Hallo de Martin Zimmermann
Hallo concept, direction et scénographie de Martin Zimmermann
Martin Zimmermann avait déjà présenté Öper Öpis aux Théâtre des Abbesses avec son complice Dimitri de Perrot, mais c’est la première fois, à quarante cinq ans, qu’il se lance dans un solo. Créée en 2014, cette pièce, absolument muette, est soutenue par la remarquable musique au piano souvent répétitive et obsédante, et les bruitages de Colin Callon.
Grand et mince, le visage émacié, en collant noir et T-shirt blanc, il est seul, sauf, à un moment précis, quand il est aidé par un complice qui lui renvoie l’image d’un double obsédant, façon Tadeusz Kantor. Il commence par faire un tour de scène, avec des chaussures noires qui émettent un grincement insupportable mais qui deviennent silencieuses, dès qu’il revient. Des murs/châssis circulent tout seuls et/ou s’abattent d’un coup, légers comme une plume. Lui, disparaît pour réapparaître un peu plus loin.
La scénographie qu’il a aussi conçue, faite de châssis rectangulaires, est une remarquable merveille de rigueur, de beauté et d’intelligence plastique qui doit beaucoup à l’art minimal américain, en particulier à Don Judd, et il a sans doute eu de bons profs à l’école de décorateurs suisse dont il est sorti. Avant de rejoindre le Centre National des Arts du Cirque à Chalon où il a aussi visiblement beaucoup appris.
« Cette scénographie, dit-il, est liée à mon premier métier : décorateur de vitrines de grands magasins ! Bien que non réaliste, cette vitrine évoque le monde et la consommation, de la mode, ou encore les thèmes de l’apparence et du désir de reconnaissance».
Il joue avec une chaise, enfin plutôt avec un cadre de chaise en inox qui a des allures de fantôme, prêt à resurgir d’on ne sait où. Ou s’adresse avec un interlocuteur qu’on ne verra jamais, enfermé et surgissant d’une trappe éclairée. Illusion magique… où des mécanismes parfaitement au point donnent à Martin Zimmermann, la liberté de faire ce qu’il veut sur le plateau.
D’une gestualité étonnante, il est toujours là où on ne l’attend pas, et semble s’affranchir des lois de la logique en s’enfermant dans une grande boîte de contre-plaqué dont les côtés vont se démultiplier. Puis il se moque de la pesanteur quand il monte en équilibre instable à quelques mètres sur un parallélépipède qui se déforme, de gauche à droite, puis de droite à à gauche pour redevenir absolument plat, et dont il redescend parfois depuis une trappe ou en se laissant couler.
Visage impassible, corps élastique d’acrobate qu’il maîtrise à la perfection, aucun temps mort : on pense souvent à Buster Keaton sur sa General. Comme chez lui, tout ou presque est imprévisible et il sert de sa formation de circassien, pour créer un curieux personnage, plein d’humour glacé, et rompu aux lois de la magie et de l’illusion.
Il y a bien, dans cette petite heure, des gags qui se répètent trop et quelques longueurs ou baisses de rythme. Mais qu’importe, les enfants comme les adultes ont fait un accueil triomphal absolument mérité à ce spectacle hors normes mais délicieux.
Philippe du Vignal
Théâtre des Abbesses à Paris jusqu’au 29 avril. T : 01 42 74 22 77.
www.theatredelaville-paris.com