Hamlet en trente minutes

 Festival d’Avignon:

Hamlet en 30 minutes, par la compagnie Bruitquicourt, mise en scène de Luc Miglietta.

 PortraitFamilleEncore Shakespeare, réécrit avec cette fois, trois Hamlet pour le prix d’un, en soixante cinq minutes au lieu des trente annoncées dans le titre.
Cette version comique est généreuse… Menée à la baguette par un homme-orchestre au burlesque irréfutable qui campe aussi un Horatio «qui en fait trop», tout en tentant de rester maître du tempo du spectacle. Avec un jeu précis, furtif et hilarant, comme ses tics capillaires.
A ses côtés, trois avatars d’Hamlet donc. Une femme amoureuse, un joueur d’accordéon existentiel, un échalas sinistre. Trois clowns tristes au visage cérusé surmonté d’un bonnet de laine ajoutant ainsi un grain de folie qui annonce la couleur du spectacle…
L’histoire du Prince englué dans le royaume pourri du Danemark a ses passages obligés bien connus,  dont le quatuor se saisit avec un humour rapace. La pièce dans la pièce mise en scène pour «piéger la conscience du roi», le meurtre de Polonius, la folle entrevue d’Hamlet et Ophélie, tout comme  les duels, sont prétexte à réinterprétations décalées, efficaces en diable. La mise en scène artisanale est joyeusement célébrée. Sur ce plateau quasi nu, les objets sont détournés avec facétie et les effets spéciaux de bric et de broc, du mouchoir virevoltant au dispositif à fumée approximatif, nous enchantent.
Dans une sorte de train-fantôme brimbequebalant, le public souvent mis à contribution, visite le monument littéraire à un rythme d’enfer. Plaisir enfantin devant la théâtralité grandiloquente et blagues potaches sont aussi du voyage.

 Stéphanie Ruffier

 Théâtre Notre-Dame, 13 à 17 rue du collège d’Annecy, tous les jours, à 12h 45. T: 04 94 85 06 48.


Archive pour 4 juillet, 2015

Lear miniature, d’Olivier Py

FESTIVAL D’AVIGNON:

Lear miniature, texte et mise en scène d’Olivier Py

 

photo 1Ta ta ta, tatatatata !!!! Il est 21h; sur la grande place du Palais des Papes, les plus jeunes comédiens  de la version longue du Roi Lear mis en scène aussi par Olivier Py dans la Cour d’honneur imitent vocalement l’air des trompettes de Maurice Jarre qui signalaient  au public,  déjà du temps de Jean Vilar et Georges Wilson au T.N.P comme au Festival d’Avignon, l‘imminence de la représentation, et que Jérôme Savary fit rétablir à Chaillot où elles sont encore comme la signature du lieu .
  Une heure avant que ne se déploie la folie du Roi dans la Cour d’honneur, le public est aussi invité à savourer ce Lear miniature  en version express. Une charmante cour du Palais des Papes sur une estrade de quelques mètres, le tout en sapin blond. Décor planté au pied de son imposant modèle qui semble le veiller du regard. Voilà pour la mise en abyme. Côté costumes : pantalons noirs et marcels blancs, fraises élisabéthaines, justaucorps à losanges, perruques et couronne, tutu blanc et ballerines pour Cordelia suffisent à identifier les personnages.
   Dans la tradition des foires du Moyen-Age et des antipasti de la commedia dell’Arte, le jeu est enlevé, galopant, tonitruant. Trois comédiens seulement et une danseuse  absolument mutique jouant Cordelia, pour jouer  les deux intrigues entremêlées : le Roi Lear en conflit avec ses trois filles, Gloucester déchiré entre ses deux fils, le bâtard et le légitime.
Le texte, bien rythmé, quasi pédagogique, d’Olivier Py  fait mouche; le directeur du Festival d’Avignon résume ainsi  les trois erreurs du roi : « Il n’aurait pas dû diviser sa couronne en trois,  n’aurait pas dû demander à ses filles d’exprimer l’inexprimable, à savoir l’amour, et aurait dû entendre dans le silence de Cordelia, un geste supérieur et non pas une injure. » Bien vu! Car dans la version longue, également, les erreurs sont vite commises, précipitant l’immense catastrophe.
Cette version peut se déguster en apéritif; elle met en joie et facilite la digestion de l’opulent hors-d’œuvre qui suit mais  peut tout aussi bien être consommée en plat principal. La fraîcheur de ces jeunes-pousses et la tonalité primesautière sustentent les non-initiés, les enfants et les couche-tôt, comme les vieux habitués du festival.

