Ahmed philosophe

Ahmed philosophe d’Alain Badiou, mise en scène par Patrick Zuzalla

 

photo_4_ahmed.vm_groupetim_webC’est sous l’impulsion de Christian Schiaretti, créateur d’Ahmed philosophe, que le philosophe Alain Badiou écrit en 1995, de petites pièces «philosophiques», destinées aux enfants, en forme de théâtre de tréteau. Ahmed un personnage masqué fait la leçon à ses acolytes, comme au public, dans l’esprit des dialogues de Platon.
Soit 34 petites pièces pour les enfants et pour les autres, consacrées chacune à une notion canonique de la philosophie dont Patrick Zuzalla se propose aujourd’hui de les monter intégralement, en sept spectacles d’une petite heure chacun.
Pour l’heure, le public du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers goûte aux deux premiers, plutôt réussis grâce à l’acteur virtuose Damien Houssier, incarnant avec justesse, Ahmed, un philosophe des rues. Il reprend le rôle créé par Didier Galas pour Christian Schiaretti, il y a vingt ans. En 2010, à la Maison de la Poésie, Damien Houssier  jouait en solo  Philoctète et Ravachol de Cédric Demangeot, dans la mise en scène du même Patrick Zuzalla.
L’épisode I d’Ahmed philosophe porte sur le rien, l’événement, le langage, le lieu ; et l’épisode II, sur la cause et l’effet, la politique, le multiple, le hasard, la poésie. Ahmed, royal, masque de cuir et bonnet noir, s’adresse aux figures quotidiennes qui l’entourent, pour les instruire et les «élever» idéalement. Ce sont des marionnettes dont Ahmed se fait le manipulateur immédiat, quand il montre au spectateur des bouts de chiffons qui signifient une tête, un visage, ainsi Rhubarbe, le syndicaliste centriste à la bêtise moralisante, Moustache, le raciste à l’aigreur acharnée, Fenda, une jeune d’origine africaine, ou la députée de droite Madame Pompestan (Elnat Landais et Carole Allemand).
Emmanuelle Phelippeau-Viallard a conçu des lumières bleutées estivales d’une voûte céleste devant laquelle Ahmed, animateur existentiel, incarne l’essence de la philosophie, «suscitant les interlocuteurs, leur prêtant sa voix et organisant leurs gestes», diffusant «cette part d’infini central brûlant dont chaque âme est une étincelle. » Pour penser, le philosophe des rues et baladin jongleur des idées, est en demande de contradictions qui font le matériau même de son baratin farceur : «S’il y en avait un parmi vous qui était malin, qui était vraiment un aigle côté pensée, qui était plus fort pour mieux démêler les embrouilles du monde qu’Ahmed et Einstein réunis, il m’enverrait ça par le travers de ma figure de rien : « Mon petit Ahmed-rien, comment tu sais que tu n’es rien? Hein? Car, si tu sais que tu es rien, c’est que tu es quelque chose, hein ?… »
Le colporteur dispose d’un escabeau, tantôt scène, tantôt gradin pour lui-même et ses marionnettes. Un miroir de notre temps nous est ainsi renvoyé, en réaction aux événements du monde et aux préoccupations de la société. Ahmed est typé positivement – il réfléchit sur sa condition; c’est un véritable personnage d’un passé presque déjà révolu, l’ouvrier populaire des cités à la verve d’Arlequin, un rappel du Roi Singe à l’influence orientale.
Cette figure farcesque, vive et subtile, que l’oppression socio-économique fait réagir, joue les saltimbanques espiègles. En clown métaphysique, humilié et nié par la société, il s’amuse des jeux de langage et des cabrioles des mots, dont il se fait le valet avec un plaisir gourmand: «Moi, Ahmed, je ne suis absolument rien. Superlativement rien… Il va certainement se passer quelque chose ».
L’acteur ne cesse d’aller et venir, traverse la scène, puis grimpe les marches de la salle quatre à quatre, invective les spectateurs, et  revient sur le plateau, en sautant les obstacles avec agilité. Un joli spectacle vivant, un poème citoyen qui se pique de facétie en traquant le sens.

Véronique Hotte

Spectacle joué au Théâtre de la Commune – Centre Dramatique National – Aubervilliers, du 17 au 21 mars.

 

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