Golem
Golem par le collectif 1927, mis en scène de Suzanne Anglade, (en anglais sur-titré)
Les personnages de cette fable moderne hilarante évoluent dans un univers graphique proche des illustrations d’albums-jeunesse anglais : un film d’animation est projeté en fond de plateau, avec lequel les acteurs interagissent, en se détachant de ce décor mouvant.
Il y a ici la sœur, leader d’un groupe punk: Ann and the Underdogs (Anne et les prolétaires), dont fait partie son frère, Robert, employé sans ambition au Bureau de la sauvegarde où, en mode binaire, l’on sauvegarde les sauvegardes… PJ, le batteur, se joint aussi à eux, et au fond de leur cave, ils répètent un répertoire grinçant « pour pourrir le Noël des gens ».
La grand-mère, de son coté, vit au milieu de ses livres et souvenirs… Un jour Robert ramène un brave gros Golem à la maison, et leur monde bascule insidieusement et de façon radicale. « Nous avons vu notre entourage devenir de plus en plus accro aux téléphones portables et à Internet, explique la metteuse en scène. Lors de nos recherches sur le mythe juif, nous avons tout de suite fait le lien avec l’intelligence artificielle et le clonage »
A partir de la vieille légende, Golem devient ici l’histoire d’une famille ordinaire, peu à peu manipulée par un pantin humanoïde qui, de serviteur muet, devient un tyran domestique, convertissant chacun, jusqu’à l’aïeule, aux nouvelles technologies aliénantes. La poupée d’argile se mue en Golem version n°2, redoutable fils de Google et Facebook, suppôt de Big Brother, qui va entraîner les protagonistes dans une déshumanisation inéluctable. Les cinq comédiens et musiciens du collectif britannique 1927 (date de naissance du cinéma parlant), déploient une énergie et une inventivité surprenante, tant sur le plan visuel que textuel : le livret de Suzanne Andrade, se réfère notamment à l’univers des « nursery rhymes », ces fameuses comptines anglaises pour endormir les enfants, et Lewis Carroll.
Le mariage entre le film d’animation et les scènes jouées en direct sont d’une précision diabolique, et il a fallu plus d’un an de travail au collectif 1927, pour mettre en place ce cabaret foisonnant où musique, dessin et jeu se mélangent savamment, pour notre plus grand plaisir.
A ne pas manquer.
Mireille Davidovici
Théâtre de Abbesses jusqu’au 4 juin. T : 01 42 74 22 22 ; www.theatredelaville-paris.com