Les couleurs du spectacle sont bien là, avec ses grands thèmes et ses répliques-clés. On apprécie beaucoup la vivacité d’esprit et la bouffonnerie qui enrobent cette mécanique noire implacable. Sur la place publique et sous le ciel étoilé, cette mise en scène d’une vingtaine de minutes exhausse les vœux d’un théâtre populaire de William Shakespeare et de Jean Vilar.
Et c’est absolument gratuit…


Stéphanie Ruffier


On confirme: Olivier Py semble beaucoup plus à l’aise dans la caricature et la dérision sur ces tréteaux, avec un texte savoureux de lui. Et il n’y a rien ici de cette fausse modernité accablante qui plombe son Roi Lear dans la Cour d’honneur mais tout le plaisir communicatif de jeunes acteurs qui s’amusent, avec la plus grande aisance, à jouer ce pastiche en trente minutes. Ne le manquez pas…

Ph. du V.

 A 21h, Place du Palais des papes, chaque soir jusqu’au 14 juillet, relâche le 9.

Bucarest sur scène

Bucarest sur scène

   Après le  festival de Sibiu (voir le récent article dans le Théâtre du Blog),  nous avons pu rencontrer quelques personnalités de la scène à Bucarest qui compte le Théâtre national et ses sept salles, le joli Théâtre de l’Odéon et son toit ouvrant sur les étoiles, plus axé sur la création contemporaine, un Festival national de théâtre indépendant. Mais il y a aussi  de nombreuses initiatives plus ou moins fragiles, plus ou moins durables, qui voient le jour, souvent portées par des femmes, depuis vingt-cinq ans, dans le sillage libérateur de la Révolution de 1989.

Le Centre national de la danse de Bucarest (CNDB)

Dans les années quatre-vingt dix, la danse contemporaine n’existait plus en Roumanie, depuis la faste période de l’entre-deux guerres, le modèle de l’expressionnisme soviétique s’étant largement  imposé. Tout était donc à construire, à quoi se sont employés quelques danseurs courageux et tenaces, dont Vava Ştefănescu, qui dirige le CNDB. Elle a créé la première Maison de la danse à Bucarest, en 1999, grâce à des fonds européens et de nombreux échanges, notamment avec la France et l’Allemagne. Après bien des aléas et des revers de fortune, voici la danse contemporaine enfin reconnue, avec pignon sur rue : une salle de cent places pour accueillir le public, un studio de répétition, des bureaux et une mission confiée par le ministère de la Culture.    
  Outre la production et la diffusion de spectacles, un centre de ressources dispense des formations aux professionnels et étudiants et constitue des archives. L’histoire de la danse contemporaine roumaine reste à explorer, par exemple, la relation qu’entretenait  le sculpteur Constantin Brâncusi avec cet art, via la danseuse Lizica Codreanu qui, selon Vava Ştefănescu, occupe une place à part en Roumanie : « Elle  symbolise cette fluidité toute contemporaine, cette mobilité entre les différents univers, entre les domaines artistiques, entre les différentes perceptions du corps et du mouvement. »
Malgré un budget minime,  cinquante projets par an voient le jour initiés par des compagnies indépendantes. Un premier festival, Like #1, a eu lieu en février-mars 2014, avec vingt spectacles. Grâce aux relations privilégiées avec le Centre national de la danse de Paris, le CNDB organise aussi des ateliers de formation menés des danseurs français, avec l’aide de l’Institut français de Bucarest.

www.cndb.ro

 Festival Temps d’images 

LaTerenuri2_logoCluj, située au Nord-Ouest de la Roumanie, compte quatre cents mille habitants, dont un quart d’étudiants. Chaque automne, depuis sept ans, s’y tient ce festival international organisé par une association qui a réhabilité une fabrique de pinceaux désaffectée, où se sont installés artistes et ONG; il s’articule chaque année autour d’un thème : en 2013, « qu’est-ce qui nous nourrit? », en 2014, « Solidarité »  et, cette année, « Corps commun ».
  Miki Braniste, sa directrice, revendique la composition exclusivement féminine de son équipe, face au machisme des institutions, et nous explique qu’elle a conçu sa programmation « par rapport aux besoins de la société ». Avec un projet qui agrège des artistes indépendants de tous horizons, et des associations de l’économie solidaire.
Transdisciplinaire, Temps d’images accueille des spectacles de théâtre et de danse contemporaine comme en 2012, le Tanztheater créé par Pina Bausch), et des arts visuels. Une dizaine de compagnies étrangères sont ainsi invitées chaque année. Dans cette cité transylvaine en pleine expansion, devenue la Silicone Valley de l’Europe de l’Est, l’enjeu culturel, comme à Sibiu, est de taille : Ciuj a posé sa candidature pour être « capitale européenne de la culture » en 2021…

