Vingt quatre heures de la vie d’une femme

Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig, adaptation d’Eric-Emmanuel Schmitt, mise en scène de Steve Suissa


Le célèbre écrivain viennois né en 1881, chassé par le nazisme, s’était réfugié en Angleterre puis au Brésil où, désespéré par la faillite de l’Europe et malade, il se suicida avec sa femme en 1942. Dramaturge, romancier et biographe, ami de Sigmund Freud et d’Arthur Schnitzler, Stefan Zweig est surtout connu  pour ses romans et nouvelles qui ont souvent été adaptés au théâtre et au cinéma,  déjà même de son vivant, comme Brûlant secret (1911), dont le réalisateur Robert Siodmak, tira un film vingt ans plus tard, Amok (1934), La Pitié dangereuse (1939), La Confusion des sentiments (1926), recueil qui contient Vingt quatre heures de la vie d’une femme,  et Le Joueur d’échecs, écrit à la toute fin de sa vie, et publié après sa mort.
Ces Vingt-quatre heures de la vie d’une femme avait déjà été  portée à la scène en 1990 par Marion Bierry. Cela se passe sur la Côte d’Azur, il y a quelque cent ans dans un hôtel bon chic bon genre où, scandale, madame Henriette, la femme d’un client s’enfuit avec un jeune homme de passage qui a perdu un somme très importante d’argent au casino de Monte-Carlo.
Dans cette nouvelle, le narrateur essaye de comprendre, aidé par une vieille dame anglaise, comment et pourquoi une riche veuve qui passe son temps à voyager pour tromper sa solitude, a pu avoir un tel coup de foudre et une passion dévorante pour ce beau jeune homme, fils d’une honorable famille d’origine italienne, qui venait de sortir d’une école de diplomatie. Elle le trouve un soir, désespéré, assis sur le banc d’un parc, absolument démuni. Fascinée par sa beauté et son intelligence, elle va le faire loger dans un petit hôtel, avant de le rejoindre pour la nuit .
Follement amoureuse, elle veut le protéger à tout prix, et contre la promesse de ne plus jamais jouer, elle lui donnera ensuite beaucoup d’argent pour qu’il puisse retrouver une boucle d’oreille volée à sa mère et qu’il a mise en gage… Bien entendu, il rejouera de nouveau au casino avec l’argent généreusement offert, et encore plus désespéré, se tirera une balle dans la tête.
  Eric-Emmanuel Schmitt a adapté cette nouvelle  et  Le Joueur d’échecs qui est aussi joué  en ce moment dans ce même théâtre. Au-dessus du plateau, sont suspendues des bandes de tissu blanc, bien éclairées et d’un belle efficacité plastique, une table ronde de bistrot et quelques chaises, et côté cour, un canapé en bois. Eric-Emmanuel Schmitt a conçu cette adaptation comme un monologue, et il n’y a plus que deux personnages que joue, vocalement du moins, Clémentine Célarié: la riche veuve et le  jeune homme souvent présent mais toujours muet. Ce qui n’est sans doute pas la solution idéale mais bon…
Un garçon de café fera de très courtes apparitions avec quelques mots. A la fin, le jeune homme  aura droit lui aussi à quelques  répliques, les dieux savent pourquoi. Dès les premières minutes, on a l’intuition que cela ne va pas fonctionner… En effet, Clémentine Célarié, pourtant bonne comédienne,  est ici mal dirigée, et  a donc bien du mal à imposer ses personnages; elle  a une curieuse et assez insupportable diction ressemblant à celle des mauvais animateurs de radio, qui font des ruptures artificielles dans les phrases, soi-disant pour faire naturel. Le procédé vite fatigant, plombe le texte de cette aventure amoureuse teintée de folie qui, du coup, n’a pas grand chose de bien passionnant ! En fait, Steve Suissa ne semble pas maîtriser les choses et hésite sans cesse entre symbolisme et réalisme, ce qui ne pardonne pas sur un plateau.
D’autant plus que Clémentine Célarié n’est pas à l’aise dans cette mise en scène qui n’est vraiment pas du bois dont on fait les flûtes. Avec une volonté d’illustration assez pénible: ainsi, quand  le texte parle d’une voiture qui part, on entend un bruit de moteur, quand il évoque les paysages de la Côte d’azur, on voit défiler des pins parasols en vidéo sur les banderoles blanches, etc… Et comme si on n’avait pas compris, ce suicide ouvre et ferme le spectacle… Tous aux abris!
Bref, on voit mal les raisons de vous envoyer voir cette pauvre chose vraiment trop approximative et pas donnée: Places à 40€:Carré Or, 34€, 27€, 20€ et 12€). Même si le fan-club de Clémentine Célarié semblait conquis, (tant mieux pour lui! ), le reste du public était plus réservé, et on le comprend…

Philippe du Vignal


Théâtre Rive gauche, rue de la Gaieté 75014 Paris.

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