Notallwhowanderarelost

Festival d’Avignon :

 

Notallwhowanderarelost, mise en scène de Benjamin Verdonck

11739631_10152877924556512_723801911_n Quel silence dans la Chapelle des Pénitents blancs où les enfants se comptent sur les doigts d’une seule main. Pourtant, le spectacle est classé « jeune public ». Sur le plateau, un homme immobile, en pull jaune vif et jeans, se tient debout à côté d’une machinerie prodigieuse. Cordes, boiseries, serre-joints apparents… l’étonnant châssis à mi-chemin entre la charpente, le chevalet, le théâtre de tréteaux et l’obturateur photographique, semble une ingénierie de Léonard De Vinci, échappée de la Renaissance. Nous y devinons un dispositif dédié aux belles images.
  Le spectacle débute par une école de la patience. Le plasticien et performeur Benjamin Verdonck parvient, au terme de nombreux ajustements méticuleux, à faire tenir, à l’avant-scène, un ballon sur le dossier d’une chaise, elle-même en équilibre sur deux canettes de coca. Soit. D’un geste, il freine les applaudissements. Cela causerait peut-être la chute du merveilleux assemblage surréaliste et, plus vraisemblablement, briserait l’épure de l’instant.
  Une chimère étonnante apparaît ensuite : un cintre au sommet d’un manteau immense. Et voilà que le personnage sans tête récite du Jorge Luis Borgès. Eloge du fleuve et du temps en soi.
  La métaphore nous prévient à nouveau que le sablier s’écoulera avec lenteur, privilégiant l’intériorité. Voici enfin venu le temps de la machinerie.  Petits gestes. Evénements minimalistes. Un triangle traverse le cadre. Bois, papier, fil… La pauvreté des matériaux fait écho au dépouillement des effets. Un autre triangle croise le premier. Un enfant à nos côtés s’émerveille, et s’empare de l’abstraction : « Oh ! Un bateau… », « des gens qui se rencontrent… »
  Des phrases en papier descendent sur les lames d’un store en carton. Il y est question de K, de café, de rencontre à Berlin. Un récit s’ébauche, et quelques minutes plus tard, nous comprenons que le spectaculaire se réduira aux beautés minuscules et lentes de ces micro-variations : un ou deux triangles passent et repassent, petits ou plus grands, l’un caché derrière un autre, s’inclinant, passant à l’orange.
  Et là, c’est la déconvenue. Évidemment, nous relevons l’hommage à Dada, au suprématisme… Mais, quid des enfants dans tout cela ? C’est lent, répétitif, référencé, pédant. Le titre mettait la puce à l’oreille mais un jeune spectateur est perdu et dépité : « Ah ! C’est juste des triangles qui passent! ».
Où est l’histoire attendue ? Nous sommes prêts à concéder que le bijou est délicat. Mais pour les adultes seulement ! Et les plus enclins à la méditation…

Stéphanie Ruffier

 

 Spectacle vu à la Chapelle des Pénitents blancs. Et les 26 et 27 août au festival Madli Levi (Slovénie). Du 13 au 17 octobre, KVS, à Bruxelles.

 

 


Archive pour 19 juillet, 2015

Marcellin Caillou

Festival d’Avignon:

Marcellin Caillou, texte adapté de Sempé, mise en scène de Caty Jouglet et Fabrice Roumier

Marcellin et les filles   La conteuse (Caty Jouglet) prend place à côté d’un immense plan blanc, incliné, et ouvre un livre. Magie, le récit prend vie ! D’une fente, émerge un petit personnage cartonné. C’est Marcellin Caillou, humble héros de Sempé, doté d’une maladie aussi bizarre qu’incontrôlable : il rougit sans raison. Le visage de papier se teinte aussitôt d’un adorable rouge vif. Les autres enfants ne sont pas tendres, le traitent de fraise tagada et de camion de pompiers.
Quelle tendre histoire que celle de l’amitié entre cet enfant solitaire qui rencontre son alter ego, René Rateau, reconnaissable à ses cheveux en bataille et à son cou télescopique qui s’allonge pour annoncer d’énormes « atchoum ». Entre le timide aux rougeurs intempestives et son copain aux éternuements incontrôlables, la mayonnaise prend à merveille. Elle se passe de mots. Moments de grâce…
Personnages aimantés qui déambulent à la surface du carton, paysages en papier et vidéo  sont mis au service d’une scénographie aussi sobre que leur amitié. Quand un adulte intervient, la conteuse se saisit d’un bâton, et revêt un des fabuleux visages revêches croqués par le célèbre dessinateur.
La peinture du monde décevant des grands, justement, est une des réussites de ce conte. Quand les deux enfants sont séparés par un déménagement, les parents de Marcellin ne réagissent pas. Ils perdent même la lettre de l’ami : «On la cherchera quand on l’aura trouvée. »

Des micro-saynètes dessinées dans des boîtes éclairées montrent la mère perpétuellement plongée dans le frigo et le père dans sa paperasse. Ils n’ont jamais le temps ! Dans le public, des enfants acquiescent. Vie trépidante et répétitive, bus, boulot, dodo. Le temps passe… Mais la vie réserve de belles surprises.
Ce petit théâtre de papier est absolument réjouissant. Caty Jouglet, la conteuse, sait pointer les moments forts et Fabrice Roumier, à couvert, manipule avec bonne humeur et célérité les trappes et les petits personnages à qui il donne des voix facétieuses.
L’univers  humaniste de Sempé est restitué ici avec générosité…

 Stéphanie Ruffier

 Maison du théâtre pour enfants, Monclar, jusqu’au 25 juillet, 15h20, relâche le dimanche.

