Vanishing point
Vanishing Point (Les deux Voyages de Suzanne W.), conception, installation et mise en scène de Marc Lainé, musique du groupe Moriarty
Nous avons été émerveillés par les manifestations du Festival EXIT 15 à la Maison des Arts de Créteil (du 26 mars au 5 avril), généreux éventail d’expositions numériques, avec, dans de petits espaces fermés, vrais enclos de nuit noire, des éblouissements de rais de lumière et rayons fluo colorés à volonté. On a pu aussi y faire son propre cinéma en prenant place sur le siège avant d’une voiture, dans une situation improvisée et filmée, et où l’on devient d’emblée le héros ou l’héroïne d’un vrai film de suspense américain.
Et au Théâtre National de Chaillot, Vanishing Point, est aussi une installation vidéo, dernier spectacle pimenté de Marc Lainé. C’est un voyage où le spectateur reste immobile dans une voiture qui ne bouge pas, et où des panneaux derrière la voiture et sur le côté latéraux laissent défiler à perte de vue, des paysages du grand Nord canadie, le tout étant retransmis sur grand écran,.
Le véhicule semble suivre à l’infini une route enserrée par les ombres de forêts immenses et menaçantes, avec tempêtes de neige. lieu de l’action se situant dans cette voiture dont Suzanne, la propriétaire (Sylvie Léonard), est une cinquantenaire au solide accent québécois, et à l’humour vaillant. Elle vient de prendre en stop, après un rêve en forme de cauchemar menant à la mort, un drôle de jeune homme peu causant et un rien indifférent (Pierre-Yves Cardinal), un Montréalais subtil et typé, brut de décoffrage qui veut se rendre à Waskaganish, une ville du grand Nord.
Le spectacle, porté par la musique interprétée sur scène par le groupe Moriarty, se présente comme une belle équipée fantastique. Le jeune homme est en quête de sa bien-aimée, disparue un jour, et dont il est depuis sans nouvelles. Cet amour, puissant mais cassé net, reste ancré dans son imaginaire et il ne fait plus la différence entre les différents points d’un espace où l’on peut être en même temps, selon la magie et les rituels des Indiens du grand Nord.
C’est ce que chante avec grâce et sensibilité, la belle disparue (sincère Marie-Sophie Verdane) qui répond malgré elle, à la force de l’appel envahissant de la nature, source à la fois de consolation et d’effroi. Cette épopée à la manière d’une initiation existentielle, se situe au-delà de l’amour. Et la brave Suzanne découvre alors le souffle d’un vent nouveau, avec ce voyageur si différent d’elle.
On peut concevoir cette aventure comme une sorte d’initiation à une géographie mentale voyageuse, virée fantasmatique à travers des paysages imaginaires sur une musique rock qui convient bien à cette aventure. La jeune femme mystérieuse, qui attire les voyageurs en les envoûtant, pourrait bien avoir affaire avec la Mort dont on ne se départit pas, une fois qu’on l’a approchée.
Un spectacle étrange, plein de charme et d’envoûtement céleste, avec des notes pop.
Véronique Hotte
Théâtre National de Chaillot, Paris, jusqu’au 17 avril.