Sur la page Wikipedia de Michel Drucker, il est écrit que ce dernier est né un douze septembre à Vire
Festival d’Avignon :
Sur la page Wikipedia de Michel Drucker, il est écrit que ce dernier est né un douze septembre à Vire, texte et mise en scène d’Anthony Poupard.
Silence! On entre en religion. Le respect des rituels est indispensable à la réussite de “la petite réunion d’un soir » qu’Anthony Poupard et le public vont « bâtir ensemble ». Le ton est donné avec familiarité, solennité et humour tout à la fois : nous pénétrons dans le royaume du théâtre populaire/élitaire pour tous.
Frisson dans le noir. Avec interdiction de renifler, toussoter, manger. Cela commence avec la grandiloquence des partis-pris assumés : noir total, boue, fumigènes, lumière rougeoyante, sexe à l’air. Le théâtre est chose sérieuse pour ceux qui s’y adonnent avec un discipline monastique, comme ce comédien associé au CDR de Vire qui a dû avaler un paquet de couleuvres pour exercer son métier dignement.
Humilité et pauvreté sont toutefois peints avec une auto-dérision mordante. Anthony Poupard n’est pas du genre à poser ses fesses dans le canapé rouge de Michel Drucker le dimanche, même si aux yeux de son grand-père, ce serait une forme de consécration. Dans ce solo, il affronte les éléments et ce qu’on appelle le «non-public» : ici, des ruraux peu enclins à céder leur salle des fêtes pour une mise en scène de théâtre contemporain. On suit donc les tribulations de ce courageux pèlerin de l’art, courant à la recherche de reconnaissance.
Le résultat ? Un solo aussi décalé et chargé que son titre. S’y succèdent des interprétations investies de Thésée (oui, « la nudité c’est costume ! »), des scènes d’intimité avec Papou un peu téléphonées, et d’hilarantes confrontations avec ceux qui soutiennent, avec plus ou moins d’enthousiasme, l’exigeant projet.
Le dispositif scénographique, fondé sur la relation entre le personnage du comédien et ses deux techniciens à vue sur le plateau, est bien rôdé. Changements de lieux et vivier de portraits au vitriol s’enchaînent avec une efficacité galvanisante. Jean-Noël, le « dir prod prog » de la Capitale, et Mme Sévranisté, l’élue qui va chercher ses ouailles au porte-à-porte, sont particulièrement savoureux.
Ceux qui fréquentent assidument les milieux culturels reconnaîtront forcément qui un collaborateur snob, qui, un collégien récalcitrant, qui, un politique soupçonneux mais pragmatique.
Il y a quelques facilités dans cette proposition iconoclaste. La sobriété n’est pas au menu. Mais Anthony Poupard mouille sa chemise avec sincérité. Quel public vise-t-il? Les gens de la culture aptes à rire de leur consanguinité ou les béotiens qui préfèrent aller au spectacle pour se détendre et se méfient comme de la peste des exigences des intellos?
Les deux sans doute, pour les réconcilier dans le partage de leurs ridicules, craintes et espoirs. Aussi, l’équipe du spectacle entretient-elle un climat de convivialité, offrant gâteaux et calvados-tonic aux uns et aux autres. Comment ne pas saluer le militantisme de l’artiste qui remet sans cesse son ouvrage sur le métier ?
Stéphanie Ruffier
La Manufacture, jusqu’au 25 juillet, 22h.
Si vous avez vu des facilités, c’est que ce sont avant tout les vôtres : On ne reconnait que ce qu’on est.