La Folie Lacan

FESTIVAL D’AVIGNON :La Folie Lacan, mise en scène de Philippe Boyau

 

Affiche-Lacan-247x300Sous ce titre délicieusement polysémique, où l’attelage du déterminant au déterminé produit des connotations maoïstes dans le goût des années 70, ce spectacle relève du théâtre documentaire dans sa meilleure et sa plus actuelle tradition.
C’est un montage à partir du texte des présentations de malades à Jacques Lacan, célèbre psychanalyste,  théoricien (et homme de théâtre s’il en est),  à l’hôpital Sainte-Anne. 
Mais c’est surtout le clinicien que l’on a cherché à faire revivre ici, dans une relation sensible à l’autre, avec une écoute, des insinuations, une approche douce mais insistante, une façon habile de scander la parole du patient  avec des reprises, des échos, des questions. Bref, avec tout un art digne de la maïeutique.
La troupe a donc travaillé à partir de ce texte potentiellement théâtral à la fois par sa structure dialogale et par son statut de représentation devant un public. Mais tout ce matériau devait trouver une  forme : il a donc fallu couper, trouver un rythme, une progression dramatique. Le public n’a rien d’un groupe de thérapeutes : son écoute et sa position relative aux acteurs, tout comme les enjeux du spectacle, sont bien différents.
Il a fallu aussi faire un choix parmi les patients présentés. Ont été sélectionnés deux cas typiques, celui d’un homme vivant dans une impossible identité sexuelle: un travestissement honteux, et celui d’un paranoïaque délirant.
Contraste proprement théâtral : le caractère introverti du premier s’opposant  au délire débordant du second. L’un  replié sur lui-même, avare de paroles, et l’autre s’emportant et se noyant dans son discours.

  L’échange avec Jacques Lacan s’en trouve donc ainsi profondément modifié. Accoucheur de l’un, il tente d’endiguer le flot verbal de l’autre. La présentation des patients devient donc ici un exercice purement théâtral, avec une réflexion concrète sur l’exercice de la parole et de l’écoute.
Cette adaptation pour la scène est une vraie réussite. Due à un sérieux travail de dramaturgie, mais beaucoup aussi à la mise en scène et à la direction d’acteurs  rigoureuses de Philippe Boyau.

Thierry Vincent (Jacques Lacan),  impressionnant de vérité, s’est inspiré de la diction et de ses attitudes, telles qu’en témoigne un film sur sa conférence à Louvain. Et Céline Thibaud et Frédéric Michallet (les patients) sont très émouvants. Ils ont fait un travail minutieux sur la gestuelle, le débit et l’intonation, et leur sensibilité et l’intelligence qu’ils ont de leurs personnages nous embarquent : impossible de résister à la vague d’émotions où se mêlent voyeurisme, empathie… et malaise.
Au-delà d’un objectif de vulgarisation, (la fin du texte est tiré du Séminaire de Jacques Lacan), ce spectacle nous fait sentir le génie du clinicien passionné, mais aussi la dimension proprement poétique et théâtrale de ses recherches sur le langage, le plus incarné qui soit, puisqu’il parle depuis le corps souffrant…

Michèle Bigot

Théâtre du Chapeau rouge  jusqu’au 15 juillet

 

 

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