La Visite de la vieille dame

Festival d’Avignon:

La Visite de la vieille dame de Friedrich Dürenmatt, mise en scène de Thomas Poulard

   visite-de-la-vieille-dame-615_compagniedubonhommeFriedrich Dürenmatt est peut-être l’auteur Suisse allemand le plus célèbre de sa génération, et on retrouve cette année deux de ses pièces dans le  off : La Panne… dans deux mises en scène différentes et  La Visite de la vieille dame  que l’avait vu en 2014 à la Comédie-Française avec quelque quatorze comédiens pour trente personnages.
  Mais ici Thomas Poulard fait jouer la pièce par trois acteurs.
  La scène se passe à Güllen, petite ville imaginaire, post-industrielle et ruinée, où passent des trains qui ne s’arrêtent plus. Une vielle dame, devenue milliardaire  grâce à un mariage y revient après quarante ans d’absence, pour y célébrer son huitième mariage… Tout le village l’attend et l’accueille en grande pompe, prêt à tout pour qu’elle concède à renflouer les caisses communales.
Effectivement, elle annonce sa volonté d’aider la petite ville en cédant un milliard ! 500 millions pour la ville et 500 millions pour les habitants. Mais à une condition bien sûr ! Celle d’éliminer Alfred Ill, son amour d’il y a quarante ans qui l’avait laissée tomber après lui avoir fait un enfant. Alfred Ill, dans un premier temps rassuré par les villageois qui ont refusé  cet accord, voit alors débarquer dans son épicerie tout le village qui se met à faire des achats compulsifs et inconsidérés, ce qui laisse supposer une belle rentrée d’argent pour chacun …
  Un argent qui attire les villageois et les fait changer peu à peu : la vieille dame est sans doute en train de réussir son coup, et Alfred Ill, voit sa petite vie bien installée basculer dans l’effroi…
  Dès la première scène, le ton est donné : Nicolas Giret-Famin posté devant le mur faisant office d’écran, voit défiler tous les personnages et il nous indique qu’il va tous les interpréter : c’est, du moins ce que l’on croit.
   Un curieux balayeur (Sylvain Delcourt) fait irruption sur le plateau et opère un glissement de rôle avec le premier acteur. Puis la vieille dame tant attendue fait son apparition (Adeline Benamara )
  Ce texte à l’écriture plutôt classique, avec tout ce qu’il recèle d’humour et d’effets théâtraux, est bien mis en scène par Thomas Poulard ; la présence de seulement trois acteurs ayant aussi pour effet de ne pas tout centrer sur la vieille dame, les habitants de Güllen constituent la variable qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre.
Quelques accessoires de couleur (chaises, casques, masques…), et un mur de fond qui permet projections et collages d’affiches font de cette pièce un moment tout à la fois passionnant, drôle mais aussi politique, montrant bien la cupidité de nos contemporains.   
 Les trois acteurs sont ici excellents, avec juste ce qu’il faut d’exagération et avec les codes qui nous font reconnaître chaque personnage.
 La compagnie lyonnaise du Bonhomme après Les Physiciens, a bien réussi son coup.
  En 2016, elle créera Romulus le Grand  toujours de Friedrich Dürenmatt…

Julien Barsan

Le Petit Louvre


Archive pour juillet, 2015

Cabaret Lautrec

Festival d’Avignon :

