Chantiers d’Europe

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Chantiers d’Europe à la Cité Internationale.

 

   L’année de ses 90 ans, la Cité Internationale Universitaire ouvre ses portes à la manifestation coordonnée par Emmanuel Demarcy-Mota;  directeur du Théâtre de la Ville. Il s’agit de présenter des compagnies étrangères, jouant le plus souvent dans leur langue. Cinq pays sont à l’honneur cette année : Grèce, Italie, Pologne,Turquie et Portugal. Dans ce cadre unique de la Cité Universitaire, on peut d’abord déambuler entre les différentes maisons et découvrir, à certaines heures,  Musique pour que le monde joue, et ainsi entendre le même morceau joué par une douzaine de pianistes, et dont la mélodie se découvre aux fenêtres des maisons.
Belle idée, douce rêverie … si elle avait été au point ! Mais beaucoup de pianos restaient silencieux ou, pire, étaient utilisés pour  jouer une autre musique… Le Théâtre lui,  propose aux plus courageux d’enchaîner les spectacles à un rythme  de Festival d’Avignon ! A La Resserre, l’italienne Marta Cuscunà  seule en scène dans La Ressserr avec  La Simplicité Trahie librement inspirée de l’histoire des clarisses d’Udine, ces moniales qui transformèrent leur couvent en une espace de réflexion et de remise en question du patriarcat et de la domination masculine. (voir l’article plus bas).
La grande salle du théâtre accueille elle, une adaptation en portugais d’Hamlet,en 1h15 par la compagnie Mala Voadora  qui privilégie les scènes d’action pour cet Hamlet mené tambour battant, ou le personnage-titre n’est pas omniprésent comme dans une représentation du texte intégral.  Avec des choix précis: l’histoire d’amour d’Hamlet et Ophélie est survolée, et les actes s’enchaînent rapidement.
Le théâtre dans le théâtre est une des métaphores filées de ce spectacle, d’abord dans la scénographie, puisque des toiles représentant un théâtre à l’italienne descendent puis remontent des cintres créant une belle mise en abyme, et les comédiens d’abord habillés  contemporain revêtent des costumes d’époque au fur et à mesure que l’on avance dans la pièce.
Puis Hamlet s’adresse à nous, sort de son jeu pour nous lire le texte de la pièce. Relecture très vivante et intelligente. Et c’est agréable d’entendre la tirade d’Hamlet dans cette belle langue portugaise !
A la Galerie, Aalst de l’auteur turc Radek Rychcik a pour thème  un fait divers tout à fait sordide. Dans la petite ville belge d’Aalst, un couple  étouffe le plus jeune de ses deux enfants et plante des ciseaux dans le dos de l’aîné.
 Les comédiens installés dans de lourds fauteuils, et en habit de fête, comme s’ils sortaient d’un mariage, sont  interrogés par ce qui semble être un juge, en voix off. Et ils ne bougeront pas d’un pouce durant le spectacle. Dommage si une tête devant vous vous cache un des comédiens, d’autant qu’ils sont très à l’avant-scène.
Deux musiciens, un batteur et un  pianiste  ponctuent l’interrogatoire avec une belle musique rock, des bruitages un peu incongrus (bruit de la mer, chiens qui aboient) et proposent presque une jolie musique sur des mots effroyables. Mais il ne se passe pas grand-chose sur scène à part cet interrogatoire, tantôt insoutenable, tantôt superficiel.
On se sent  un peu mal à l’aise: on ne sait si on veut nous dire que ce couple a, sinon des excuses, du moins des circonstances atténuantes ? Veut-on nous faire comprendre le geste d’un homme et d’une femme qui se savent de très mauvais parents et qui préfèrent tuer leurs enfants ,plutôt que de les voir grandir en souffrant ? Ou  nous montrer à quoi mène la marginalité et le refus de s’intégrer à la société ?
La mise en scène est plutôt bien maîtrisée mais on sort assez gêné de ce spectacle,  mollement applaudi.

 Julien Barsan

 Spectacles vus au Théâtre de la Cité Internationale le 13 juin.

 


Archive pour 19 juin, 2015

Belgrade

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  Belgrade, d’après le texte d’Angelica Liddell, mis  en scène par Thierry Jolivet avec le collectif La Meute .

