Leaving room
Paris Quartier d’été :
Leaving room, de Yoann Bourgeois avec la complicité de Marie Fonte
Pas de faute d’orthographe dans le titre! Il s’agit bien de quitter la pièce. Le spectacle se construit en effet sur le thème de la fugue, en musique comme en amour, où les corps se croisent, se poursuivent, se retrouvent, dans un équilibre instable. Dans un décor où tout se déglingue : chutes de projecteur, de micro, plus tard table et chaises qui cassent, le burlesque n’est pas incompatible avec le poétique dont est empreint Leaving room, conçu spécialement pour la grande halle du Carreau du Temple.
Aux dures lois de la pesanteur ainsi rappelées, Yoann Bourgeois oppose une légèreté aérienne et compose, à sa manière, en quatre mouvements, une fugue, à la recherche, au sein du mouvement, d’un point d’équilibre, de suspension : «Ce moment où l’envol d’un corps où d’un objet atteint le plus haut point de sa trajectoire juste avant la chute. Ce point, lorsqu’on y parvient, dit-il, est particulièrement voluptueux. »
Il est accompagné dans sa quête par Marie Fonte, partenaire de jeu et regard extérieur de la mise en scène, et par la harpiste Laure Brisa dont les musiques sont partie intégrante du spectacle, qu’elles soient de son cru, ou empruntées à Philip Glass et, bien sûr, à Jean-Sébastien Bach.
Dans le premier mouvement, de petites balles blanches, volent dans les mains du jongleur, vivantes, comme naissant des notes de la musique de Jean Sébastien Bach ; accélérés, suspens et ralentis alternent …
Marie Fonte, elle, grimpe sur son étrange balance de Lévité. Une machine constituée d’un siège mobile au bout de deux longues tiges d’acier, lestées par des poids. On ne sait rien du physicien Lévité, sinon que, paraît-il, Newton s’inspira de son invention pour rédiger sa loi universelle de la gravitation. Au bout du grand agrès, la danseuse évolue vertigineusement, vole, ou s’affaisse, poupée de son.
Troisième mouvement: jeux de mains, jeux de vilains, un duo dansé, un bref rapprochement physiques, préludes à la rupture. Errance des corps dans l’immensité du plateau. Suivie d’une partie de trampoline, déjà présentée au théâtre des Abbesses. Chutes, rebonds, ils s’abandonnent avant de s’élever sur les marches d’un escalier montant vers nulle part. Un vrai plaisir!
Et l’enchantement se poursuit tout au long du spectacle, épuré à l’extrême. La simplicité des formes laisse apparaître la finesse de l’écriture, comme on dirait d’une composition littéraire ou musicale.
A la fin, les protagonistes se perdent dans les profondeurs labyrinthiques de la halle, soudain peuplée d’ombres, et s’éloignent, orphelins, avant de s’étreindre brièvement, en équilibre précaire sur une coupole inversée… Entre danse, cirque, de la pure poésie ! A ne pas manquer.
Mireille Davidovici
Carreau du Temple jusqu’au 26 Juillet
retrouver la compagnie Yoann Bourgeois sur le parvis du Sacré-Cœur les 26 et 27 juillet ( spectacle gratuit) Paris quartier d’été : T. 01 44 94 98 02 www.quartierdete.com