A mon seul désir

Festival d’Avignon :

 g-bourgesÀ  mon seul désir  de Gaëlle Bourges

Tissée aux alentours de 1500, La Dame à la licorne, tapisserie en six panneaux dont l’auteur reste inconnu, fut redécouverte par Prosper  Mérimée en 1841,  et  George Sand en parle dans son roman Jeanne… Les cinq premières scènes représentent les cinq sens, mais la sixième : A mon seul désir semble plus ambigüe.
C’est l’histoire et la signification de cette œuvre moyenâgeuse, qu’elle a longuement contemplée au musée de Cluny, à Paris, que nous conte Gaëlle Bourges, en compagnie de trois autres danseuses. En voix off, elle décrypte La Dame à la licorne, tandis que, nues, les quatre interprètes dansent devant un châssis rouge garance tendu à l’avant de la scène, comme échappées du tableau. Elles y piquent des fleurs, tandis que le texte énumère la flore abondante contenue dans la tapisserie.

Puis elles deviennent, grâce des masques, le lion, le perroquet, le singe, la licorne, le chien et le lapin figurant aux côtés de la Dame. « Elles sont en fait comme des animaux, dit la conteuse, il n’y a pas de nudité dans la nature, les animaux ne sont pas nus ». C’est surtout sur ce bestiaire allégorique que le récit s’attarde.
Que signifie la présence de nombreux lapins (trente-cinq au total), animal symbolisant la lubricité, auprès de la vierge du tableau? Au Moyen Âge, on attirait les licornes, animaux magiques, avec de jeunes vierges, et, si la fille mentait, la licorne, croyait-on, l’encornait sans pitié.

 Et pourquoi le perroquet, symbole de l’amant dans l’amour courtois, viendrait-il picorer dans sa main, si elle était pure? « Est-ce que la jeune fille n’est vierge que de face, se demande-t-on ? La tapisserie n’a pas d’envers, mais la danseuse ne porte la riche robe en velours bleu que sur le devant, découvrant, quand elle se retourne son aimable postérieur.
   Après un petit détour par la scène d’Alice avec le lion et la licorne dans Lewis Caroll, quelques autres scènes sont aussi évoquées par les danseuses. Soudain le voile se déchire, le rideau tombe découvrant l’envers de la tapisserie, laissant apparaître une multitude de lapins, figurants nus et masqués qui prolifèrent, s’ébattent en une danse endiablée, sorte de sabbat de sorcières.
  Une joyeuse sarabande qui contraste avec le côté gracieux, précieux, presque hiératique de la pièce. Ce travail tout en finesse aborde la question de la représentation de la femme dans l’art occidental, en décrypte les arcanes et en révèle la face cachée. Gaëlle Bourges explorant, comme à son habitude, la relation entre spectacle vivant et histoire de l’art, nous offre ici un très beau moment de danse et de théâtre.

Mireille Davidovici

Jardins du Lycée Saint-Joseph, jusqu’au 21 juillet. Et le 16 octobre, à l’Echangeur de Picardie ; le 3 mars à l’Espace Pluriel à Pau;  le 7 avril, au Théâtre de l’auditorium de Poitiers.

Toi(t) du monde

 

 toi(t)

Toi(t) du monde, texte, interprétation et mise en scène de Serge Boulier

Toits d’ardoises, ravissants balcons, fenêtres illuminées… Mais que se passe-t-il derrière les façades ? Elle, marionnette à robe rouge, juchée sur un tiroir, observe ce drôle de quartier perché dont les maisonnettes, au sommet de tabourets-pilotis, semblent isolées les unes des autres. Elle est mélancolique, sans qu’on sache pourquoi, car la tristesse ne s’explique pas toujours. Le spectacle de la vie des autres va-t-il sécher ses larmes ?
Le théâtre miniaturiste de Serge Boulier, petit monde fragile et gracile, nous fait partir à la rencontre des intérieurs. Les nombreux habitants qui peuplent son univers sont de galantes marionnettes à doigt ou à fil, dont les costumes de cotonnade et de carton blancs sont esquissées avec quelques délicats traits de crayon. Leurs visages aux traits âgés et aux crânes chauves évoquent la vieillesse, un âge peu médiatisé, peu visible, ici dévoilé avec pudeur.
Nous rencontrons ainsi Eugène et sa voisine Mélanie qui se saluent chaque dimanche, à heure fixe, sans oser franchir le pas de s’inviter. Adèle, la petite fille aux valises, qui pense à son papa quand elle est chez sa maman, et inversement. Josette qui met ses chaussettes dans le congélateur. Léon tourmenté par un crabe.

 Timidité, séparation, Alzheimer, cancer, handicap… Petits tracas et gros soucis de l’existence sont évoqués dans de courtes saynètes du quotidien. Sous les toits, il y a toujours un «toi» qui veille. La finesse des détails comme des sentiments émeut. Chacun selon sa sensibilité.
Ce petit théâtre de l’existence, dorloté par Serge Boulier, relie les êtres les uns aux autres avec simplicité et bienveillance. Il fait sobrement l’éloge du sourire, émerveille avec de petits tours de passe-passe, une magie qui met un peu de baume au cœur, à l’image de ces vivifiantes touches de rouge qui égaient, ici ou là, la grisaille.

 La scénographie, ballet de gestes doux et de soins essentiels, célèbre un monde où le mouvement, à travers le petit pas de côté, supplante les peurs et les grands discours.

 Stéphanie Ruffier

Maison du théâtre pour enfants, Monclar, tous les jours jusqu’au 25 juillet, à 14h30. Relâche le 19.

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