Cabaret Lautrec

Le Théâtre de Lumière est une compagnie niçoise pluridisciplinaire dirigée par Isabelle Servol et Alain Joutard, et ce spectacle a été joué ici, grâce à une collecte sur la plateforme Kiss Kiss Bank Bank qui s’impose comme un nouveau moyen de production et de diffusion du spectacle vivant…
  Sur le plateau pas bien grand mais qui paraît du coup assez petit, cinq comédiens-chanteurs, trois danseurs et un accordéoniste  évoluent sans trop de télescopages ! Même si les drapés de la célèbre danse de Loïe Fuller touchent un peu les projecteurs !
  Il s’agit ici d’un spectacle sur Toulouse-Lautrec mais aussi un hommage à une époque artistique où Paris fourmillait de talents. On les voit presque tous : Arisitide Bruant, son chapeau crèpe et son écharpe rouge, La Goulue, Nini patte en l’air, Jane Avril, Yvette Guilbert, Cha-U-Kao, Valentin le désossé, et les nombreuses modèles du peintre…   
  Evocation en danse et en chansons du cabaret du Chat noir, de la butte Montmartre, dont on retrouve aussi le traditionnel french cancan..
  Tout  y est !
C’est bien rythmé, et c’est une belle carte postale qui montre les seuls aspects positifs de ce qui apparaît comme un paradis perdu. La mise en scène cherche à être naturaliste et du coup n’est pas d’une grande originalité, les lumières directes sont parfois un peu franches. Ce spectacle de cabaret qui n’apporte rien de bien nouveau, ravira ceux qui connaissent et apprécient cette époque. Les chanteurs et chanteuses, équipés de micros, sont plutôt justes. Mention spéciale à Isabelle Servol qui sait gouailler avec classe !
  Cela reste une simple évocation artistique de l’époque, sans message ni regard particulier. Pas la première et sans doute pas la plus réussie,  mais où on passe un bon moment…

Julien Barsan

 Théâtre Le Cabestan

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Festival de Chalon dans la rue

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Spectacle Thalasso-Forain du Thé à la rue

Étrange voyage que celui parcouru avec 150 autres personnes dans un établissement de bains de l’esprit qui passent par le contact des corps. Nous faisons la queue avant d’être invités à nous déshabiller et d’enfiler des peignoirs de bain, par une chaleur étouffante. Heureusement avant de rentrer dans l’espace ouvert où sont installées les cabines, il y a des bouteilles d’eau fraîche à disposition.
Nous errons un peu perdus, surpris de nous retrouver tous dans la même tenue, croisant des professionnels dépouillés de leur prestance habituelle.On peut s’emparer d’écouteurs téléphoniques pour entendre de bizarres messages, pénétrer en groupes d’une trentaine pour observer un torse humain dont on ne voit pas la tête qui raconte son histoire et nous invite à le toucher. On peut aussi dans une autre salle, s’asseoir par terre pour voir deux danseurs très doux se mettre à nu et ramper autour de nous nous frôlant parfois de façon intime…
On peut enfin entrer seul dans une cabine mais impossible de tout relater ! Le Thé à la Rue qui travaille depuis vingt ans près d’Angers est un vrai collectif qui n’a pas fini de nous surprendre !

 Spectacle vu le 25 juillet à 20 h 30. http://www.thealarue.com

De l’Or dans les mains

Devant le Carmel, siège du Festival, un grand mur sur un chariot. Deux hommes au travail, l’un est supposé former l’autre pour lui apprendre à ravaler ce mur. Ils ne parlent pas la même langue, on ne sait lequel des deux est le plus maladroit.
Le nouvel apprenti tartine le mur d’images indistinctes, y colle le pinceau, au grand dam de son patron qui revient vieilli,  aidé par son compagnon pour parvenir à s’allonger, puis retour à la case départ, ils sont à nouveau jeunes et farceurs.
On se laisse finalement prendre à ce jeu clownesque plutôt efficace, sans l’avoir décidé auparavant.

http://www.enchantiers.be

 

Opus avec Pascal Rome, Chantal Joblon et consorts

C’est la fête à la maison de retraite de Ménétreux. Un grand feu de bois réchauffe encore l’atmosphère déjà brûlante de Chalon dans la rue! et les premiers rangs de spectateurs assis  sur d’inconfortables petits bancs de bois.
Un couple de vieux pensionnaires complices raconte, en se coupant sans arrêt, les souvenirs de leurs excursions en car dans les Alpes et les dizaines de fondues savoyardes qu’ils ont été forcés d’avaler, avant de retrouver leur fondue bourguignonne ! « Les Suisses, ils ont un sens de l’accueil certain, dans une gastronomie incertaine ! ».
Elle coud et déverse un flot de paroles, ne parvenant pas à interrompre le soliloque de son ami. On assiste à un défilé de vieilles voitures des années cinquante, de stars de cinéma et de chanteurs célèbres qui défilent en vieilles figurines animées dans le buffet en bois.
Un homme-singe à petites mains dans une grande housse, s’agite maladroitement. Avec Guillaume qui prend sa guitare, on entonne de vieilles chansons avec le public, comme Le lion est mort ce soir. Il se déguise en Agatha Christie  et  doit trouver dans le public des enquêteurs pour trouver le coupable parmi plusieurs suspects…
Dans le public, une violonist se joint à la joyeuse troupe pour cette kermesse de Ménétreux qui sent bon le terroir. Un humour réjouissant, pour un spectacle mené de main de maître par deux vieux complices. Le commandant Mac Coy distribue des tracts pour la Providence, maison de retraite de Ménétreux, « Votre avant-dernière demeure « !
Malgré le dynamisme de toute l’équipe, l’ambiance retombe, dès que les deux partenaires ne tiennent pas le haut du pavé…

