Notallwhowanderarelost
Festival d’Avignon :
Notallwhowanderarelost, mise en scène de Benjamin Verdonck
Quel silence dans la Chapelle des Pénitents blancs où les enfants se comptent sur les doigts d’une seule main. Pourtant, le spectacle est classé « jeune public ». Sur le plateau, un homme immobile, en pull jaune vif et jeans, se tient debout à côté d’une machinerie prodigieuse. Cordes, boiseries, serre-joints apparents… l’étonnant châssis à mi-chemin entre la charpente, le chevalet, le théâtre de tréteaux et l’obturateur photographique, semble une ingénierie de Léonard De Vinci, échappée de la Renaissance. Nous y devinons un dispositif dédié aux belles images.
Le spectacle débute par une école de la patience. Le plasticien et performeur Benjamin Verdonck parvient, au terme de nombreux ajustements méticuleux, à faire tenir, à l’avant-scène, un ballon sur le dossier d’une chaise, elle-même en équilibre sur deux canettes de coca. Soit. D’un geste, il freine les applaudissements. Cela causerait peut-être la chute du merveilleux assemblage surréaliste et, plus vraisemblablement, briserait l’épure de l’instant.
Une chimère étonnante apparaît ensuite : un cintre au sommet d’un manteau immense. Et voilà que le personnage sans tête récite du Jorge Luis Borgès. Eloge du fleuve et du temps en soi.
La métaphore nous prévient à nouveau que le sablier s’écoulera avec lenteur, privilégiant l’intériorité. Voici enfin venu le temps de la machinerie. Petits gestes. Evénements minimalistes. Un triangle traverse le cadre. Bois, papier, fil… La pauvreté des matériaux fait écho au dépouillement des effets. Un autre triangle croise le premier. Un enfant à nos côtés s’émerveille, et s’empare de l’abstraction : « Oh ! Un bateau… », « des gens qui se rencontrent… »
Des phrases en papier descendent sur les lames d’un store en carton. Il y est question de K, de café, de rencontre à Berlin. Un récit s’ébauche, et quelques minutes plus tard, nous comprenons que le spectaculaire se réduira aux beautés minuscules et lentes de ces micro-variations : un ou deux triangles passent et repassent, petits ou plus grands, l’un caché derrière un autre, s’inclinant, passant à l’orange.
Et là, c’est la déconvenue. Évidemment, nous relevons l’hommage à Dada, au suprématisme… Mais, quid des enfants dans tout cela ? C’est lent, répétitif, référencé, pédant. Le titre mettait la puce à l’oreille mais un jeune spectateur est perdu et dépité : « Ah ! C’est juste des triangles qui passent! ».
Où est l’histoire attendue ? Nous sommes prêts à concéder que le bijou est délicat. Mais pour les adultes seulement ! Et les plus enclins à la méditation…
Stéphanie Ruffier
Spectacle vu à la Chapelle des Pénitents blancs. Et les 26 et 27 août au festival Madli Levi (Slovénie). Du 13 au 17 octobre, KVS, à Bruxelles.