Le 20 novembre

Le 20 novembre, texte de Lars Norén, traduit du suédois par Katrin Ahlgren,  mise en scène d’Alexandre Zeff

photo 1Dans la pièce du dramaturge suédois, un jeune homme de  dix-huit  ans, qui s’apprête à commettre un massacre dans son lycée, expose préalablement les raisons de cet acte fou : « Si j’arrive pas à trouver un sens à la vie/je vais de toute façon trouver un sens/à la mort. »
En novembre 2006, Sebastian Bosse a tiré sur une trentaine de personnes  au lycée technique d’Emsdetten en Westphalie, qu’il a blessée avant de se donner la mort. La pièce, écrite à partir de son journal intime,  a été créée par Anne Tismer de la Shaubühne de Berlin, et  fait référence, à travers le monologue de cet apprenti meurtrier, au massacre – quinze morts et de nombreux blessés – commis sept ans auparavant, par deux jeunes élèves du lycée Columbine à Littleton (Etats-Unis) en 1999.
On retrouve chez ces jeunes gens,  la même attirance pour les jeux-vidéo de guerre et une fascination pour les armes à feu qu’ils réussissent à se procurer. Nous n’égrènerons pas la liste noire des divers attentats suicidaires depuis 2006, comme ce jeune Norvégien qui fit un carnage en 2011 sur l’île d’Utoeya, tuant et blessant des étudiants militants du parti des jeunes travaillistes. Ni ceux du marathon à Boston en 2013. Le procès du survivant des deux  frères Tsarnaev qui s’étaient enfuis après le dépôt des bombes,  a d’ailleurs lieu en ce moment.
Ni l’attentat meurtrier à Paris de Charlie-Hebdo et du magasin casher à Vincennes au début de cette année, ni celui de Copenhague, et  du musée Bardo à Tunis, ni celui des nombreuses victimes de Gharissa au Kenya. Depuis l’écriture de la pièce, s’est imposée, dans un paysage déjà instable et furieux, la donne tragique d’un terrorisme djihadiste planétaire.
Raisons économiques et sociales, raisons personnelles, familiales ou religieuses:l  n’en manque pas aux jeunes gens, fragiles blés en herbe, pour éprouver le dégoût d’une existence au rabais et sans avenir : « Je serai une espèce d’enculé de raté pour le reste de ma vie/ Quand on sait qu’on sera jamais heureux dans sa vie/ et que toutes les bonnes raisons pour ça, se multiplient/ d’un jour à l’autre/ il reste/ rien d’autre/que de quitter cette vie de merde/que j’ai pas demandée/Je l’ai pas demandée/Ça suffit maintenant »
Le locuteur, pourtant issu pourtant d’une famille de classe moyenne,  se sait «anormal» sans être misérable, selon les règles d’une société coercitive qui bannit «les punks, les sans-abri, les losers, les gothics, les pédés, les gouines, les objecteurs de conscience, les Tziganes, les Turcs, les Arabes et cetera… ».  Et l’école, selon lui, s’en prend aux plus jeunes, en leur révélant leur différence et leur solitude, à l’écoute de ces «foutus médias capitalistes qui dictent à la majorité, ce qui est cool ». L’écriture sans concession de Lars Norén, rapide, sèche, est à la mesure d’un jeune au fusil,  bombes et cocktails Molotov à la ceinture, qui n’attend pas de réponse : «T’as une idée…T’es allé voir…Vous vous retrouvez dans une guerre… »
Alexandre Zeff  a confié le rôle  du futur terroriste  à Camille de Sablet, à la silhouette androgyne de femme-enfant, qui s’y investit avec cœur, grondant d’une belle voix rauque, tempêtant, interpellant le public et allant à sa rencontre dans les gradins, le prenant à témoin et exigeant une réponse.
Or, celui qui ne parle qu’avec lui-même, ne communique pas avec les autres. Un espace d’eau rougie figure les meurtres sanglants qui auront été perpétrés : la comédienne marche dans l’eau, ou se tient au-dessus, perchée sur une balançoire. Cette scénographie, esthétiquement chargée, donne à la forme une importance baroque qu’elle ne devrait pas  avoir: des mèches allumées en guise de cierges autour d’un catafalque imaginaire,  un costume d’ado, fantôme qui se balance sur un cintre, des effluves de musiques lointaines: c’est un contre-sens par rapport au propos radical de Lars Norén qui paraît aujourd’hui déjà réducteur , ou incomplet,  vu la multiplication des terrorismes actuels.

 Véronique Hotte

 Théâtre-Studio Alfortville, du 6 au 18 avril. Tél : 01 43 76 86 56 www.theatre-studio.com

Le texte de la pièce est publié aux éditions de l’Arche.


