Nouvelles représailles
Nouvelles représailles de Hanokh Levin, mise en scène de Véronique Widock
On commence maintenant à bien connaître l’auteur israélien en France depuis 2001, quand ses pièces ont été traduites aux Editions Théâtrales, deux ans après sa mort. Jacques Nichet, Michel Didym, François Rancillac, Stéphane Braunschweig, Laurent Pelly, Krystof Warlikovski les ont très vite montées…
Avec des pièces à la fois satiriques, politiques et mythologiques, Hanokh Levin ne recule devant rien, se joue des rapports familiaux, religieux, et n’hésite pas à mettre en pièces tous les tabous. Marqué par le conflit entre Israël et Palestine, Hanokh Levin parle souvent de la guerre, de rapports avec cet ennemi imposé, et n’hésite pas à critiquer l’occupation par son pays des territoires palestiniens dans des pièces comme Shitz, Yaacobi et Leidental, Kroum l’ectoplasme, Que d’espoir ! , La putain de l’Ohio…
Après avoir monté de lui, Soldat ventre creux en 2013, Véronique Widock vient de monter dix-sept textes issus de ses cabarets (Que d’espoir, Douce vengeance et autres sketches, Satire…). On y trouve donc chansons, dialogues théâtraux, et extraits de poèmes.
Le spectacle commence par le discours d’un ministre croyant poser la première pierre d’une bibliothèque construite en forme de canon, qui pourrait, en cas de conflit, envoyer des livres sur l’ennemi voisin. Mais sa conseillère lui apprend au fur et à mesure qu’il y a eu une erreur dans son agenda, et qu’il est en fait à un enterrement! Il modifie donc son discours à chaque nouvelle information. C’est très drôle, parce qu’assez proche de la réalité…
Il y a aussi une mère qui doit faire face au décès de son fils, un jeune homme essayant de draguer une fille qui ne cesse de le rembarrer, une femme choisie par les Chinois pour devenir leur chef d’état-major, ou encore un militaire israélien sympathisant avec un père de famille palestinien dont il vient faire exploser la maison ! Il y a aussi un monologue où un homme redoute de connaître la paix… Puisqu’il ne sait pas comment faire, il en revient finalement toujours à la violence.
Véronique Widock, directrice artistique du Hublot à Colombes, a su mettre en scène ce patchwork de textes en évitant tous les pièges. Henri Costa, Rémi Creissels et Nolwenn Le Du ont un jeu très juste, avec ce qu’il faut de la part d’outrance présente dans l’écriture d’Hanokh Levin. Ces fragments de textes s’enchaînent dans un bel équilibre, en passant du tragique à l’absurde, et le violon d’Irène Lecoq sait donne hauteur et respiration à l’ensemble.
En montant cette large palette de textes, Véronique Widock montre à quel point cette écriture est profonde, intelligente, jamais univoque et qu’elle peut nous amener à réfléchir au-delà de la situation représentée. Avec peu de moyens et beaucoup d’humilité dans son travail, elle a réussi un beau et solide spectacle dont on ressort enthousiasmé. On espère que ces Nouvelles représailles, modulables dans leur forme, pourront être montrées à un plus large public!
Julien Barsan
Spectacle vu au Hublot de Colombes le 7 mai.
Le 23 mai à L’Hermine de Plouha (Côtes d’Armor).