http://www.curiosités.net

Compagnie Ocus de Rennes, mise en scène d’Anna Hubet et Yann-Sylvère le Gall

On approche de ce joli chapiteau circulaire environné de caravanes pour découvrir un poétique espace avec de petites tables rondes autour desquelles un repas va nous être servi dans une belle théâtralité par seize comédiens, musiciens et chanteurs insolites et généreux. Plusieurs plateaux autour de nous, celui du centre est encadré d’une jolie collection de fourchettes mobiles, à côté, un bar sert de cadre de jeu,  et à la cour le lieu de l’orchestre, au plafond des guirlandes de bouchons, tout autour des portraits de singes, dont les cris proférés par une grosse actrice émergeant d’un landau, feront le fond sonore de la soirée, au dessus de l’orchestre.
On nous remet les bouteilles de vin qu’on débouche en grande pompe, Serano nous récite une poésie : « Ô magnifique orgie, ô repas sans pareil… ». Tous les textes sont tradiuts en langue des signes. Après le ballet des serveurs qui apportent les rouleaux de printemps pour les 3 végétariens déclarés et des empenadas, une femme-singe, star de la soirée émerge d’un landau avec sa valise.
Au bar, on dit Les yeux d’Elsa d’Aragon on se défie à coup de vers. Les serveurs nous servent des bols avec adresse une soupe délicieuse, les musiciens masqués entrent en scène, la femme singe écrit des lettres sur une ardoise, et se rendort…C’est l’anniversaire de Léon, il est triste mais on lui fête tout de même .
Le » singe Didier » est mort, on le met sur une civière pour l’enterrer mais elle revient plus farceuse et vivante que jamais. Tous les serveurs se battent et se réconcilient : « D’où l’impossibilité de vivre ensemble, mais on va essayer quand même ! ».

On nous  sert le dessert, après un étonnant ballet de fourchettes et de cuillères autour du cadre de scène, et on installe des bassines devant le plateau où nous sommes invités à laver la vaisselle.
Beaucoup d’humour, un vrai savoir-faire, une belle générosité de cette compagnie implantée dans la Communauté des Marches de Bretagne près de Rennes qui y travaille depuis une dizaine d’années.
http://www.compagnie-ocus.com

Edith Rappoport

 

Si ça va, bravo

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Festival d’Avignon :

Si ça va, bravo de Jean Claude Grumberg

Jean-Claude Grumberg, « auteur tragique le plus drôle de sa génération » selon Claude Roy, écrit beaucoup, il est aussi beaucoup mis en scène, mais la quantité ne fait pas toujours la qualité !
 Ce texte écrit pour le théâtre, « c’est, dit-il,  du théâtre tout terrain, pas cher par temps de crise bancaire », n’est jamais avare en matière d’autodérision. Et il le qualifie de «tentative moderne de réduction de La Comédie humaine de Balzac pour SMS et smartphone, rédigée virtuellement par un auteur borgne, vulgaire et inculte».
  Le principe du spectacle est aussi simple que le décor : deux lignes parallèles de scotch jaunes allant du fond de scène vers le public. Et un enchaînement de saynètes commençant toutes par : « ça va » ou « bravo », et qui montrent la confusion du monde , la difficulté d’une écoute et d’un langage à deux !
D’abord, un homme élu président de la République au suffrage universel par tirage au sort, est vertement critiqué par son ami qui va quand même lui demander de lui trouver une bonne place. Cet ami, prof de sciences de la vie et de la terre,  est pris pour un comédien talentueux par un bien curieux spectateur un soir de première, ou un homme croit reconnaître le frère d’un autre.
  Toutes ces situations ont le goût des mots et aussi parfois de l’absurde, et Jean-Claude Grumberg sait les illustrer à merveille. La question juive est présente dans le spectacle ,ainsi qu’un souvenir à sa mère avec une scène autour de la maladie d’Alzheimer.
 Etienne Coquereau et Renaud Danner donnent à cette farce  un bon rythme ; ils ont  de belles expressions et de beaux regards vers le public, et ont une réelle complicité. Le spectacle qui s’est déjà joué au Lucernaire, est très rodé et la mise en scène de Johanna Nizard fait plaisir à voir : simple, sans prétention  et d’une grande justesse mais il faut être attentif pour ne pas perdre une miette de ce festin des mots…
  La pièce peut se jouer presque partout, comme l’a voulu Jean-Claude Grumberg et, on l’espère, continuera sa vie longtemps.

