Un Obus dans le cœur
Un Obus dans le cœur, adaptation du roman de Wajdi Mouhawad, mise en scène de Catherine Cohen
Dans ce récit théâtral et onirique, sont réunis les thèmes chers à l’auteur libanais, exilé d’abord au Canada, et vivant le plus souvent aussi en France : l’enfance, la filiation, la solitude, la maladie, la guerre, la mort, la langue, la poésie, la peinture.
On est invité à suivre le chemin initiatique de Wahab, qui veut devenir peintre. qui se transforme en adulte. C’est aussi un voyage au cœur de l’intime, de la vie et de la mort : réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone lui apprenant que sa mère agonise à l’hôpital, Wahab sent monter en lui une colère irrépressible.
Ce face-à-face avec la mort, Wahab, l’a vécu dès l’enfance, à sept ans. Il lui a fallu alors fuir la guerre civile au Liban qu’il cite comme étant « sa sœur jumelle ». Les années ont passé et soudain en chemin, en allant retrouver sa mère mourante, une foule de souvenirs, non sans violence, l’accompagne. Cette mort éveille en lui de multiples sentiments contradictoires, colère et révolte : « Plein de mots, plein de phrases dans la bouche pour couvrir la tempête de mon cerveau ».
Ce sont la maladie puis la mort de sa mère, qui vont provoquer chez lui, le passage douloureux de l’enfance dans le monde des adultes et son acceptation. La mise en scène sobre, caractérisée par une chorégraphie très construite avec des mouvements répétitifs de Grégory Baquet, rythme les différentes phases de colère, de doute, d’enthousiasme aussi, traversées par cet homme à peine sorti de l’adolescence, lors de ce parcours initiatique.
Mais la scénographie aurait pu être plus inventive, même si elle sert habilement le texte. Elle rappelle souvent mais avec moins de qualité, certains spectacles de Wajdi Mouhawad, qu’il avait lui-même mis en scène. Mais ce petit espace/écrin, qui permet d’instaurer un rapport privilégié entre acteur et public, fait bien entendre la rage et les tourments de Wahab et qui vont s’intensifier.
Et la tension dramatique augmente, de plus en plus oppressante. Ce renversement existentiel vécu par Wahab, ajoute une intensité supplémentaire. Grégory Baquet s’empare du texte avec fougue, et sensibilité, et sait faire monter toute la tension poétique du texte. Il parvient à emmener avec une grande justesse, son personnage, loin dans ses retranchements, désirs et haines enfouis jusqu’alors.
A la fin, Wahab, comme le public, semble bizarrement envahi par une libération et une réconciliation d’avec le Monde. Ce qui est assez plaisant parfois !
Elisabeth Naud
Théâtre Les Déchargeurs jusqu’au 27 juin. 3, rue des déchargeurs. 75001 Paris. T : 01 42 36 00 50 et au Festival d’Avignon, Théâtre du Balcon.
Le texte est publié aux éditions Actes-Sud Junior