Century song/Le chant du siècle

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John Lauener

Century Song /Le Chant du siècle de Neema Bickersteth, Kate Alton et Ross Manson, mise en scène de Ross Manson.
 
Cette création mondiale  a marqué l’ouverture du festival culturel annuel  promu par le Centre national des Arts à Ottawa. Cette année, la scène d’Ontario est à l’honneur. Parmi les 90  événements prévus,  dont la danse de toutes origines, les  arts médiatiques  et des musiques classiques, populaires et traditionnelles, il y a aussi  des rencontres littéraires (anglophones et francophones) et  une quinzaine de spectacles de théâtre.   
Le Chant du siècle  nous ramène aux expériences scéniques et musicales de John Cage mais avec un autre contenu. Seule en scène, la jeune soprano Neema Bickersteth dans le rôle-titre,  sobre et filiforme,  qui a une belle voix d’opéra, puissante et   dramatique,  est le socle dramatico-musical de la soirée.
Sans paroles, le spectacle raconte par des images, l’histoire de la femme noire au  Canada, soutenue par des  paysages filmés, des intérieurs  qui se transforment à vue d’œil, et des effets visuels indiquant  la remontée dans le temps.
La soprano adopte une gestualité inspirée de la danse  contemporaine pour situer l’évolution des rapports  avec son milieu socio-culturel. Grâce à un sens du théâtre hérité des spectacles de John Cage,  au  jeu transgressif de Mauricio Kagel qui subvertit tous les instruments qui lui tombent sous la main, et au texte d’Alice Walker  (À la recherche des jardins de nos mères), l’équipe du Volcano Theatre de Toronto a réussi un événement  de très bonne qualité visuelle et musicale.
Mais la profusion d’images, portraits,  situations et références architecturales et stylistiques dilue le message  et oriente l’attention du spectateur vers le  dialogue  entre voix humaine, piano, percussions et  images transmises par caméra.
Autrement dit, ce travail scénique reste braqué sur la forme. Reste à voir comment on pourrait  épurer les composantes du spectacle pour mieux cibler le sens caché du spectacle. Mais on reste sur sa faim devant une œuvre qui n’est pas encore menée  à terme…


Alvina Ruprecht

Spectacle  présenté au Gladstone Theatre d’Ottawa, dans le cadre du Festival  La scène Ontario les  29 et 30 avril.
 


Archive pour 2 mai, 2015

Je te souviens

Je te souviens, d’après Souviens-moi d’Yves Pagès et I remember de Joe Brainard, un projet de Benoît Bradel

  jts Si l’oubli n’existait pas, nous ne serions plus qu’un objet abstrait et déshumanisé, un archivage mémoriel, un dossier informatique au goût du jour, un disque dur qui existerait le temps d’une vie avant de finir misérablement dans une déchetterie. Ainsi est lancée sur le plateau, de manière intempestive, la partition verbale et libérée de Je te souviens par le performeur Gaspard Delanoë, dégaine aérienne et ahurie, dirigé par le metteur en scène et vidéaste Benoît Bradel.
  Je te souviens est né de Souviens-moi d’Yves Pagès, compagnon de route de la compagnie Zabraka, soit une envie irrépressible de créer un spectacle autour d’un trésor humain, la mémoire collective et la mémoire intime, deux espaces-temps de trous, tours, troubles et détours, selon les mots de Benoît Bradel.
  Il  fallait en passer, évidence ou paradoxe, par le souvenir du célèbre Je me souviens de Georges Pérec qu’incarnait sur sa bicyclette atemporelle et aventureuse,  Sami Frey, à la fois sombre et enjoué en 1988. Texte fondateur lui-même inspiré de celui d’un jeune poète et artiste américain, Joe Brainard, inventeur de cette formule magique: « I Remember, Je me souviens ».
  Marie Chaix, traductrice de I remember en français, note la publication des premiers I remember en 1970, puis de I remember more en 1972 et More I remember more en 1973, une panoplie unique de la vie quotidienne de l’Amérique profonde des années quarante et cinquante, et du New York des  années soixante.
  Georges Pérec, touché au vif par le principe revendiqué du non-oubli et avant même de lire ce modèle américain, se met à décliner à plaisir ses Je me souviens facétieux et ludiques, tirés de sa propre histoire dramatique et de son époque.
  De son côté, quelques décennies plus tard, Yves Pagès écrit Souviens-moi qui s’appuie sur le jeu similaire de la reprise en incipit, « De ne pas oublier », matrice joyeuse d’une énumération fragmentaire intime, dévergondée et secrète encore.
 Le spectacle de Benoît Bradel contient les items des œuvres de Brainard et Pagès, des années quarante à nos jours, où se croisent petite et grande histoire, générations, figures historiques et  dans le vent, objets comme ce tube de dentifrice dont on ne voit pas le bout, à travers l’éclatement d’images anarchiques libérées, des fulgurances que la mémoire croyait oubliées, une musique non contrôlée de souvenirs étincelants qui font sens,  soutenus par la création musicale et l’interprétation sur scène de Thomas Fernier, et qui résonnent en point et contre-point.  
  I remember hoola hoops : Gaspard Delanoë se contorsionne et fait jouer autour de sa taille le cercle en plastique disparu qui fait tourner les esprits. Face à un vaste tableau énigmatique dont les variations colorées répondent aux lumières d’Orazio Trotta, l’installation de Benoît Bradel et Olga Karpinski est un jeu de cubes enfantins à dimension augmentée: boîtes en carton blanc  empilées, tours de Pise improvisées, dalles funéraires,monuments urbains,  sièges, tables, tambourins. Formes géométriques à construire et à déconstruire:  un monde où l’on se perd et  où  on s’égare à la fois et où l’on se retrouve étrangement : « Je me souviens de moi me surprenant avec une expression sur le visage qui n’avait plus aucun rapport avec ce qui se passait. »
La vie semble ainsi et à bien des égards mystérieuse, aléatoire et hasardeuse :  « De ne pas oublier qu’entre 1973 et 1976, mon collège parisien était encore non mixte et qu’évolution des mœurs oblige, à deux trois ans près, j’ai manqué de chance. »