Julien Barsan

Spectacle vu au  Théâtre des Trois Soleils.

 

Meursaults

Festival d’Avignon :

Meursaults de Kamel Daoud

 photo-clement-minairAvec Meursault, contre-enquête, un roman paru en 2013, l’auteur algérien Kamel Daoud s’est rendu célèbre en France et dans son pays. Le livre a été couronné du Goncourt du premier roman après être passé tout près du Goncourt… Il vit aujourd’hui sous protection, touché par une fatwa lancée par un imam salafiste après ses propos sur la religion : « Je persiste à le croire : si on ne tranche pas dans le monde dit arabe, la question de Dieu, on ne va pas réhabiliter l’homme, on ne va pas avancer. La question religieuse devient vitale dans le monde arabe. Il faut qu’on la tranche, il faut qu’on la réfléchisse  pour pouvoir avancer. »
  Meursaults s’inscrit dans la suite de L’Étranger d’Albert Camus. Le narrateur est le frère de l’Algérien tué sur la plage par Meursault. C’est le moyen de changer l’angle de vue sur la situation et de donner un visage à cet algérien. Le roman a été l’objet d’un malentendu en Algérie, et beaucoup ont cru qu’il s’attaquait au monument Camus : « Sans l’avoir lu, de nombreuses personnes ont pensé que c’était une attaque de L’Étranger, mais moi je n’étais pas dans cet esprit-là. Je ne suis pas un ancien moudjahid. [...] Je me suis emparé de L’Étranger parce que Camus est un homme qui interroge le monde. J’ai voulu m’inscrire dans cette continuation. [...] J’ai surtout voulu rendre un puissant hommage à La Chute tant j’aime ce livre. »
  Philippe Berling, co-directeur du Théâtre Liberté de Toulon s’est emparé de ce long monologue. Avec un décor simple mais imposant: un sol de terre battue, un citronnier, et la façade d’une maison avec un grand mur en angle où seront projetées des images d’archives en accéléré au tout débu,t ainsi que des lumières pour signifier par exemple une fin de journée Non plus seul comme dans le roman, Haroun, (Ahmed Benaïssa) est ici en compagnie de M’ma, sa mère (Anna Andreotti) à qui il s’adresse. Elle passera toute la pièce à chanter et geindre, et ne prononce qu’une phrase vers la fin.
   Le rythme est très lent, il y a quelque chose de solennel et de recueilli, ce n’est pas la fureur, ou alors elle est toute intérieure. Peu de mouvements: le texte est déclamé lentement par Ahmed Benaïssa qui semble peiner, et accroche quelques mots, et donne l’impression d’être uniquement préoccupé par la bonne diction de son texte,  et n’est donc pas libéré pour pouvoir jouer son personnage.
 C’est d’autant plus dommage qu’il il correspond bien à l’idée que l’on se fait du rôle et qu’il possède un timbre de voix superbe, profond.
  L’œuvre était peut être trop grande, et en tout cas très difficilement adaptable pour en faire un objet théâtral intéressant.

Julien Barsan

Le spectacle a été joué au Théâtre Benoît XII du 21 au 25 juillet, et sera repris le 29 septembre à la scène nationale de Cavaillon, du 1er au 17 octobre au Théâtre Liberté de Toulon, et du 3 au 7 novembre au Théâtre national de Toulouse.

