L’art contre le trafic de drogue à Rio de Janeiro
L’art contre le trafic de drogue dans la favela Digidal de Rio de Janeiro avec la compagnie Nós do Morro
Pas de subvention d’État mais Petrobras compagnie pétrolière, (c’est tout de même de l’argent public!) tient lieu de partenaire financier. Une vie foisonnante où se mêlent artistes amateurs et professionnels aguerris, dont certains travaillent pour le cinéma et la télévision.
Mais le plus impressionnant, c’est une rencontre avec Nós do Morro, un groupe d’artistes amateurs créé en 1986 au sein de la favela Vigidal, dont sont issus nombre de professionnels confirmés. Comme Luciana Bezerra qui s’est intégrée à Nós do Morro à treize ans, et devenue ensuite comédienne et réalisatrice de courts métrages : «En 1986, au sein de la favela Vigidal, Gutti Fraga a rassemblé les talents de journalistes, musiciens, gens de théâtre pour fonder un groupe amateur dans l’église d’un prêtre autrichien de la communauté.
Personne n’était jamais allé au théâtre ; musiciens, poètes, acteurs enfants et adultes, ce groupe amateur est resté très local pendant dix ans. Jusqu’en 1990, quand cinq pièces et des programmes pour enfants ont été présentés dans l’ancienne église ; puis nous avons dû déménager et nous installer pendant deux ans dans une école, accueillis par une directrice qui nous aimait bien.
D’autres troupes nous ont prêté des matériaux pour aménager un petit théâtre, ce qui a interrompu pendant notre production artistique. Mais Gutti Fraga a fait des concerts pour garder le contact avec la communauté et des campinhos, des petits sketches dans les écoles.
Autrefois, il y avait du trafic de drogue dans la favela, ce qui concernait 1% des habitants et la police ne parvenait pas à l’enrayer, mais les campinhos présentés chaque semaine ont permis d’y mettre fin. Au début, Nós do Morro rassemblait des jeunes de neuf à vingt ans tous amateurs qui faisaient des improvisations transformées en scripts, les rencontres offraient des possibilités de rêve, il n’y avait que 8.000 spectateurs. Notre première billetterie a été établie en 1988, pour Os dois o Inglès maquinista. »
La troupe est en prise avec les questions sociales de la communauté, et devint très populaire; son petit théâtre, inauguré en 1995 avec une pièce de Machado de Assis, obtient un prix.
Trois ans plus tard, une deuxième pièce de cet auteur remporte aussi un succès; La troupe travaille alors sur des improvisations avec des écrivains et des musiciens sur la vie dans la favela, et le tout Rio commence à fréquenter régulièrement son théâtre. Certains acteurs font même une carrière professionnelle de comédiens, metteurs en scène, techniciens à la télévision ou au cinéma, et reviennent à Nós do Morro.
Un bilan impressionnant : une centaine de spectacles réalisés, dont une quinzaine présentés dans des lieux professionnels, et plusieurs pièces de Shakespeare dont certaines présentés à la Royal Shakespeare Company de Stratford en Angleterre, une quinzaine de courts métrages dont Mina di Fé (Girls of faith) de Luciana Bezerra, conçus par 44 artistes, musiciens, comédiens et cinéastes. Une lutte sans pareille pour éradiquer de façon spectaculaire la criminalité et la pauvreté dans cette favela de Vigidal.
En 2015, La Tempête, Roméo et Juliette et La Mégère apprivoisée, ainsi qu’un Campinho show, des lectures dramatisées et deux cycles de cinéma ont été présentés à Rio de Janeiro. Nós do Morro a publié un livre magnifique de 275 pages sur leur combat de trente ans, ainsi que plusieurs DVD.
Édith Rappoport