Bobo 1er roi de personne
Festival d’Avignon:
Bobo 1er roi de personne, de Frantz Succab, mise en scène de Guillaume Clayssen
Le titre a une double résonance : Bobo 1er roi de personne, comme roi de nulle part, ou Bobo 1er roi de personne comme roi libre, poète de sa vie, roi de lui même ! Ce qui n’est parfois, pas si lointain ! Une sorte d’Ubu à la personnalité étonnante et fine. C’est à un étrange voyage auquel nous invite Frantz Succab avec un récit théâtral d’une écriture singulière, et tout aussi complexe qu’accessible.
Le spectacle, qualifié de «cabaret baroque», s’adresse aussi à un jeune public. La mise en scène de Guillaume Clayssen épouse avec justesse et sensibilité cette écriture, et donne souffle aux espaces inarticulés et fugaces enfouis dans le texte. La scénographie de Murielle Plaisir, tout en sobriété, est très évocatrice. « Je fus saisi d’emblée par l’inventivité et l’énergie de son écriture dit Guillaume Clayssen Je sentais que ce texte de théâtre enraciné dans le monde caribéen, contenait en lui un poème universel….Cette radicalité si belle et si intelligente du verbe de Frantz Succab, m’inspire comme metteur en scène ».
Il s’empare avec virtuosité de ce poème dramatique, proche d’un conte. Les multiples sens de lecture, l’ambiguïté parfois, des paroles de ce roi hors-normes surgissent au son des musiques et du tam-tam, du corps dansant de l’acteur et compositeur Patrick Womba. Très présent il illumine le plateau. Même si parfois, sa mémoire semble chercher les mots, cette hésitation est en harmonie, une fois n’est pas coutume, avec le personnage et apporte une richesse dramatique supplémentaire à ce roi extravagant.
On est fasciné par le roi Bobo, jubilatoire et dérangeant, rempli de rêves, de contradictions, de poésie, Nègre contre les Nègres. Le spectateur a la surprise avec ce spectacle d’être emmené dans un ailleurs, une écriture inhabituelle, une histoire déjantée mais lourde de sens ! Et on sort de cette pièce guadeloupéenne, et de ce voyage en compagnie de Bobo 1er roi de personne, la tête pleine d’images aussi merveilleuses qu’inquiétantes, de questions sur notre monde aujourd’hui en Europe, et sur l’humanité de ce 21ème siècle. Et l’on se dit qu’il serait bon de prêter une attention plus profonde à la poésie et ses mots !
C’est aussi une histoire d’amour, celle de Bobo et de Pauline… ! Allez découvrir ce spectacle inclassable, cet hymne à la poésie, à l’humour, à l’imaginaire !
Elisabeth Naud
La Manufacture, jusqu’au 25 juillet. T:04 90 85 12 71 . Le texte de la pièce est édité aux éditions Lanzmann.