 

 

 

Jamais assez

Festival d’Avignon In

Jamais assez chorégraphie de Fabrice LambertIMG_3066

Après un démarrage fort lent de dix minutes dans la pénombre, pour une pièce qui dure une heure, (comme pour la pièce Monument 0!) Fabrice Lambert qui s’inspire d’un documentaire, Into Eternity, décrivant un chantier de stockage de déchets radioactifs en Finlande, nous présente un spectacle dynamique et complexe.
Son travail repose sur d’excellents danseurs qui ont une certaine maturité et de fortes personnalités ainsi que sur un environnement sonore et visuel d’une grande qualité. Parlant du son et de la lumière, «Ces deux éléments soulignent une partie du mouvement, dit le chorégraphe, ils donnent un rythme au mouvement du danseur ou au contraire se placent en contrepoint». Cette danse se révèle spécifique par sa géométrie, les danseurs semblent suivre des axes : ils se croisent, s’opposent comme dans un ballet de particules élémentaires. Leur engagement physique est total.

Pour Fabrice Lambert «Danser, c’est penser en grand». Il souligne que son écriture chorégraphique utilise les outils de l’abstraction. De fait cette danse manque de lisibilité mais qu’importe, elle procure de l’émotion en particulier dans la deuxième partie et c’est ce qui compte.

 

Jean Couturier

Au Gymnase du Lycée Aubanel joué du 13 au 17 juillet.

Entretien avec Tanya Havrylyuk, membre des Dakh Daughters

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Entretien avec Tanya Havrylyuk, membre des Dakh Daughters

 

Les Dakh Daughters ont joué Freak Cabaret à guichet fermé, en Avignon, au théâtre du Chêne Noir et à la Manufacture; Mireille Davidovici a parlé de ce spectacle, mis en scène par Vladislav Troitskyi, directeur du Gogolfest de Kiev, lui aussi présent au festival. (voir le Théâtre du Blog du 22 avril). Freak Cabaret repart pour une tournée européenne. Nous avons rencontré une de ses artistes.

 

-Comment s’est créé le groupe des Dakh Daughters ?

 -Les gens pensent qu’il existe depuis trois ans, mais en réalité il existe depuis dix ans car nous nous sommes toutes rencontrées au Théâtre d’Art avec, comme professeur, Vladislav Troitskyi. Nous avons constitué officiellement la compagnie il y a trois ans à Kiev, au Théâtre d’Art, pendant le festival Gogolfest, pour lequel nous préparions un nouveau spectacle inspiré par l’une des filles : Anna Nikitina. Pendant les évènements de l’hiver 2013, à Kiev, nous avons, sur le plan culturel, activement soutenu la rébellion de la Place de l’Indépendance.

 -Qui sont vos artistes?

 -  Ce sont en partie de comédiennes diplômées ; pour ma part, je sors du Conservatoire de musique de Kiev. Nous avons deux filles diplômées en philologie et d’autres qui viennent de la danse contemporaine. Quand nous sommes ensemble, nous pouvons partager nos vécus artistiques. Nous nous considérons comme des soldats universels : chacune de nous doit savoir tout faire, ce qui influence nos créations, lesquelles mêlent théâtre et musique.

- Comment est composé ce spectacle ?

- Le programme de chansons est  spécifique pour le festival d’Avignon et pour chacun des deux théâtres, mais notre répertoire est plus étendu et le show peut durer trois heures. Nous avons joué dernièrement en Allemagne, en Slovaquie, et en Pologne, en modelant notre spectacle aux formats des différentes scènes. Nous nous adaptons aux conditions des lieux. Nous sommes sept filles et, pour Avignon, six .

-A Kiev, ce spectacle appartient-il au répertoire du Théâtre d’Art ?

 - Non, en dehors de La Maison des chiens qui est au répertoire (voir Le Théâtre du Blog), nous ne jouons notre cabaret que de temps en temps dans ce théâtre, et nous préparons un nouveau spectacle,  un Decameron à l’Ukrainienne.

- Est-ce que cela représente quelque chose pour vous d’être ici, en Avignon ?

