Une Aventure
Une Aventure d’Anne Kaempf et Lior Shoov, complicité artistique de Michel Cerda
Artiste de cirque, équilibriste, comédienne, accordéoniste, Anne Kaempf est tout cela à la fois, intense et lumineuse, dans sa magnifique robe rouge tournoyante qui lui sied à merveille; élément dynamisant et volubile, elle est le moteur symbolique et nécessaire qui pousse à s’exprimer, sa comparse ébahie et perplexe, Lior Shoov en pantalon clair et chemisier turquoise aérien, qui forme avec elle un duo clownesque féminin des plus poétiques et doucement extravagants. Lior Shoov est performeuse, clown, mais aussi musicienne, chanteuse et improvisatrice, familière des arts de la rue, aux frontières entre scène et espace public. Elle travaille d’abord à éveiller spontanément l’âme, en utilisant la transparence entre les êtres dans une relation immédiate qu’affectionnent tous les saltimbanques. Aujourd’hui, chanteuse improvisatrice de rue ou de salle de concert, elle privilégie la musique et ses instruments aussi hétéroclites qu’insolites: hang, ukulélé, harmonica, beat-box, body percussion, tambourins. Anne Kaempf et Lior Shoov, la petite et la grande, se font les clowns de «l’instant roi», à saisir d’urgence avant de le voir disparaître. Tel est le propos d’Une Aventure, une expérience enjouée et risquée proche du vertige, avec des déséquilibres et des positions bancales. Très complices, les artistes prennent appui l’une sur l’autre, en toute confiance, dans un numéro imprévisible: cabrioles, portés extravagants, équilibres à deux , chantant, dansant, jouant de la musique, puis créent le silence pour s’invectiver finalement dans l’attente illusoire d’une réponse. Puis, elles font patiemment voler ensemble leurs mains comme quatre ailes de deux papillons volatiles qui se suivraient dans la lumière d’un bel été. Des improvisations composent l’écriture scénique et le canevas d’un spectacle poétique, sous le regard éclairé de Michel Cerda. Les relations existentielles de ce duo burlesque imprévisible font l’objet même d’Une Aventure, en l’alternant proximité et mise à distance calculée. Ainsi une adresse au public est savoureuse : la comédienne, étonnée, est restée sur la plateau, mais l’autre, plus vive, s’est échappée dans la salle. À la manière épistolaire courtoise, les interprètes s’interpellent: «Chère Toi», et racontent leurs songes et désirs enfouis. Ce moment de théâtre inventif repose sur la délicatesse, tel un poème écrit à deux dont on percevrait les vibrations infimes. C’est un beau matériau prometteur: on en souhaiterait même davantage…
Véronique Hotte
Théâtre de la Cité internationale, Paris du 23 mars au 14 avril. T: 01 43 13 50 50