Vader par la compagnie Peeping Tom
Vader par la compagnie Peeping Tom, mise en scène de Franck Chartier
Vader traite de la figure du père ; le thème de la mère et des enfants suivront dans la trilogie qu’inaugure la compagnie belge.
Après la trilogie sur l’espace domestique (Le Jardin, Le Salon, Le Sous-sol) qui explorait, avec fantaisie, en les poussant à l’extrême, les postures et interactions corporelles générées par l’habitat humain, nous retrouvons les artistes accomplis de Peeping Tom dans un vaste hall, flanqué de grandes tables, dominé par une petite scène de théâtre en fond de plateau.
Perdus dans ce décor, qui s’avère être une maison de retraite, les acteurs-danseurs s’activent autour de Leo (Leo De Beul) vieillard en plein naufrage, mis au rencart, mais dont les accès de vitalité explosent de temps en temps. Les soignants, happés à leur tour par cet environnement délétère, sont en proie à des comportements extrêmes: jusqu’à la contorsion.
Ils se glissent subrepticement dans des échappées fantasmatiques comme cet admirable duo de chats, course-poursuite entre la Chinoise Yu-Chun Liu et le Coréen Hun-Moj Jung, ou des numéros comiques quand Maria Carolina Vieira, tout en chantant, rétrécit pour devenir une vieille sénile et entamer une course de chaises roulantes avec Leo.
Rien de réaliste dans cette chorégraphie : des gestes poussés jusqu’au bout tirent le spectacle vers une bouffonnerie salutaire, désamorçant le sordide de ce vieil homme dont le corps et le mental se délitent. La présence de figurants, tout en ancrant la narration dans le réel, ne nuit pas au loufoque: chœur muet, bien ordonné mais insolite, tour à tour ils manient habilement des balais, ou deviennent des hôtes de l’hospice…
On peut juste regretter que les artistes, si habiles de leurs corps, se mettent, vers la fin du spectacle à régler leur compte de vive voix avec la figure paternelle.
Ils exprimaient beaucoup mieux leur colère, leur désarroi en dansant, en chantant. Les mots en disent beaucoup moins long que leurs gestes perpétrés entre dérision et désespoir ; désamorçant l’émotion en demi-teinte que génère le spectacle, ils le font tomber dans un vérisme psychologique qui ne colle pas avec la démarche globale de Peeping Tom.
Malgré cette réserve, le spectacle vaut le détour s’il se joue près de chez vous. Il aborde, d’une manière originale et assez neuve, le statut de la vieillesse en Occident.
Mireille Davidovici
Spectacle vu au Théâtre de la Ville, à Paris ; les 22 et 23 août, Waves Festival Vordingborg (DK) ; le 3 septembre, Tanztheater, Hanovre ; les 11 et 12 septembre, Het Theaterfestival, Bruxelles ; les 22 et 24 octobre, NTGent, Gand ; les 17 et 18 novembre, Espace Malraux, Chambéry ; et du 8 au 11 décembre, Koninklijke Vlaamse Schouwburg, Bruxelles ; les 14 et 15 janvier, L’Apostrophe, Cergy-Pontoise ; les 19 et 20 janvier, le Grand R, La Roche-sur-Yon ; le 28 janvier, Le Bateau-Feu, Dunkerque ; le 3 février, La Filature, Mulhouse ; du 9 au 11 février, Danse Emoi, Limoges ; le 13 février, Les Treize Arches, Brive.