Mensonge(s) / Véronique Bellegarde

Mensonge(s),  conception et mise en espace  de Véronique Bellegarde

 

 image A la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, dans le jardin du cloître, nous attendons le signal de départ. Deux charmantes jeunes filles nous invitent à les suivre. Nous allons pendant deux heures, assister avec fascination mais aussi avec effroi,  au déploiement de la spirale du mensonge! Une lecture-performance de six micro-fictions d’auteurs européens sur ce thème si familier à la condition humaine.
  Véronique Bellegarde, metteuse en scène, est à l’initiative de ce projet théâtral, poétique et politique, sans cesse en mouvement depuis 2014, et qui a déjà, sous diverses formes, rencontré un public au Festival de la Mousson d’Eté, au Théâtre du Rond-Point, à France-Culture, et à l’Institut des études avancées de Paris…). Ce projet, aboutira à l’automne 2016, à une création  au Théâtre Jean Vilar de Vitry.
Il s’agit d’une pièce inspirée dans sa conception dramaturgique du Cubisme,  dit Véronique Bellegarde: «Mais avant d’aboutir d’arriver au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, nous continuons notre traversée, d’où cette lecture-performance, très enrichissante pour nous, comme toutes les autres étapes passées ou à venir, pour la réalisation théâtrale définitive. Je m’appuie pour cette création, sur le principe du jeu des cadavres exquis, et d’objets surréalistes à double sens. Mais ici, à la Chartreuse, ce déplacement physique, qui joue sur la perception mentale, de manière  différente que dans une salle de spectacle».
D’où la qualification de lecture-performance. Changements d’espaces, beauté de l’architecture de la Chartreuse, déambulation du spectateur agissent sur la perception de l’œuvre et permettent d’avoir une meilleure réception des textes. Autre atout esthétique : chaque moment de cette création en cours  a la qualité de constituer un objet théâtral en soi, en conviant  le public à sa découverte.
Le spectateur, l’auditeur, le témoin, c’est selon, avec ce spectacle en mouvement, se trouve à chaque fois dans un espace de réception autre, où résonne toujours, mais autrement et sans cesse le mensonge. Véronique Bellegarde a eu la bonne idée de faire intervenir un personnage, celui d’une journaliste dans Trois mots, de Frédéric Sonntag, à un autre moment et en clôture de ce parcours, juste après le dernier texte Faillite, de Christian Lollike. Ce personnage permet ainsi de faire le lien avec le public, entre politique, communication, transmission… Il y aussi dans le mensonge, et cela apporte une certaine modestie, le besoin de chercher une vérité, un dialogue, et qui pour se faire, passe par la fiction ».

  Mensonge(s), c’est aussi pour la metteuse en scène, la découverte d’auteurs contemporains d’origine et de culture différentes. C’est à  La Mousson d’Eté 2014,  que la metteuse en scène écoute  That Moment de Nicoleta Esinencu, jeune auteur moldave. Ce texte ouvre avec vivacité, cette promenade au cœur de la Chartreuse, lieu calme, de toute beauté, propice au recueillement. Mais ne vous y fiez pas !  Cela commence avec : «Aux champs des miracles, au pays des cons ! ».
Contraste entre le lieu et le thème! Avec un style, direct, syncopé, drôle et tragique à la fois, Nicoleta Esinencu dénonce avec humour notre société consumériste tragique, avec une écriture proche de celle du cabaret.

  Cette abbaye, déjà chargée de théâtralité certes, fait que mieux mettre en lumière les différentes facettes et manifestations du mensonge, comme au cours de la lecture de Trois mots. Dans la chapelle sans toit, avec en fond de scène, le soleil brûlant de ce mois juillet, (alors que cette fiction se déroule dans une station banlieusarde de RER, sous une pluie battante!) Frédéric Sontag nous parle du mensonge politique des discours sur le dérèglement climatique. En contre-point, Belial de Yannis Mavritsakis, et le site, le jardin de l’église, sont là, en troublante concordance.
  On a pu entendre écrits par des auteurs européens, ce mardi 7 juillet, des textes de  Nicoleta Esinencu (Roumanie), Joseph Maria Miro (Catalogne/Espagne), Yannis Mavritsakis (Grèce), David Carnevali (Italie), Frédéric Sonntag (France), Christian Lollike (Danemark).
Ces micro-fictions nous emportent d’un mensonge à l’autre, d’une vérité à une autre et pourrait-on dire, d’une fiction à une réalité. Bel hommage à l’art du théâtre ! Ecritures singulières, elles présentent au spectateur-témoin, tour à tour, le visage de «la falsification de l’histoire, l’insécurité, la corruption, les conflits de territoire, la religion, les lois agricoles européennes… ».
Notre attention est tenue en haleine, étonnée et captivée.
Mensonge(s) c’est aussi depuis 2014, à travers ce thème politique, philosophique, et, n’est-ce pas Friedrich Nietzsche! un moyen de questionner esthétiquement et intellectuellement, différentes formes de représentation! La réussite de ces lectures, c’est d’avoir su interroger, toujours et encore, la circulation de la parole dramatique.
Quel thème plus approprié que celui du mensonge pour en parler! Quentin Baillot, Christophe Brault, Odja Llorca, et la musique de Philippe Thibault qui donne ici une couleur poétique de grande importance, sont tous formidables. A cette étape du projet, Véronique Bellegarde réussit à s’emparer, avec originalité et légèreté, de ce monstre éternel qu’est le mensonge.
Elle en laisse jaillir une forme sensible et théâtrale, sous des aspects plus pervers les uns que les autres, et si contemporains ! Rencontre forte et singulière. Et quel bonheur d’être dans ce lieu sublime qui nous accueille, comme si rien n’y était joué mais avait lieu, non devant nous, mais avec nous,  en dialogue ou en observation avec le mensonge !

