Color of time
Festival d’Aurillac :
Color of time, Artonik, mise en scène d’Alain Beauchet et Caroline Selig
Nous les croisons à chaque coin de rue, ces passants béats, fardés de rouge, rose, bleu, orange et vert vif. Cheveux bariolés, peau polychrome, chaussures mouchetées de taches écarlates. Rares sont les parties du corps et les vêtements épargnés. Tous ont vécu la même expérience, le spectacle participatif qui tient du rituel, et qui puise son inspiration dans la fameuse fête traditionnelle hindoue, la holi.
Sur un plateau, trois musiciens officient, et une dizaine de danseurs orchestrent un grand brassage de corps et d’énergies. Parmi le public, des bénévoles formés en amont (le site de la compagnie et des panneaux en ville recrutent hardiment) relaient les consignes, participent à la chorégraphie.
Leurs sacs à dos regorgent de petits sachets de pigments qui répandent la couleur à grosses brassées. Sur une musique hindi aux sonorités planantes qui fraient avec la transe-techno, la foule vibre.
Soif d’idéal ? Voilà un rassemblement où peut s’épanouir une joie primaire, organique, vibrante. Cet avatar de rave-partie pacifiste, pour tous, en pleine rue, répond à un vrai besoin de défoulement, de mouvement et de contact physique. De loin, il crée par fulgurances chromatiques des gerbes et des nuages fascinants au-dessus d’une masse grouillante et sautillante.
Mais c’est dans l’œil du cyclone que l’expérience prend tout son sens. On y célèbre une joie compacte et colorée d’être ensemble. Les Parisiens Léa, Antoine, Lorenzo, François, Anton et Maud ont répondu à l’invitation de leur copine cantalienne, et racontent : « Quand tout le monde saute et danse, on boit pigment, on rejette pigment, on vit pigment. »
Ils se réjouissent de l’expérience collective qui donne la sensation de faire groupe. Venus en connaissance de cause, ils avaient acheté au préalable des tee-shirts bon marché. Ils imaginaient un joli moment, la surprise a été de taille: «plus de couleurs, plus de convivialité et de partage ».
«On était le spectacle» assurent ces jeunes étudiants. Faire jaillir du gulul, cette poudre de maïs coloré, et se mouvoir collectivement constitue une manière de revendication politique bon enfant : une manifestation de joie, une façon de changer son environnement immédiat et d’affirmer qu’on est capable de vivre ensemble, de se toucher, de rire.
La vision de cette marée de visages cousins, sereins et souriants, provoque aussi des accès de fraternité et une méditation bienheureuse.
Stéphanie Ruffier
http://www.artonik.org/The-Color-of-Time,61
Le spectacle sera aussi joué à Metz le 30 août, à Cergy le 13 septembre, puis à l’étranger.