On achève bien les anges (élégies), de Bartabas
On achève bien les anges (élégies), conception et mise en scène de Bartabas avec le théâtre Zingaro.
Bartabas présente, dans le cadre du Festival des Nuits de Fourvière, à Lyon, la création mondiale de son treizième opus, avec dix cavaliers, une trentaine de chevaux et six musiciens. L’organisation Zingaro est toujours parfaite d’efficacité ; un «village» a été installé autour du vaste chapiteau, à l’intérieur du parc de Parilly, au sud de Lyon, là où se trouve l’hippodrome (un clin d’œil ?)Des bancs rouges entourent la scène (peut- on dire, l’arène ou même la piste ?), qui, creusée en son centre, ressemble à un vaste cratère. Les animaux devront donc trouver un élan pour en sortir, ce qui fait naître de beaux mouvements.
Au premier tableau, des chevaux dits argentins sont seuls au centre du cratère ; en attente. Descendus des cintres, tête en bas, huit anges aux ailes blanches vont les enfourcher, à cru, et partir au galop. Durant tout le spectacle, on retrouvera ces anges, impressionnants écuyers, qui tenteront, à la fin, de regagner leur ciel, en émergeant du cratère débordant de mousse. Ils abandonneront le monde d’en bas à un cheval blanc fendant fougueusement ce brouillard d’écume.
La pièce est, comme d’habitude, une juxtaposition de scènes, d’images et de visions, où chevaux et hommes se livrent à des figures étonnantes sur des musiques omniprésentes. On ne sent pas les heures de répétition ni le travail incessant, qu’on n’ose qualifier de dressage, tant les animaux font corps avec les humains. Il y a une scène exceptionnelle, où le cheval se couche devant son ange/cavalier et accepte qu’il lui étire les pattes jusqu’à dessiner dans l’espace une surprenante sculpture. Du grand art !
Cette pièce marque aussi le retour de Bartabas qui jusqu’ici se contentait d’une courte apparition, pour «faire le zèbre à dos d’âne». Face aux anges blancs, il est l’ange déchu, les ailes en berne, tout de noir vêtu, sauf quelques détails rouges dont ses favoris. Avec des interventions réglées sur les chansons mélancoliques de Tom Waits dont la voix éraillée de bluesman évoque les grands espaces du Far-West, traversés par des cavaliers solitaires à la recherche d’un paradis accueillant. Il fait exécuter par ses chevaux du nom du Caravage, Tintoret ou encore à Soutine, des déplacements à l’opposé de ce que l’animal accomplit naturellement, créant ainsi une tension extrême dans ces figures, où bête et homme sont en symbiose.
Achève-t-on réellement ces anges ? Baigne-t-on vraiment dans le climat de l’élégie, cette poésie plaintive ? Nos y avons vu une énergie vitale, et une ode à la beauté des corps, celle des animaux et des cavaliers.
Elyane Gérôme
Jusqu’au 18 juillet www. nuitsdefourvière.com T: 04 72 32 00 00. Et à partir du 23 octobre au Fort d’Aubervilliers (92).