Elisabeth Naud

Création -Rencontres d’Eté  à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Lectures mises en espace jusqu’au 7 juillet.
Création à l’automne 2016  au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
 


Archive pour 10 juillet, 2015

Andreas

FESTIVAL D’AVIGNON:

Andreas, d’après la première partie du Chemin de Damas d’August Strindberg, mise en scène de Jonathan Châtel


La scénographie épurée de Gaspard Pinta, sous les deux platanes tutélaires du Cloître des Célestins, propose à l’imagination du public un coin de rue, un carrefour, un asile de fous, un no man’s land pour le nœud du drame.
Entre le devant de la scène et le mur de fond, une longue paroi moderne traverse majestueusement le plateau de cour à jardin, segmentée elle-même en autant d’ouvertures et de portes en fer de château, battantes mais silencieuses, d’où surgissent et disparaissent des figures de la mémoire, les personnages d’un conte existentiel. L’Inconnu, le Mendiant, la Fille, la Mère, la Religieuse, le Vieillard, la Dame, des rôles indistincts qui composent le mystère de la multiplicité des Moi.
Pauline Acquart, Pierre Baux, Thierry Raynaud et Nathalie Richard jouent sous le vent dans  les feuillages bruissant dans la nuit :

150703_rdl_1190 L’histoire relève de la comptine d’enfance; c’est  un monde peuplé de trolls et de Barbe-Bleue, de forêts et de montagnes où les origines s’estompent et les identités se confondent.
Avec un sentiment de la perte où « combattre des trolls, libérer des princesses, tuer des loup-garou » revient à vivre  de façon simple mais toujours douloureuse.
Avec aussi l’urgente nécessité du prétendant à une libération qui délivre de soi et de l’autre, et auquel nul n’échappe.
La question existentielle posée tourne autour de la solitude de l’auteur et de la réinvention qu’elle génère, l’histoire encore d’une amnésie, bref, un drame de la mémoire et du temps.
Pour le metteur en scène, ce combat représente la métaphore de l’écriture, une lutte avec soi-même, ses propres démons et ses trolls, les mauvais esprits «du cœur et de l’âme», significatifs de la personnalité littéraire et philosophique de l’énigmatique August Strindberg, comme de l’être post-moderne : « Écrire, c’est tenter de retrouver la langue maternelle, à jamais perdue, puis se taire enfin.»
Le silence représente un attrait puissant et enclenche la contemplation du monde dans la solitude, tandis que le langage revient à traverser la vie avec l’autre. Entre les deux, le cœur balance, dirait l’un ou l’autre de ces figures en jeu.
Il est beau d’entendre ce texte clair et puissant, composé de la matière même de ce qui est en jeu:  l’étoffe filée du monde et des jours auquel on appartient, déclamé par des comédiens d’envergure. En particulier, Nathalie Richard et Pierre Baux.
Le Mendiant conseille à l’Inconnu (Thierry Raynaud qui n’a pas vraiment la profondeur irradiante du personnage ) de trouver un monastère pour garder sa rage intacte, mais  la Dame, mère et amante, l’engage à rester avec elle, l’amour étant plus fort que la mort.
Un songe attirant d’où on ne s’extrait qu’avec regret, tant il est rare de reprendre le chemin qui mène à soi.

Véronique Hotte

Cloître des Célestins, jusqu’au 11 juillet.

