Pyka puppet Festival
Pyka Puppet Estival:
Une nouvelle semaine de la marionnette est née au Théâtre de l’Atalante, avec six spectacles d’une grande diversité de formes et de provenances.
Tea House de Yeung Faï
Nous avions déjà apprécié sa dextérité dans Blue Jean (voir Le Théâtre du Blog), une pièce fondée sur la technique de la marionnette chinoise pour nous conter, en une heure, l’histoire de son pays natal, depuis l’invasion japonaise jusqu’à la nouvelle Chine, celle du commerce et du karaoké, en passant par la Révolution culturelle…
Il représente l’ancien régime avec des saynètes savoureuses, composées à la manière de l’opéra chinois : scènes domestiques ou combats acrobatiques de cape et d’épée. C’est là que s’exprime tout son talent, nourri par une longue tradition familiale, puisqu’il incarne la cinquième génération de grands maîtres de la marionnette.
Mais la suite du spectacle souffre d’un manque de cohésion. Même si les images sont souvent belles (comme cette cible teintée d’une traînée rouge, allusion à la guerre civile), les signes et symboles sont, eux, moins lisibles. Certes, ce lion qui se réveille et qui danse, incarne la renaissance de l’Empire du Milieu, mais on saisit mal qu’un singe muni de son bâton de pèlerin, fasse allusion au Voyage vers l’Ouest, le fameux roman de Wou Cheng, du XVIIIe siècle. Ce serait ici la métaphore des pérégrinations de l’artiste vers l’Occident.
La Légende du bonheur d’Evguéni Ibrahimov
Ce spectacle nous invite à un autre voyage : aux confins du Caucase dont est originaire le metteur en scène et directeur de la compagnie russe Skazka. Avec de petites poupées plates et tout en longueur, emmanchées sur des bâtons rustiques, il nous narre une légende du pays des Tcherkesses (Circassiens), que traduit en direct, sur scène, une jeune femme. Proche du conte, le spectacle nous plonge dans la culture populaire de la Sibérie, sans cependant créer d’images fortes.
The seed Carriers de Stephen Mottram
Au bout des fils, s’animent de petites poupées articulées qui rampent et sautillent, avant d’être prises au filet par ce géant qu’est le marionnettiste. Fragiles, elles seront démembrées par un drôle de monstre qui manipule le contenu de leurs entrailles pour créer des êtres hybrides, mi-oiseaux, mi-poissons …
Dans un décor qui s’ouvre, se ferme, se déplie et se replie, grouille un bestiaire fantastique imaginé par le marionnettiste-démiurge, qui, avec le plus grand flegme, se livre sur ses créatures à des extermination de masse, à des manipulations génétiques, ou qui les asservit en les transformant en automates… C’est fou ce qu’il fait subir à ses pantins. De quoi frémir ! Les éclairages sont savamment étudiés, et la musique de Glyn Perin traduit grincements, claquements, crissements, bouillonnements, qui accompagnent l’implacable mécanique présidant aux destinées de ces homoncules émouvants par leur précarité.
On pense aux films et installations des frères Quay, à partir des univers de Franz Kafka ou Bruno Schulz. Du grand art. Ce brillant spectacle en dit long sur la condition humaine…
Mireille Davidovici
Spectacle vu à l’Atalante du 4 au 11 juin où étaient aussi présentés : Le dernier cri de Constantin de Pierre Blaise, Je hais les marionnettes de Jean-Louis Heckel (voir prochainement Le Théâtre du Blog), et Actes sans paroles de François Lazaro.