La maison et le zoo d’Edward Albee

La Maison et le zoo d’Edward Albee, traduction de Jean-Marie Besset, mise en scène de Gilbert Désveaux

 

p183784_2  Edward Albee, surtout connu  pour Qui a peur de Virginia Woolf ? qui fut adapté à l’écran en 1967 par Mike Nichols, avec Richard Burton et Elisabeth Taylor, est un auteur assez peu monté en France, malgré  une œuvre dramatique importante (quelque 34 pièces!).
La Maison écrite en 2004, en complément de The Zoo Story (1958), en constitue paradoxalement l’antichambre.
Le diptyque, rebaptisé par l’auteur La Maison et le Zoo ( At Home and at the Zoo), est l’histoire de Peter, abordé dans Central Park par le délirant Jerry qui vient du zoo, alors que lui, sort de son confortable appartement de bourgeois new-yorkais, éditeur de surcroît, après une altercation avec sa femme.

Ann lui reproche mille petits travers, avant d’aborder le sujet brûlant d’une sexualité éteinte, sans passion ni sauvagerie : « Pour baiser t’es nul ! (…) Où est passé la rage de l’animal ? »,  reproche-t-elle à cet époux aimant, et tendre qui ne comprend pas :  «Un voyage sans incident sur un vaisseau solide, c’est ce qu’on voulait tous les deux».
   La pièce débute par un dialogue, riche en sous-entendus et clichés comme dans un télé-film, et chargé du ressentiment d’une ménagère frustrée. Puis la conversation vire insidieusement aux confidences, mais le non-dit, qui est censé tendre violemment les rapports entre époux bien élevés, est passé sous silence : faiblesse de la pièce ou de l’interprétation ?
Les deux acteurs ont, en tout cas, du mal à investir le texte, et la mise en scène, sage et appliquée de Gilbert Désveaux ne sauve pas ce long prélude ; bref, on a du mal à ne pas céder à l’ennui devant tant de banalité. En effet, car c’est là que le bât blesse, la folie qui sous-tend le face-à-face entre Ann et Peter, dans leur échanges aigres-doux sur l’état de leur couple, n’est pas à la hauteur de celle qui se joue entre Peter et Jerry.
  Ce pauvre bougre entreprend Peter, tranquillement assis sur son banc, avec des histoires abracadabrantesques sur ses rapports avec la concierge, son chien, les animaux… Ses interrogations sur l’amour, la violence et la bestialité dérangent, mais excitent aussi Peter qui, à son tour, défend avec rage le banc dont Jerry veut le chasser… Jusqu’au meurtre, provoqué, sinon désiré par Jerry…
La langue âpre et précise d’Albee, dans l’adaptation de Jean-Marie Besset, prend tout son essor quand Xavier Gallais s’en empare. Jerry ambigu, il est tantôt au bord de l’hystérie, tantôt drôle et farcesque, tantôt inquiétant. Toujours sur la brèche. Comme un animal échappé du zoo. Et cette belle performance d’acteur sauve le spectacle. Mais  Jean-Marc Bourg, avec un jeu tout en réserve, a du mal, lui, à tenir le choc.
Dommage, car cette fable sur la violence originelle du mâle blanc conserve toute son actualité, puisque Jerry ira jusqu’à tuer, pour défendre un territoire aussi dérisoire qu’un banc de jardin public, encouragé qu’il est à la sauvagerie par sa femelle.
Du moins, on renoue avec un auteur, et  Xavier Gallais est à sa mesure.

 Mireille Davidovici

 Théâtre du Rond-Point, 2 bis Avenue Franklin-Roosevelt, 75008 Paris. T. : 01 44 95 98 21, jusqu’au 28 juin


Archive pour 5 juin, 2015

Journal de ma nouvelle oreille

_PAL3698Journal de ma nouvelle oreille d’Isabelle Fruchart, adaptation et  mise en scène  de Zabou Breitman

 

 C’est l’histoire autobiographique d’un appareillage auditif et de la renaissance qui s’ensuit. Suite à des otites répétitives, Isabelle Fruchart, adolescente ne dispose que de 70% d’audition à ses deux oreilles. Sa surdité détectée à quatorze ans, est diagnostiquée à vingt-six ans mais Isabelle Fruchart n’est appareillée qu’à trente-sept ans, tant elle est conditionnée par une vision diminuée d’elle-même; c’est une épreuve qu’elle rejette d’emblée, parce que vécue comme un handicap.
Mais les progrès du numérique sont tels, qu’elle accède enfin aux sons enfouis de son enfance: repères crus,oubliés puis reconnus,  bruits de vaisselle de la cuisine familiale, bribes mystérieuses des conversations parentales,  pluie qui tombe sur les vitres des fenêtres ou sur le zinc des toits,des bruits secs et sonores, chansons perdues dont on avait oublié mais dont on  savait les paroles par cœur, bruits de papier froissé, son des  instruments de musique, chuchotements énigmatiques, les aventures d’un personnage dans tel paysage oriental saisies à la radio, grâce au merveilleux Jacques Gamblin, sans oublier les voix feutrées des mots d’amour.
La comédienne fait, jour après jour, le récit de cet appareillage et de toutes les sensations issues du monde des sens, entre salut régénérateur et douleur. Dans la mise en scène de Zabou Breitman, l’interprète va et vient entre le mal-entendre, l’audition progressive, puis l’audition parfaite. Dans une posture philosophique est celle de la comparaison entre une vie présente renouvelée et une vie d’avant faussement « normale », faite d’efforts et de contraintes où tout l’être se tend,  pour comprendre les paroles lues sur les lèvres. Notre cerveau dispose en effet de multiples moyens d’attention pour compenser les déficiences.Le corps prend donc alors les devants et s’adapte aux manques, aux faiblesses et aux fragilités.
Journal de ma nouvelle oreille est un conte sur la capacité à survivre et à s’en sortir, dans n’importe quelque situation:  cette comédienne fait du théâtre mais mime, chante et fait de la magie mentale, les yeux bandés. Costumée en Charlot, Isabelle Fruchart se place à côté d’un écran qui diffuse les bribes d’un film muet chaplinesque en noir et blanc. Elle mime l’icône mythique et comique, répétant ses pas burlesques, depuis les images jusqu’à la vie sur scène. Malgré sa déficience auditive, refusant le rêve refuge, la jeune femme a toujours foncé, prenant en même temps des cours de chant, de danse et de musique.
Quand elle joue dans Cymbeline, un spectacle d’Hélène Cinque, l’actrice se jette dans la terre humide, après avoir pris soin de retirer ses « nouvelles oreilles ». Vibre alors un monde sonore, récupéré par l’artiste dans le partage des sensations, à travers une bande-son partenaire défilant en même temps dans toutes les têtes.
La comédienne «est» d’abord elle-même sur la scène, suscitant l’admiration. Un vrai partage, une saisie de l’aventure existentielle grâce aux sons.

 Véronique Hotte

 Théâtre du Rond-Point jusqu’au 4 juillet. T : 01 44 95 98 21

 

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