Rigoletto par les Grooms
Rigoletto par les Grooms, d’après une idée originale de Jacques Auffray, mise en scène de Pierre Guillois, musique d’Antoine Rosset et Serge Serafini, d’après Giuseppe Verdi
C’est la réinterprétation d’un opéra célèbre d’un compositeur aussi célèbre comme savent si bien le faire Les Grooms : (Mozart, Wagner, Purcell) avec La Flûte en chantier, La Tétralogie de Quat’sous, Un roi Arthur (voir Le Théâtre du Blog). Système maintenant parfaitement rodé: une fanfare de cuivres joue les airs les plus connus de l’œuvre avec quelques chanteurs/comédiens très habiles, la plupart du temps dans une déambulation en plein air mise en scène .
Cette fois-ci, Les Grooms s’attaquent à un des opéras les plus populaires de Guiseppe Verdi, avec, au programme de cet histoire d’amour trop compliquée pour être résumée, adaptée du Roi s’amuse de Victor Hugo: mensonges, coups bas, trahisons, jalousies, poursuites et assassinats…
Cela se passe devant la Maison de la musique à Nanterre sous un ciel menaçant qui a obligé les Grooms à reporter le spectacle d’une quarantaine de minutes. Un public qui ne va probablement jamais au théâtre, est installé debout autour de la place sur de petits pliants triangulaires pour les plus chanceux, ou assis par terre sur des bâches au milieu de cette place ronde, la fanfare et les chanteurs évoluant sur l’anneau resté libre séparant le noyau central des spectateurs.
Il a ainsi Les Grooms (clarinette, saxos, trombone, accordéon…), six jeunes femmes taille super mannequin en short, chaussures à hauts talons et longue perruque blonde, avec un numéro dans le dos comme pour les concours de beauté de miss, un vieil homme, le père de l’une des héroïnes en fauteuil roulant électrique pour handicapé, une autre voiture décapotable d’un beau rouge, un lit à baldaquin aux draps blancs. Et vers la fin, une petite caravane dont les deux côtés servent selon les scènes. Comme toujours pour les spectacles de rue, il y a beaucoup de jeunes et d’enfants…
«Les cuivres résonnent sur les façades, les voix des chanteurs planent au dessus des toits, la folie de l’histoire s’empare de la foule. Les Grooms jouent les grandes émotions pour enchanter la ville ! » dit la note d’intention. Aucun doute là-dessus: on sent que c’est un vrai travail de professionnels avertis mais…non rien à faire, ce n’était décidément pas le bon soir: la folie de l’histoire ne s’empare pas du tout de la foule, et cela ne fonctionne pas vraiment. La faute à quoi, la faute à qui ?
D’abord, au choix et surtout à la configuration scénographique ratée de ce lieu, assez bruyant, où on se perdent les voix des chanteurs, pourtant habitués au plein air, et de la chorale d’amateurs, dans un brouhaha permanent.
Par ailleurs, côté dramaturgie, le scénario déjà compliqué, est ici proprement imbitable sauf dans ses grandes lignes, puisqu’on l’entend mal, le public peu attentif ne cessant de parler. Et le manque de rythme est flagrant : les scènes se traînent, avec souvent, de longs blancs où rien ne se passe. Et même s’il y a de belles images comme cette décapotable rouge avec douze jambes élégantes qui battent la mesure, ce lit à baldaquin transportant la belle héroïne du drame, qui semble voguer au-dessus du public, le spectacle avance bien lentement.
Pierre Guillois, pourtant très bon metteur en scène, semble avoir eu quelques mal à mettre en place cet opéra compliqué en plein air, exercice toujours périlleux, et plusieurs fausses fins allongent encore ce spectacle déjà trop long qui a perdu son rythme en route. Sans doute, ce sont les premières les choses vont donc se caler et ce Rigoletto va progresser si les Grooms resserrent d’urgence les boulons.
Ils nous ont habitué à mieux, comme avec ce splendide Roi Arthur, ou avec cette merveilleuse Baronnade qui avait enchanté le public et que nous étions allés voir à Aubin, ancienne petite ville minière de l’Aveyron, aux rues moyenâgeuses…
Philippe du Vignal