Le comédien se défait de ses atours classiques pour en revêtir d’autres plus contemporains et juvéniles,   puis choisit une robe clinquante et brillante: autant d’humeurs saisies dans l’instant et autant d’états d’âme et de corps changeants. Humour et  malice sont toujours au rendez-vous : « De ne pas oublier cette remarque paternelle assénée dès avant ma puberté, qui voulait que la durée moyenne du coït corresponde « peu ou prou » à l’échelle de cuisson des œufs dans l’eau bouillante : à la coque, mollet ou dur. »
On en redemanderait encore, de ce spectacle subtil et espiègle,  où est remis à plat  le fonctionnement déroutant d’une mémoire encore vive et saine, à une époque où se révèlent toutes les énigmes des maladies insaisissables d’Alzheimer.

Véronique Hotte

TRIO…S / Inzinzac Lochrist/ Hennebont – Scène de territoire pour les arts de la piste (56), le 30 avril

Théâtre de Cornouailles, Scène nationale de Quimper, les 11 et 12 mai

 

Monuments en mouvement

 

Monuments en mouvement au Panthéon, conception chorégraphique de Radhouane El  Meddeb

IMG_0328Réunir la liberté du geste chorégraphique et la solennité figée des monuments historiques : une belle idée à l’initiative de  Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, aidé pour sa programmation par Simon Pons Rothbar. On se demande pourquoi personne ne l’a eue  précédemment !
 L’ouverture de cette sa première édition, au Panthéon, en présence de Jack Lang, ancien ministre de la culture, a connu un grand succès public.  Pour Heroes, prélude, qui sera montré dans sa forme finale au Centquatre, à l’automne, le chorégraphe Radhouane El Meddeb a imposé à ses dix danseurs, une  aire de jeu carrée, à l’aplomb de la coupole principale du dôme.
  Chaque danseur, après un regard vers la porte du Panthéon, nous fait face en alternant mouvements lents et rapides. La musique de Philip Glass les accompagne et donne une dimension solennelle au geste dansé. Le mouvement perpétuel des interprètes crée un contraste puissant avec l’immobilité des statues qui les entourent.: «Il était grand temps, dit Philippe Bélaval, d’inviter la danse à franchir le seuil de nos monuments. Pour introduire dans ces lieux chargés de souvenirs et imprégnés d’histoire, la puissance d’évocation poétique qui est la sienne propre».
Une très belle scène finale a permis au soleil couchant, présent ce jour-là, avec la Tour Eiffel pour témoin, de découper joliment les silhouettes des artistes qui sortaient par la porte monumentale du Panthéon : un moment magique où les corps semblaient en totale harmonie avec l’espace.
Cette manifestation gratuite va être déclinée dans différents lieux historiques en France, comme le Palais Jacques Cœur à Bourges, et  la basilique Saint-Denis, avec, à chaque fois, la collaboration d’un chorégraphe.

Jean Couturier

http://www.monuments-nationaux.fr            

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