Le Mariage de Maria Braun

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Le Mariage de Maria Braun « recréation », d’après l’œuvre originale de Rainer Werner Fassbinder, texte du scénario de Peter Märthelsheimer et Pea Fröhlich, mise en scène de Thomas Ostermeier,  en allemand (surtitrée en français)

 Présenté comme une « recréation » l’an passé au festival d’Avignon, le spectacle, créé il y a huit ans à Munich, est inspiré du film-culte (1979) du grand cinéaste et auteur allemand. Sur la scène surélevée, et dont l’ouverture est légèrement réduite, une trentaine de fauteuils et bergères des années cinquante, quelques tables basses que les comédiens disposeront eux-mêmes au fur à mesure des scènes, le tout sous la lumière chiche d’un petit lustre de cristal ridicule: pour indiquer la mairie, un salon, une boîte de nuit, le grand bureau d’un industriel, un compartiment de train…
Sur les côtés, et en fond de scène, un rideau vert foncé plissé, où seront projetés des extraits de films d’actualité: on voit ainsi Hitler très à l’aise et bonhomme, bavardant avec une mère de famille, ou des milliers de jeunes filles défilant, toutes en admiration devant le Führer, ou encore la finale de la coupe du monde 1954 où l’Allemagne devait battre la Hongrie,  symbole de sa puissance retrouvée, bien avant la réunification…
On entendra aussi un discours à la radio du chancelier Konrad Adenauer prônant tout à tour le refus du militarisme… puis la la mise en place d’une solide armée allemande. Cela se passe donc à Berlin-Ouest, ville répartie entre les alliés capitalistes de la seconde guerre mondiale, Berlin l’ancienne capitale désormais isolée en République Démocratique Allemande qui, elle, dépend de l’URSS de l’époque.  Non, ce n’était pas au Moyen-Age mais il y a un peu plus de cinquante ans…
Au début du spectacle, les quatre comédiens (Ursina Lardi/Maria Braun viendra ensuite) bavardent, assis ou debout, mais on n’entend encore rien de leur conversation; deux d’entre eux s’avancent pour lire des lettres d’amour envoyée au Führer. Le décor est planté pour raconter l’histoire de cette Maria Braun, mariée à un soldat qui a disparu à la guerre mais officiellement non décédé. Elle se prostitue dans une boîte de nuit pour soldats américains, et va tuer involontairement un client.
Mais Herman Braun, son mari, réapparait brutalement, s’accuse du meurtre et est mis en prison; elle, en femme libre, reconstruit sa vie comme elle peut, a de nombreux amants dont un industriel français rencontré dans un train. Maria Braun (formidable Ursina Lardi) exige d’être reconnue comme femme indépendante. Aussi séductrice que volontaire, ambitieuse et cynique, elle a quelque chose d’absolument fascinant.  Mais elle est aussi fragile, et quand elle comprend qu’elle s’est fait rouler dans la farine par son mari et son amant à la fois, elle se suicide…
Autour d’elle, quatre comédiens jouent un trentaine de personnages (des deux sexes et tout âge confondu) loin du réalisme mais avec une vérité exemplaire: Thomas Bading est un officier, un notaire, un industriel français…. Robert Beyer, lui interprète à la fois la mère de Maria Braun, un médecin, un juge, un maître d’hôtel… Moritz Gottvald est une infirmière de la Croix Rouge, un contrôleur de train.. Sebastian Schwarz joue Herman Braun, un journaliste, un serveur de restaurant…  Tous exceptionnels, à la fois dans l’expression gestuelle comme dans ce savoureux ballet d’assiettes au restaurant), et orale. Et il y a une unité de jeu absolument fabuleuse entre Ursina Lardi et ses partenaires; Thomas Ostermeier se révèle être ici  une fois de plus un excellent directeur d’acteurs.
Côté dramaturgie et mise en scène, les choses sont moins évidentes: le scénario du chef-d’œuvre de Rainer Werner Fassbinder est respecté mais cette suite de petites scènes en mille-feuilles a quelque chose d’assez démonstratif comme si Thomas Ostermeier voulait à 35 ans qu’il avait à la création du spectacle, nous montrer  son indéniable savoir-faire.
Ce Mariage de Maria Braun est effectivement d’une forme exemplaire mais on a souvent l’impression d’assister un exercice brillantissime d’acteurs, un peu froid et où, sauf à de rares moments, il n’y a guère de véritable émotion sur ce grand plateau. C’est le défaut majeur de ce spectacle, comme si Thomas Ostermeier avait envie de nous dire: regardez ce que je suis capable de faire, avec cinq acteurs d’exception, et une trentaine de fauteuils, sans chercher à copier le film d’origine, sorti quand il était encore enfant.
Mais où pointe une sorte d’auto-académisme (avec son vocabulaire bien à lui: vidéo, lumières, accessoires…). Le public du Théâtre de la Ville, en grande partie allemand, a fait une juste et longue ovation aux comédiens. C’est un spectacle intéressant mais plus pour la qualité de son interprétation mais n’est pas un des plus grands du metteur en scène allemand et directeur de la Schaubühne de Berlin, comme entre autres  Maison de poupée ou Hedda Gabler d’Henrik Ibsen
On attend avec impatience le Richard III de Thomas Ostermeier au festival d’Avignon…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Ville  2 place du Châtelet Paris. T: 01 42 74 22 77 jusqu’au  3 juillet.
Une rencontre est prévu le dimanche 28 juin à 18h au Théâtre de la Ville, à l’occasion de son livre Ostermeier backstage, publié chez l’Arche Editions.