Archive pour 8 avril, 2015

Le 20 novembre

Le 20 novembre, texte de Lars Norén, traduit du suédois par Katrin Ahlgren,  mise en scène d’Alexandre Zeff

photo 1Dans la pièce du dramaturge suédois, un jeune homme de  dix-huit  ans, qui s’apprête à commettre un massacre dans son lycée, expose préalablement les raisons de cet acte fou : « Si j’arrive pas à trouver un sens à la vie/je vais de toute façon trouver un sens/à la mort. »
En novembre 2006, Sebastian Bosse a tiré sur une trentaine de personnes  au lycée technique d’Emsdetten en Westphalie, qu’il a blessée avant de se donner la mort. La pièce, écrite à partir de son journal intime,  a été créée par Anne Tismer de la Shaubühne de Berlin, et  fait référence, à travers le monologue de cet apprenti meurtrier, au massacre – quinze morts et de nombreux blessés – commis sept ans auparavant, par deux jeunes élèves du lycée Columbine à Littleton (Etats-Unis) en 1999.
On retrouve chez ces jeunes gens,  la même attirance pour les jeux-vidéo de guerre et une fascination pour les armes à feu qu’ils réussissent à se procurer. Nous n’égrènerons pas la liste noire des divers attentats suicidaires depuis 2006, comme ce jeune Norvégien qui fit un carnage en 2011 sur l’île d’Utoeya, tuant et blessant des étudiants militants du parti des jeunes travaillistes. Ni ceux du marathon à Boston en 2013. Le procès du survivant des deux  frères Tsarnaev qui s’étaient enfuis après le dépôt des bombes,  a d’ailleurs lieu en ce moment.
Ni l’attentat meurtrier à Paris de Charlie-Hebdo et du magasin casher à Vincennes au début de cette année, ni celui de Copenhague, et  du musée Bardo à Tunis, ni celui des nombreuses victimes de Gharissa au Kenya. Depuis l’écriture de la pièce, s’est imposée, dans un paysage déjà instable et furieux, la donne tragique d’un terrorisme djihadiste planétaire.
Raisons économiques et sociales, raisons personnelles, familiales ou religieuses:l  n’en manque pas aux jeunes gens, fragiles blés en herbe, pour éprouver le dégoût d’une existence au rabais et sans avenir : « Je serai une espèce d’enculé de raté pour le reste de ma vie/ Quand on sait qu’on sera jamais heureux dans sa vie/ et que toutes les bonnes raisons pour ça, se multiplient/ d’un jour à l’autre/ il reste/ rien d’autre/que de quitter cette vie de merde/que j’ai pas demandée/Je l’ai pas demandée/Ça suffit maintenant »
Le locuteur, pourtant issu pourtant d’une famille de classe moyenne,  se sait «anormal» sans être misérable, selon les règles d’une société coercitive qui bannit «les punks, les sans-abri, les losers, les gothics, les pédés, les gouines, les objecteurs de conscience, les Tziganes, les Turcs, les Arabes et cetera… ».  Et l’école, selon lui, s’en prend aux plus jeunes, en leur révélant leur différence et leur solitude, à l’écoute de ces «foutus médias capitalistes qui dictent à la majorité, ce qui est cool ». L’écriture sans concession de Lars Norén, rapide, sèche, est à la mesure d’un jeune au fusil,  bombes et cocktails Molotov à la ceinture, qui n’attend pas de réponse : «T’as une idée…T’es allé voir…Vous vous retrouvez dans une guerre… »
Alexandre Zeff  a confié le rôle  du futur terroriste  à Camille de Sablet, à la silhouette androgyne de femme-enfant, qui s’y investit avec cœur, grondant d’une belle voix rauque, tempêtant, interpellant le public et allant à sa rencontre dans les gradins, le prenant à témoin et exigeant une réponse.
Or, celui qui ne parle qu’avec lui-même, ne communique pas avec les autres. Un espace d’eau rougie figure les meurtres sanglants qui auront été perpétrés : la comédienne marche dans l’eau, ou se tient au-dessus, perchée sur une balançoire. Cette scénographie, esthétiquement chargée, donne à la forme une importance baroque qu’elle ne devrait pas  avoir: des mèches allumées en guise de cierges autour d’un catafalque imaginaire,  un costume d’ado, fantôme qui se balance sur un cintre, des effluves de musiques lointaines: c’est un contre-sens par rapport au propos radical de Lars Norén qui paraît aujourd’hui déjà réducteur , ou incomplet,  vu la multiplication des terrorismes actuels.

 Véronique Hotte

 Théâtre-Studio Alfortville, du 6 au 18 avril. Tél : 01 43 76 86 56 www.theatre-studio.com

Le texte de la pièce est publié aux éditions de l’Arche.

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