 - Bien sûr, c’est un honneur et un bonheur de jouer dans le festival le plus reconnu, de pouvoir nous exprimer ici.

 Jean Couturier

 Théâtre du Chêne Noir, du 13 au 18 juillet, et à La Manufacture, du 20 au 25 juillet et au festival Theater Spektakel de Zurich du 6 au 8 août.

Dinamo

imageDinamo de Claudio Tolcachir, Melisa Hermida et Lautaro Perotti.

Claudio Tolcachir est l’auteur-metteur en scène argentin qui monte. On a pu voir et déjà revoir Le Cas de la famille Coleman déjà sur bien des scènes Avec Dinamo, il signe une mise en scène à trois têtes, y mêlant des collaborateurs réguliers  de sa compagnie de Buenos Aires Timbre 4.
Sur le plateau, une grande caravane ouvert côté public qui semble être une véritable petite maison, tant elle est remplie de détails : du sanibroyeur à l’ordinateur portable,  ou le rideau de douche, tout y est ! Impressionnant travail de scénographie !

  Arrive une petite bonne femme semblant descendre de son avion, entravée par sa valise et ses sacs. Elle frappe à la porte, comme si elle était devant une maison bourgeoise, et appelle sa tante. Sans réponse et ayant un besoin naturel à satisfaire, elle se permet d’entrer dans la caravane et réveille sa tante Ada qui ne l’attendait pas et qui ne lui réserve pas un bon accueil !
  Cette vieille Ada, à l’allure et la voix d’une Nina Hagen aux cheveux gris, semble avoir complètement perdu pied, à la recherche d’un amour ou d’une inspiration passée, en tout cas de quelque chose qui faisait battre son cœur et qui n’est plus.
   Elle passe son temps à vider des bières et écouter du chant pseudo-lyrique derrière son écran d’ordinateur, ne prêtant pas la moindre attention à sa nièce dont on en apprend un peu plus : elle «parlait aux morts», revient tout juste d’un long séjour en hôpital psychiatrique et veut reprendre le tennis. Ses parents sont tous deux morts dans un accident après qu’elle ait perdu un match et elle se sent responsable de ce qu’elle n’arrive pas à juger comme un accident ou un suicide.
  A ce duo, s’ajoute un personnage mystérieux qui profite de l’absence de la nièce et des nombreuses phases de somnolence alcoolique de la tante pour entrer dans la caravane par les placards pour boire ou voler de la nourriture.
 Sur le toit, elle étend des vêtements de bébé. Quand la discrète est surprise,  les rapports établis dans la caravane se modifient, Ada pense qu’elle est l’incarnation de son inspiration revenue et Marisa y voit une apparition qui l’angoisse. On va vite comprendre qu’Harmina, la clandestine, a laissé son enfant au pays et cherche à établir le contact par tous les moyens. Les nouvelles technologies, encore une fois, seront salvatrices !
Ce spectacle est une belle parenthèse: peu de texte pour ce théâtre de situation, souvent drôle… Ada (Marta Lubos) avec ses tee-shirts d’adolescente «no future », Marisa (Daniela Pal) et sa gourde qui ne la quitte jamais, et Harima (Paula Ransenberg), avec son fichu et sa langue inventée qui nous la fait identifier comme venant d’Europe de l’Est. font le job malgré des costumes un peu caricaturaux..

   Il y a aussi un musicien que l’on oublie vite qui propose une partition collant à l’action. C’est un bon moment qui dure à peine plus d’une heure mais sans cette caravane qui fait tout le spectacle, il ne resterait pas grand chose de ce spectacle pétri de bonnes intentions. Le In d’Avignon nous a habitué à des spectacles novateurs, surtout quand ce sont des compagnies étrangères. On est donc un peu déçu…

Julien Barsan

Gymnase du Lycée Mistral, jusqu’au 23 juillet.