 

Teatro a corte

Teatro a Corte 2015 Festival de Turin

 

 teatro-a-corte-2015 Nous suivons  depuis plusieurs années, avec intérêt, Teatro a Corte (voir  Le Théâtre du Blog) qui propose au public,  une découverte de sites classiques de Turin, avec  des formes de spectacle contemporain. Cette édition aborde le thème « Nourrir la Planète », en résonance avec l’Exposition Universelle de Milan 2015 qui s’est ouverte sur la question «Est-il possible de garantir à l’humanité entière une bonne alimentation, saine, suffisante et durable ?
Mais  Teatro a corte reste fidèle à sa mission initiale: mettre en lumière le patrimoine de Turin et les châteaux environnants. Avec huit pays invités, vingt-six compagnies, des créations conçues spécialement pour les sites, un focus sur l’Allemagne, deux nouvelles demeures de la maison de Savoie à découvrir, le festival piémontais promet une fois encore des rencontres artistiques dédiées aux nouvelles tendances des arts de la scène, mêlant les gestes aux paroles, mariant danse, théâtre de rue et cirque…
  Côté danse, le Français Jann Gallois présente un solo P=mg où il défie les lois de la gravité une expérimentation, qui en décuple les effets …Toujours provocante, la chorégraphe belge Maria Clara Villa Lobos revisite, avec Mas-Sacré, Le Sacre du printemps, de Nijinsky qualifié lors de sa création en 1913 de Massacre du printemps… Elle porte un regard critique sur les abus de l’industrie alimentaire qui traite les animaux destinés à la consommation comme des objets… Questionnant notre rapport à la viande  tout en s’appropriant le grand classique de Stravisnki. Au Teatro Astra le 30 juillet. 
L’Allemand Kenji Ouellet nous propose un autre Sacre du Printemps, sous-titré A Haptic Rite. Une chorégraphie liée, mais pas toujours fidèle à la musique de Stravinski,  essentiellement non-visuelle, tactile, interprétée directement sur le corps du spectateur qui, les yeux bandés, se concentre sur ses sensations :Teatro Astra, du 3 au 31 juillet – 10 séances par jour).
  Côté rue,   il faut noter la présence de la troupe allemande de Grotest Maru  présentant Timebank qui aborde les relations entre l’humain et l’argent, quand les marchés financiers s’effondrent et quand les gens sont dévastée par l’épuisement professionnel, la dépression, la colère … Femmes et  hommes de la TimeBank surgissent de nulle part, et nous remettent en question.: Piazzeta Reale, le 17 juillet.
Et les cinq compères de Décor Sonore, dirigés par le compositeur français Michel Risse, vont, avec  Urbaphonix,  ausculter l’environnement urbain et composer un paysage sonore à partir des bruits mécaniques, ceux générés par les corps, les conversations, les murs et les lampadaires… et nous faire entendre le monde autrement : Via Mensa, Venaria Reale, le 25 juillet
  Les jongleurs anglais de la Gandini Juggling reviennent avec 8 Songs, chorégraphié sur des chansons de Bob Dylan, Velvet Underground, David Bowie, les Rolling Stones. Un spectacle tout public ; Stupinigi, le 18 juillet.
  Les Allemands de Meinhardt & Krauss explorent dans Intimitäten,  le vécu des corps dans un rapport acteur/marionnette : les fragments de corps filmés s’assemblent pour former de nouvelles créatures étranges :Teatro Astra, 23-24 juillet.
Avec le Turak Théâtre, l’auteur, metteur en scène et scénographe  Michel Laubu nous entraîne Sur les traces du IFTO, dans une forêt de pupitres, de partitions, et d’instruments abandonnés. Quelques grincements se font entendre, des machines actionnent ces instruments oubliés. Des pédaliers de bicyclette actionnent des accordéons… Un monde inanimé se met en branle et en musique. (Teatro Astra, 24 juillet)
Un repas-conte, clôturera le festival. Orchestré par Bruno Franceschini, il mêlera les plaisirs de la table, à ceux de la musique et de la littérature. Cuisiné par le chef Ugo Alciati, il sera servi devant la Villa della Bela Rosin, Fontanafredda.

  Des écrivains allemands, français et italiens ont écrit des histoires inspirées par le lieu et les plats d’Ugo Alciati, et trois acteurs  allemand, français et italien feront vivre ces textes, chacun dans leur langue. Tandis que le soleil se couchera sur les collines des Langhe.
Nous vous  reparlerons de tout cela…

 Mireille Davidovici

 Teatre a Corte à Turin: du 16 au19, du 23 au 26 juillet et du  30 juillet au 2 août. T:  +39 011.5119409 – info@teatroacorte.it – www.teatroacorte.it

 

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