Meursaults
Festival d’Avignon :
Meursaults de Kamel Daoud
Avec Meursault, contre-enquête, un roman paru en 2013, l’auteur algérien Kamel Daoud s’est rendu célèbre en France et dans son pays. Le livre a été couronné du Goncourt du premier roman après être passé tout près du Goncourt… Il vit aujourd’hui sous protection, touché par une fatwa lancée par un imam salafiste après ses propos sur la religion : « Je persiste à le croire : si on ne tranche pas dans le monde dit arabe, la question de Dieu, on ne va pas réhabiliter l’homme, on ne va pas avancer. La question religieuse devient vitale dans le monde arabe. Il faut qu’on la tranche, il faut qu’on la réfléchisse pour pouvoir avancer. »
Meursaults s’inscrit dans la suite de L’Étranger d’Albert Camus. Le narrateur est le frère de l’Algérien tué sur la plage par Meursault. C’est le moyen de changer l’angle de vue sur la situation et de donner un visage à cet algérien. Le roman a été l’objet d’un malentendu en Algérie, et beaucoup ont cru qu’il s’attaquait au monument Camus : « Sans l’avoir lu, de nombreuses personnes ont pensé que c’était une attaque de L’Étranger, mais moi je n’étais pas dans cet esprit-là. Je ne suis pas un ancien moudjahid. [...] Je me suis emparé de L’Étranger parce que Camus est un homme qui interroge le monde. J’ai voulu m’inscrire dans cette continuation. [...] J’ai surtout voulu rendre un puissant hommage à La Chute tant j’aime ce livre. »
Philippe Berling, co-directeur du Théâtre Liberté de Toulon s’est emparé de ce long monologue. Avec un décor simple mais imposant: un sol de terre battue, un citronnier, et la façade d’une maison avec un grand mur en angle où seront projetées des images d’archives en accéléré au tout débu,t ainsi que des lumières pour signifier par exemple une fin de journée Non plus seul comme dans le roman, Haroun, (Ahmed Benaïssa) est ici en compagnie de M’ma, sa mère (Anna Andreotti) à qui il s’adresse. Elle passera toute la pièce à chanter et geindre, et ne prononce qu’une phrase vers la fin.
Le rythme est très lent, il y a quelque chose de solennel et de recueilli, ce n’est pas la fureur, ou alors elle est toute intérieure. Peu de mouvements: le texte est déclamé lentement par Ahmed Benaïssa qui semble peiner, et accroche quelques mots, et donne l’impression d’être uniquement préoccupé par la bonne diction de son texte, et n’est donc pas libéré pour pouvoir jouer son personnage.
C’est d’autant plus dommage qu’il il correspond bien à l’idée que l’on se fait du rôle et qu’il possède un timbre de voix superbe, profond.
L’œuvre était peut être trop grande, et en tout cas très difficilement adaptable pour en faire un objet théâtral intéressant.
Julien Barsan
Le spectacle a été joué au Théâtre Benoît XII du 21 au 25 juillet, et sera repris le 29 septembre à la scène nationale de Cavaillon, du 1er au 17 octobre au Théâtre Liberté de Toulon, et du 3 au 7 novembre au Théâtre national de Toulouse.