Magie visuelle et acrobatie à Briare
Magie visuelle et acrobatie à Briare
Cette ville de 6.000 habitants à l’Est d’Orléans, a été connue, depuis le XIX ème siècle pour ses usines de carrelages et est récemment devenue une capitale de la navigation de plaisance. Elle possède, chef-d’œuvre architectural auquel participa Gustave Eiffel, le célèbre canal de Briare construit en 1896 qui traverse la Loire sur quelque sept cent mètres…
Et, depuis deux ans, un peu à l’écart de l’agglomération, STARS, un grand studio de cinéma, préparations d’événementiels et de spectacles, a été créé et dirigé par Bruno Limoge, homme aussi discret qu’efficace.
Très bien équipé avec projecteurs asservis, l’endroit est transformable avec une scène d’une ouverture de quinze mètres et il peut accueillir quatre cent personnes…
Avec l’appui de l’Atelier, une association dirigée par Vincent Fregeai qui a pour but de créer des événements culturels et d’Artefake, un association partenaire artistique qui regroupe des magiciens, a donc été créée la première édition d’Illusions magiques: un cabaret avec, en alternance, des numéros d’acrobatie et de magie, des chansons de jazz par un trio de chanteuses. Jauge: quelque trois cent spectateurs assis à de petites tables.
Avec remise d’un Trophée et d’un prix: une semaine de résidence de travail à Stars pour un autre magicien mais aussi ‘un Trophée du public destiné à un circassien.
Sébastien Fourie a inauguré la soirée avec un numéro de magie connu, dit de cordes, qui, très au point sur le plan technique, souffrait cependant d’une esthétique assez faible. Suivit le numéro de jeunes et brillants acrobates, encore élèves de l’Ecole du cirque de Chalon, Anaïs Albisetti et Pedro Consciencia. Avec portés et sauts périlleux : rapidité, souplesse, force et virtuosité, et représentant donc à la base, un sacré travail physique mais aussi mental: le moindre dérapage pouvant être catastrophique…. Certains moments rappelant des merveilleux dessins de tombe égyptienne quelques deux mille ans avant J. C. L’acrobatie moderne, on l’oublie souvent, remontant aux plus anciennes traditions méditerranéennes ou chinoises.
Le deuxième magicien, dernier champion du monde donc absolument hors concours: Yann Frisch, lui aussi très jeune, fait preuve d’une telle virtuosité telle qu’il est impossible de suivre le mouvement de ses petites pommes sur une table noire. Comme si notre rapport à l’objet en devenait, d’un seul coup, profondément modifié. Très impressionnant.
Suivit un numéro plus classique de tissus aériens de Béatrice Esterle. Et après l’entracte où trois jeunes femmes ont chanté des airs de jazz, un « solo à prétention magique » de Raymond Raymondson, celui d’un clown qui rate presque tous ses tours. Mais, faute d’une mise en scène correcte et de gags suffisamment travaillés, le numéro reste peu efficace.
Mavara project #4 de Chiara Marese, est un travail sur corde molle. Un voyage en soi-même, comme semble en témoigner la figure de petite fille qu’elle a contre son épaule et avec laquelle elle évolue avec une belle virtuosité. Promenade souvent émouvante et gracieuse, mais soutenue par une bande-son faite de bruits de la rue, chuchotements et paroles en sicilien, qui nous échappe donc un peu.
Dernier numéro de magie actuelle, à mi-chemin entre art visuel, acrobatie et théâtre d’ombres, Kumo (nuage en japonais) de Romain Lalire. Vêtu d’une longue robe noire, il glisse sur la scène avec une virtuosité exemplaire, tout en jonglant avec une grosse boule de verre, pendant que son ombre se projette sur l’écran, parfois accompagnée d’autres ombres sur écran. Impressionnant et sans doute le numéro le plus poétique.
Enfin, un numéro de trapèze classique avec la même acrobate, Béatrice Esterle, toujours au-dessus du public et sans filet, accompagnée par l’une des chanteuses, avec l’Ave Maria de Charles Gounod. Le spectacle était “animé“ par un Monsieur Loyal, très maquillé, en queue de pie rouge à paillettes dorées, pantalon noir et chaussures vernies, comme sorti tout droit d’un film de Federico Fellini et auquel Gary Yann servait un peu de faire-valoir. Se présentant comme animateur et producteur de spectacles, il a souvent parlé de sa longue carrière, “ autrefois danseur à l’Opéra de Paris puis danseur soliste à l’Opéra de Nice “, récitant un poème de son cru à Béatrice Esterle. Et évoquant une France « dirigée par un gland ». Comme un théâtre dans le théâtre!
Pathétique mais pas grave. Le public était visiblement heureux d’être là ensemble, attentif à ces formes artistiques du corps, plus qu’à un théâtre de texte. Le cabaret est un forme de spectacle qui n’a cessé d’évoluer, avec des hauts et des bas depuis plus d’une centaine d’années mais qui semble avoir retrouvé ici, le temps d’un soir, une belle jeunesse et un public populaire. Ce qui n’est pas si fréquent…
Le prix du public alla au couple d’acrobates et le jury attribua la résidence à Sébastien Fourie, pour continuer son travail, et le Trophée à Romain Lafire, ce qui lui donne une reconnaissance professionnelle très utile…
A l’évidence, Vincent Fregeai, Bruno Limoge et leurs équipes ont bien réussi leur coup, (un grand panneau affichait: complet!) et n’ont aucune inquiétude à avoir pour une seconde édition, mais… de grâce, avec un autre Monsieur Loyal.
Philippe du Vignal
Cabaret vu le 28 mars à Briare (Loiret).