 Voilà certainement un des spectacles les plus intéressants de la saison  et l’on sort du théâtre différent de ce que l’on était en y entrant !  Le texte d’Angelica Liddell évoque le chaos qui règne sur Belgrade après la guerre fratricide qui a enflammé les Balkans.  En 2006, on y  honore la dépouille de Slobodan Milosevic, mort à a prison de La Haye, alors qu’il était jugé pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité  et génocide par le Tribunal Pénal  International. Plus de 50.000 personnes se sont déplacées pour la cérémonie.  Au milieu, une femme, reporter de guerre, spécialiste de « la question balkanique », mène une enquête. Le texte n’est fait que de monologues, comme s’il n’y avait plus de dialogues possibles dans ce pays déchiré.  Le collectif La Meute, formé en 2010 par des ex-élèves du Conservatoire de Lyon, aime s’approprier des textes littéraires qu’il dissèque, réécrit en y insérant d’autres, dont les leurs.  Ses  mises en scène se veulent percutantes  avec  musique, et vidéo…Et  l’a passé, ils ont obtenu le prix du Public au festival Impatience. Le Théâtre des Célestins à Lyon les a programmés pour finir la saison. Contrairement  au spectacle dont parlait Philippe du Vignal en mai 2013, la pièce ici est réduite à cinq monologues,  et augmentée d’autres textes. Une  journaliste recueille les témoignages sans intervenir mais la tension est telle qu’elle laisse éclater son désespoir  devant tant d’inhumanité, avec une violence  destructrice. En fait, Thierry Jolivet nous donne à voir un opéra-rock, « une manière de requiem pour cinq acteurs et deux musiciens ». C’est une musique suffisamment sauvage pour restituer le climat de Belgrade à ce moment. En ouverture et au final,  il a placé le récitatif d’un homme jeune, sorte de porte-parole du collectif, qui explique combien cette guerre a été importante pour leur génération  née avec  la chute du Mur de Berlin, et élevée dans l’idée d’une Europe des peuples. Quand la musique se tait, une  bande-son, omniprésente, souligne l’atmosphère des scènes qui peut être simplement  faite de soupirs, de gémissements et de sanglots. Les voix  des comédiens, équipés de mini-micros, sont très présentes, sans forcer, Rarement, au théâtre, on aura été confronté à la détresse d’un peuple qui vient de s’entretuer, et rarement aussi on aura ressenti la désillusion des citoyens devant l’incapacité de l’Europe à gérer les conflits.

 Elyane Gérôme

  Spectacle vu aux Célestins, Théâtre de Lyon / www.celestins-lyon.org

Un Obus dans le cœur

Un Obus dans le cœur, adaptation du roman de Wajdi Mouhawad, mise en scène de Catherine Cohen

 Dimageans ce récit théâtral et onirique, sont réunis les thèmes chers à l’auteur libanais, exilé d’abord au Canada, et vivant le plus souvent aussi en France : l’enfance, la filiation, la solitude, la maladie, la guerre, la mort, la langue, la poésie, la peinture.
On est invité à suivre le chemin initiatique de Wahab, qui veut  devenir peintre. qui se transforme en adulte.  C’est aussi un voyage au cœur de l’intime, de la vie et de la mort : réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone lui apprenant que sa mère agonise à l’hôpital, Wahab sent monter en lui une colère irrépressible.
Ce face-à-face avec la mort, Wahab, l’a vécu dès l’enfance, à sept ans. Il lui a fallu alors fuir la guerre civile au Liban qu’il cite comme étant « sa sœur jumelle ». Les années ont passé et soudain en chemin, en allant retrouver sa mère mourante, une foule de souvenirs, non sans violence, l’accompagne. Cette mort éveille en lui de multiples sentiments contradictoires, colère et  révolte : « Plein de mots, plein de phrases dans la bouche pour couvrir la tempête de mon cerveau ».
Ce sont la maladie puis la mort de sa mère, qui vont provoquer chez lui, le passage douloureux de l’enfance dans le monde des adultes et son acceptation.
La mise en scène sobre, caractérisée par une chorégraphie très construite avec  des mouvements répétitifs de Grégory Baquet, rythme les différentes phases de colère, de doute, d’enthousiasme aussi, traversées par cet homme à peine sorti de l’adolescence, lors de ce parcours initiatique.
Mais la scénographie aurait pu être plus  inventive, même si elle sert habilement le texte.  Elle rappelle souvent  mais avec moins de qualité, certains spectacles de Wajdi Mouhawad, qu’il avait lui-même mis en scène. Mais ce petit espace/écrin,  qui permet d’instaurer un rapport privilégié entre acteur et public, fait bien entendre la rage et les  tourments de Wahab et qui vont  s’intensifier.
Et la tension dramatique augmente, de plus en plus oppressante. Ce renversement existentiel vécu par Wahab, ajoute une intensité supplémentaire. Grégory Baquet s’empare du texte avec fougue, et sensibilité, et sait faire  monter toute la tension poétique du texte. Il parvient à emmener avec une grande justesse, son  personnage, loin dans ses retranchements, désirs et haines enfouis jusqu’alors.
A la fin, Wahab, comme le public, semble bizarrement envahi  par une libération et une réconciliation d’avec le Monde.  Ce qui est assez plaisant parfois !

Elisabeth Naud

 Théâtre Les Déchargeurs jusqu’au 27 juin. 3, rue des déchargeurs. 75001 Paris. T : 01 42 36 00 50 et au Festival d’Avignon, Théâtre du Balcon.

Le texte est publié aux éditions Actes-Sud Junior

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