Les Enfants du silence

Les Enfants du silence de Mark Medoff, mise en scène d’Anne-Marie Etienne

1112761_les-enfants-du-silence-un-chant-du-signe-au-francais-web-02118739327_660x400p Pièce à succès dans les pays anglo-saxons, film oscarisé et consécration d’Emmanuelle Laborit, actrice sourde, Les Enfants du silence est une référence sur la question  du «vivre ensemble » et de la différence, dirons-nous, comme la metteuse en scène.
Dans un institut pour sourds, où on leur apprend à lire sur les lèvres, un professeur (Laurent Natrella), doué et un peu en marge-les plus doués sont forcément en marge, et les marginaux sont plus doués !- tombe amoureux (scandale!) de Sarah, une jeune femme de ménage, ancienne élève, sourde, et qui veut le rester.

Pour elle, pas question de lire sur les lèvres, pas question de se soumettre au monde des entendants, ils n’ont qu’à parler la langue des signes, comme tout le monde. Belle et rebelle. Naturellement, des obstacles  se dresseront devant cet amour : Lydia (Anna Cervinka) joue la bonne élève et lit sur les lèvres, mais elle aimerait surtout presser les siennes avec fougue sur celles du professeur. En vain!
  Et puis Denis (Eliott Janicot), l’ami de Sarah, militant radical de la cause des sourds, craint qu’elle ne le trahisse par amour. Pour équilibrer les générations, on verra aussi, comme obstacles ou adjuvants, le discret et compréhensif directeur de l’établissement (Alain Lenglet), un avocat maladroit de trop bonne volonté (Nicolas Lormeau) et une mère détruite par le handicap de sa fille (Catherine Salviat).
 Amour, bonheur, déchirements, remises en question et fin ouverte (sur la réconciliation des amoureux, n’en doutons pas): la pièce est irréprochable. Et les acteurs aussi, sont impeccables et méritent tous un prix d’interprétation, l’Oscar revenant à Françoise Gillard, tout à fait convaincante, impressionnante en Sarah écorchée vive, réactive et étincelante d’intelligence.
Alors pourquoi bouder? D’abord, parce qu’on se trouve face à un théâtre :écriture, scénographie et  interprétation parfaitement efficaces mais aussi  bien connu et reconnu. Y compris de ceux qui découvrent la pièce : l’émotion et le rire naissent dans un équilibre réussi; tout ici est prévisible et arrive, comme il se doit, au moment idéal. Ensuite, parce que se pose la question de l’exploit (et encore une fois, c’en est un)! 

Il faut saluer le travail : les acteurs, relevant le défi, ont appris à jouer dans cette langue étrangère qu’est la langue des signes. Et ce, avec beaucoup plus de finesse que La Famille Bélier qui a récemment rempli les salles de cinéma.
 En ce sens, le spectacle rend hommage à la culture des sourds. Mais pourquoi la Comédie-Française n’a-t-elle pas engagé des comédiens sourds pour jouer les pensionnaires de l’institut? Certains sont excellents comme les entendants. Cela aurait été une façon de tenter réellement le vivre ensemble dont parle la pièce. La troupe a-t-elle peur d’être bousculée par cette différence qu’elle mime si bien sur le plateau ?
Une fois de plus, se pencher sur le handicap, sur la différence, c’est encore une fois parler à la place des intéressés. Si sincère soit ce projet, il reste sans risques, sans aucune fracture, du côté des bonnes œuvres… Le quatrième mur joue ici parfaitement son rôle : il protège, enferme, et sépare si bien qu’on ne s’en rend même pas compte. Étonnante illusion.
 Qu’applaudissons-nous ? L’exploit, on l’a vu ; la romance, attendue. Mais surtout le silence imposé à ces autres, à ces gêneurs que sont ces personnes différentes. Rien à signaler, on reste entre soi, la machine est bien huilée, tout est lisse.
Une bonne soirée, si l’on veut… mais qui n’empêchera pas de dormir.

 

Christine Friedel

 

Comédie Française, Théâtre du Vieux Colombier jusqu’au 17 mai.


Archive pour 21 avril, 2015

Amor, performance

Amor, performance de Théodoros Terzopoulos
 
Amor~716834-253-1(1)Le spectacle est une sorte de martelage numérique, où tout le corps et notamment avec un mouvement rapide, les doigts, joue un rôle primordial. Un corps/marteau donc  qui casse la quantité, ici exprimée en nombres, et qui dissout la matière  en fractions non conventionnelles. Et tout cela dans un monde qui fait commerce de ses charmes et qui, comme la vie devenue totaux matériels, est un sombre récepteur des nombres, à tel point que la mémoire numérique,  c’est-à-dire la logique de la mémoire, en est perdue.
Toute la performance, fondée sur un texte de Thanassis Alevras, est une critique virulente de la société de consommation où la qualité fait défaut et où règne la quantité. Tout y est liquidé et mis aux enchères! Même les membres du corps humain ont un prix.
Les opérations arithmétiques de ce spectacle sont symboliques : la multiplication exprime l’augmentation rapide des cas de maladies de la quantité, la soustraction renvoie à l’élimination de la vie, l’addition accumule les carcasses d’expérience, la division divise l’indivisible… et pourtant divisible.
Tout est axiome algébrique, et le corps d’Antonis Myriagkos s’avère une machine parfaite  pour la gestion des numéros, l’égout de nombres, et l’enfer de montants et quantités. L’acteur
incarne  très bien le calculateur, et Aglaia Pappa, lui, interprète avec une précision remarquable l’homme encaissé. Des sons vocaux, qui accompagnent la parole articulée avec rapidité, créent une deuxième classe de signes, parfois plus importants que les mots, et consomment le sentiment sauvage du calculateur dont toute l’énergie est ainsi épuisée, de sorte qu’il ne reste plus de ressources pour Amor (amour). L’homme est piégé: plus d’issue salvatrice...
      Un spectacle conforme à la méthode de Théodoros Terzopoulos qui évolue constamment, sur les bases d’une recherche que l’on peut qualifier d’avant-garde.
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Théâtre Attis, Leonidou 7, Metaxourghio, Athènes. T: 0030 210 52 26 260.

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