Nathalie-BORLEE

Ondine (démontée) d’après Jean Giraudoux, adaptation, scénographie et mise en scène d’Armel Roussel

 

«Cette Ondine, j’en rêvais depuis des années, depuis que je l’ai découverte en vidéo dans l’interprétation d’Isabelle Adjani, alors âgée de dix-sept ans. (…) Cette œuvre mutante, malade, qui m’a touché au cœur, condense des émotions brutales, sauvages, archaïques et mêle l’intime et le monde à un endroit à la fois drôlatique et désespéré.» dit Armel Roussel qui avait envie de la revisiter.
Il la démonte, puis la remonte, non pas en iconoclaste, mais en amoureux d’Ondine et de son univers. Artiste associé au Théâtre des Tanneurs, à Bruxelles, il nous a habitué à ces remaniements de classiques : après  Hamlet, il avait réalisé un remarquable Ivanov Re/mix. Le voici aux prises  avec un conte à la fois fantastique et moral, une histoire d’amour qui puise ses thèmes dans la mythologie germanique pour revendiquer la pureté et la liberté d’un être parfait, confrontée à une humanité souillée par ses viles passions.
Fidèle au texte, malgré coupes et reformulations, le premier acte présente un pauvre pêcheur et sa femme, vêtus comme dans un conte de Charles Perrault. Scrutant l’obscurité en attendant Ondine, leur fille adoptive, ils égrènent les dialogues avec l’accent parisien traînant des films noirs des années trente, distordu par un micro HF: clin d’œil à Louis Jouvet, qui créa la pièce au Théâtre de l’Athénée en 1939 ?
Dans un léger brouillard, rôde le peuple des Ondins qui, orchestrés par leur roi, assurent les bruitages : tonnerre, éclairs, cris d’animaux… Atmosphère féerique, qui fait songer aux univers de Cocteau ou de Jacques Demy, où surgit le chevalier errant Hans von Wittenstein zu Wittenstein, (le séduisant Vincent Minne). Fiancé à Bertha… il ne résistera pas au charme de la jeune Ondine émergeant soudain de la nuit, horrifiée de le voir consommer une truite au bleu. Amandine Laval, campe une créature frémissante, à la blondeur de poupée Barbie; ravissante idiote, elle deviendra, au fil de la pièce, plus impertinente, revendiquant sa liberté devant l’hypocrisie des humains, sans jamais perdre une grande sensibilité. Saisie par l’amour, la nymphe des eaux, sûre de son fiancé, passe outre l’avertissement de son oncle, le roi des Ondins : « Hans n’est pas fait pour toi, lui dit-il, son âme est trop petite». Et il ajoute que, si Hans la trompe, il mourra.
Première entorse au drame de Jean Giraudoux : au début de l’acte ll, le public est invité à rejoindre la fête, organisée pour présenter Ondine à la cour, « après trois mois de lune de miel”. Des spectateurs rejoignent le plateau et dansent avec les comédiens sur la musique de Laisse tomber les filles de France Gall, avant d’être reconduits à leurs places dans le noir, suite… à une panne d’électricité, (un stratagème de l’Illusionniste, le roi des Ondins) pour interrompre le discours populiste du “Grand Intendant à la culture”, tenu par une rutilante meneuse de revue, qui s’en prend au théâtre de création, élitiste et déroutant.
Ce deuxième intermède, parodie appuyée et  un peu déplacée, est de trop et casse l’ambiance. Heureusement, la pièce reprend son cours, quand l’Illusionniste présente un spectacle qui met en présence Ondine, Hans et Bertha: il se déroule ici devant un échangeur d’autoroute projeté sur un écran. Cinéma dans le théâtre, la fille du lac voit la cruelle  Bertha étouffant un chardonneret.  Arrivée en moto, elle n’a de cesse de reconquérir Hans.
“Allons-nous revoir les terrifiants Ondins? Quelle sera l’esthétique du troisième acte ? Aurai-je le temps d’attraper mon métro ? Qu’en penserait Bertolt Brecht ?…” Un acteur à l’avant-scène, énumère, lors d’une mini-pause, une longue série de questions censées provoquer les spectateurs. Quand le rideau s’ouvre, les acteurs mettent en place, à vue, un décor bucolique.
Tout se précipite très vite alors vers le dénouement : annonce du mariage d’Hans et Bertha, tandis que l’on entend susurrer de partout : «Ondine a trompé Hans avec Bertram”. Puis, procès d’Ondine et mort de Hans. Rappelée aussitôt au royaume des Ondins, sa mémoire humaine effacée, la nymphe émet un regret devant son corps qu’elle ne reconnaît pas : « Comme c’est dommage! Comme je l’aurais aimé! »
Ce spectacle, inventif, riche en images et vibrant de sonorités, respecte l’esprit de la pièce. À défaut de la restituer mot pour mot, il en présente une traduction théâtrale actuelle, à la fois festive et grave. Les comédiens se glissent dans la peau des multiples personnages: le pêcheur et sa femme deviennent le Roi et la Reine, les Ondins  se muent en courtisans, ou en gens du peuple. Pendant deux heures et demi, aucun temps mort, et de joyeux intermèdes tiennent le public en éveil.
Hybride, avec ses nombreux inserts, clins d’œil, et mélange d’esthétiques d’un acte à l’autre,  le spectacle pêche parfois par excès. Mais on lui pardonne volontiers, puisque c’est d’amour et de théâtre qu’il s’agit ici.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 19 mars au Théâtre de Vanves dans le cadre d’Ardanthe; les 9 et 10 avril, au Centre dramatique national de Haute-Normandie à Rouen.
www.lestanneurs.be

 

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