 En attendant, Temps d’images est un festival qui monte et qui compte, même avec des budgets en berne: depuis trois ans, les subventions européennes se sont taries! De toute façon, précise Miki Braniste, le festival vise  » la qualité plutôt que la quantité ».

 

Festival Temps d’images du 7 au 14 novembre.

www.colectiva.ro

 

Scena.ro

Depuis huit ans, Scena.ro publie un numéro trimestriel de quarante-huit pages. Créée en réaction à la disparition des rubriques culturelles dans la presse généraliste, la revue traite des arts de la scène, avec, à chaque  parution, un important dossier sur des aspects spécifiques du théâtre vivant : le 28 ° et dernier numéro, écrit en collaboration avec des critiques  polonais, est consacré à Tadeusz Kantor ; le précédent avait traité du nouveau cirque.
  La directrice de cet observatoire des nouvelles tendances de la scène, Cristina Modreanu, considère que le critique doit aussi jouer un rôle actif et stimuler la création. L’association, support du magazine, prend ainsi part à des co-productions, souvent menées par des femmes, car selon Cristina Modreanu, il y a un grand déséquilibre entre hommes et femmes dans le paysage artistique roumain.
 Elle soutient donc, par exemple, un projet financé par des subventions norvégiennes : monter des pièces d’Henrik Ibsen avec une distribution exclusivement féminine.  Pour réaliser Scena.ro, et payer les salaires des trois journalistes permanents et des collaborateurs ponctuels, l’association sollicite des fonds étrangers, car les aides nationales sont bien maigres.

www.scena.ro

 

L’Institut Français de Bucarest

 

bibliotheque_francaise01Il développe deux domaines d’intervention privilégiés, précise son directeur, Christophe Pomez.  D’abord le cinéma car il dispose d’une belle salle de projection, et peut en faire profiter la nouvelle vague du cinéma roumain, dont les réalisateurs ont du mal à diffuser leurs œuvres. Des 440 salles que comportait le pays dans les années quatre-vingt-dix, il ne reste plus que trente écrans indépendants…
 Il organise donc des soirées de promotion pour les nouveaux films roumains, favorise leur sous-titrage pour le marché français et assure le sous-titrage en roumain et la promotion de films français récents.

Le livre est le second axe important de son action, avec des aides à la traduction et à l’édition d’ ouvrages français. Pour la littérature dramatique, il apporte son concours au festival de Sibiu qui mène une importante activité éditoriale de pièces francophones.

  Malgré un budget qui a fondu de 30% en trois ans, l’Institut français doit faire face à une importante régression de la francophonie en Roumanie. Des 73% d’élèves choisissant le français en première langue, on est passé à 63% optant pour le français en troisième langue. Restent encore vingt-sept lycées bilingues proposant le baccalauréat en français, et il faut fournir de nouveaux outils de travail aux 9.200 professeurs de français subsistants.
Le plurilinguisme reste la richesse de la Roumanie, car malgré la progression de l’anglais, elle n’a rien à gagner à favoriser l’apprentissage d’une seule langue étrangère. Pourtant, la francophilie n’est plus un mobile pour choisir le français. A présent, c’est surtout un passeport pour l’émigration : la Roumanie  a perdu deux millions d’habitants en dix ans !

Christophe Pomez soutient aussi de nombreux projets de coopération culturelle avec la France, comme la reprise, en version roumaine, de Brancusi contre Etats Unis par Eric Vigner, ou la venue de Pulvérisée d’Alexandra Badea, montée par Frédéric Fisbach. L’Institut français doit aussi faire face à bien d’autres sollicitations mais il faut saluer son ouverture à des initiatives qui, sans lui, ne pourrait voir le jour.

www.institutfrancais.ro

 

Mireille Davidovici

 

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