 


Archive pour 27 juin, 2015

Le Mariage de Maria Braun

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Le Mariage de Maria Braun « recréation », d’après l’œuvre originale de Rainer Werner Fassbinder, texte du scénario de Peter Märthelsheimer et Pea Fröhlich, mise en scène de Thomas Ostermeier,  en allemand (surtitrée en français)

 Présenté comme une « recréation » l’an passé au festival d’Avignon, le spectacle, créé il y a huit ans à Munich, est inspiré du film-culte (1979) du grand cinéaste et auteur allemand. Sur la scène surélevée, et dont l’ouverture est légèrement réduite, une trentaine de fauteuils et bergères des années cinquante, quelques tables basses que les comédiens disposeront eux-mêmes au fur à mesure des scènes, le tout sous la lumière chiche d’un petit lustre de cristal ridicule: pour indiquer la mairie, un salon, une boîte de nuit, le grand bureau d’un industriel, un compartiment de train…
Sur les côtés, et en fond de scène, un rideau vert foncé plissé, où seront projetés des extraits de films d’actualité: on voit ainsi Hitler très à l’aise et bonhomme, bavardant avec une mère de famille, ou des milliers de jeunes filles défilant, toutes en admiration devant le Führer, ou encore la finale de la coupe du monde 1954 où l’Allemagne devait battre la Hongrie,  symbole de sa puissance retrouvée, bien avant la réunification…
On entendra aussi un discours à la radio du chancelier Konrad Adenauer prônant tout à tour le refus du militarisme… puis la la mise en place d’une solide armée allemande. Cela se passe donc à Berlin-Ouest, ville répartie entre les alliés capitalistes de la seconde guerre mondiale, Berlin l’ancienne capitale désormais isolée en République Démocratique Allemande qui, elle, dépend de l’URSS de l’époque.  Non, ce n’était pas au Moyen-Age mais il y a un peu plus de cinquante ans…
Au début du spectacle, les quatre comédiens (Ursina Lardi/Maria Braun viendra ensuite) bavardent, assis ou debout, mais on n’entend encore rien de leur conversation; deux d’entre eux s’avancent pour lire des lettres d’amour envoyée au Führer. Le décor est planté pour raconter l’histoire de cette Maria Braun, mariée à un soldat qui a disparu à la guerre mais officiellement non décédé. Elle se prostitue dans une boîte de nuit pour soldats américains, et va tuer involontairement un client.
Mais Herman Braun, son mari, réapparait brutalement, s’accuse du meurtre et est mis en prison; elle, en femme libre, reconstruit sa vie comme elle peut, a de nombreux amants dont un industriel français rencontré dans un train. Maria Braun (formidable Ursina Lardi) exige d’être reconnue comme femme indépendante. Aussi séductrice que volontaire, ambitieuse et cynique, elle a quelque chose d’absolument fascinant.  Mais elle est aussi fragile, et quand elle comprend qu’elle s’est fait rouler dans la farine par son mari et son amant à la fois, elle se suicide…
Autour d’elle, quatre comédiens jouent un trentaine de personnages (des deux sexes et tout âge confondu) loin du réalisme mais avec une vérité exemplaire: Thomas Bading est un officier, un notaire, un industriel français…. Robert Beyer, lui interprète à la fois la mère de Maria Braun, un médecin, un juge, un maître d’hôtel… Moritz Gottvald est une infirmière de la Croix Rouge, un contrôleur de train.. Sebastian Schwarz joue Herman Braun, un journaliste, un serveur de restaurant…  Tous exceptionnels, à la fois dans l’expression gestuelle comme dans ce savoureux ballet d’assiettes au restaurant), et orale. Et il y a une unité de jeu absolument fabuleuse entre Ursina Lardi et ses partenaires; Thomas Ostermeier se révèle être ici  une fois de plus un excellent directeur d’acteurs.
Côté dramaturgie et mise en scène, les choses sont moins évidentes: le scénario du chef-d’œuvre de Rainer Werner Fassbinder est respecté mais cette suite de petites scènes en mille-feuilles a quelque chose d’assez démonstratif comme si Thomas Ostermeier voulait à 35 ans qu’il avait à la création du spectacle, nous montrer  son indéniable savoir-faire.
Ce Mariage de Maria Braun est effectivement d’une forme exemplaire mais on a souvent l’impression d’assister un exercice brillantissime d’acteurs, un peu froid et où, sauf à de rares moments, il n’y a guère de véritable émotion sur ce grand plateau. C’est le défaut majeur de ce spectacle, comme si Thomas Ostermeier avait envie de nous dire: regardez ce que je suis capable de faire, avec cinq acteurs d’exception, et une trentaine de fauteuils, sans chercher à copier le film d’origine, sorti quand il était encore enfant.
Mais où pointe une sorte d’auto-académisme (avec son vocabulaire bien à lui: vidéo, lumières, accessoires…). Le public du Théâtre de la Ville, en grande partie allemand, a fait une juste et longue ovation aux comédiens. C’est un spectacle intéressant mais plus pour la qualité de son interprétation mais n’est pas un des plus grands du metteur en scène allemand et directeur de la Schaubühne de Berlin, comme entre autres  Maison de poupée ou Hedda Gabler d’Henrik Ibsen
On attend avec impatience le Richard III de Thomas Ostermeier au festival d’Avignon…

Philippe du Vignal

Théâtre de la Ville  2 place du Châtelet Paris. T: 01 42 74 22 77 jusqu’au  3 juillet.
Une rencontre est prévu le dimanche 28 juin à 18h au Théâtre de la Ville, à l’occasion de son livre Ostermeier backstage, publié chez l’Arche Editions.

 

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