 

Freesteps

Festival d’Avignon:

Freesteps, chorégraphie de Wei-Chia Su

imageC’est plusieurs représentations du corps dans tous ses états que nous offre le Centre Culturel de Taïwan à Paris. Ici, le corps de la femme asiatique est sublimé. Mais, comme pour éviter une trop grande érotisation, le chorégraphe a habillé ses danseuses d’un curieux body noir épais avec reflets de couleurs, et avec des chaussettes!
Plusieurs séquences se succèdent en solo, en duo ou en groupe de six danseuses. Certaines parties sont d’une grande beauté comme cette avancée en diagonale, où toutes les interprètes forment une gorgone fascinante et hypnotique.
La danse plutôt dominée par des mouvements lents, est accompagnée d’une création lumière minimaliste remarquable. Ce qu’une simple douche de lumière peut révéler d’harmonie corporelle !  Avec un assemblage de musiques très variées, entre autres:  Steve Reich, John Luther Adams….
Ce travail très professionnel a été présenté au Centre de développement Chorégraphique Les Hivernales, toujours très juste dans sa programmation.  Mais menacé, il risque à nouveau, de se trouver à la rue prochainement. Nous soutenons son combat pour exister.

 Jean Couturier

Au C. D. C. Les Hivernales jusqu’au 20 juillet www.horse.orgt www.hivernales-avignon.com

Leaving room

Paris Quartier d’été :

Leaving room, de Yoann Bourgeois avec la complicité de Marie Fonte

   Pas de faute d’orthographe dans le titre! Il s’agit bien de quitter la pièce. Le spectacle se construit en effet sur le thème de la fugue, en musique comme en amour, où les corps se croisent, se poursuivent, se retrouvent, dans un équilibre instable. Dans un décor  où tout se déglingue : chutes de projecteur, de micro, plus tard table et chaises qui cassent, le burlesque n’est pas incompatible avec le poétique dont est empreint Leaving room, conçu spécialement pour la grande halle du Carreau du Temple.
Aux dures lois de la pesanteur ainsi rappelées, Yoann Bourgeois oppose une légèreté aérienne et compose, à sa manière, en quatre mouvements, une fugue, à la recherche, au sein du mouvement, d’un point d’équilibre, de suspension : «Ce moment où l’envol d’un corps où d’un objet atteint le plus haut point de sa trajectoire juste avant la chute. Ce point, lorsqu’on y parvient, dit-il, est particulièrement voluptueux. »
Il est accompagné dans sa quête par Marie Fonte, partenaire de jeu et regard extérieur de la mise en scène, et par la harpiste Laure Brisa dont les musiques sont partie intégrante du spectacle, qu’elles soient de son cru, ou empruntées à Philip Glass et, bien sûr, à Jean-Sébastien Bach.
Dans le premier mouvement, de petites balles blanches, volent dans les mains du jongleur, vivantes, comme naissant des notes de la musique de Jean Sébastien Bach ; accélérés, suspens et ralentis alternent …
Marie Fonte, elle, grimpe sur son étrange balance de Lévité. Une machine constituée d’un siège mobile au bout de deux longues tiges d’acier, lestées par des poids. On ne sait rien du physicien Lévité, sinon que, paraît-il, Newton s’inspira de son invention pour rédiger sa loi universelle de la gravitation. Au bout du grand agrès, la danseuse évolue vertigineusement, vole, ou s’affaisse, poupée de son.
Troisième mouvement: jeux de mains, jeux de vilains, un duo dansé, un bref rapprochement physiques, préludes à la rupture. Errance des corps dans l’immensité
du plateau. Suivie d’une partie de trampoline, déjà présentée au théâtre des Abbesses. Chutes, rebonds, ils s’abandonnent avant de s’élever sur les marches d’un escalier montant vers nulle part. Un vrai plaisir!
Et l’enchantement se poursuit tout au long du spectacle, épuré à l’extrême. La simplicité des formes laisse apparaître la finesse de l’écriture, comme on dirait d’une composition littéraire ou musicale.
A la fin, les protagonistes se perdent dans les profondeurs labyrinthiques de la halle, soudain peuplée d’ombres, et s’éloignent, orphelins, avant de s’étreindre brièvement, en équilibre précaire sur une coupole inversée… Entre danse, cirque, de la pure poésie ! A ne pas manquer.

 Mireille Davidovici

 

Carreau du Temple jusqu’au 26 Juillet

retrouver la compagnie Yoann Bourgeois sur le parvis du Sacré-Cœur les 26 et 27 juillet ( spectacle gratuit) Paris quartier d’été : T. 01 44 94 98 02 www.quartierdete.com

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