Célébration Yves saint Laurent film d’Olivier Peyrou
Célébration, un film d’Olivier Meyrou
Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel ont eu la bonne idée pour ouvrir la saison du Monfort de présenter un film remarquable tourné par Olivier Meyrou de 1998 à 2001, et qui retrace la vie de la mythique maison de couture d’Yves Saint Laurent. Le cinéaste a aussi été le dramaturge du spectacle Acrobates et a mis en scène La petite fille aux allumettes, l’an passé à la Comédie-Française (voir Le Théâtre du Blog).
Le film est comme une incursion dans la vie de la célèbre maison d’Yves Saint Laurent et de son équipe de création: administratifs, couturières expertes, mannequins souvent africains ou asiatiques (chose absolument révolutionnaire à l’époque!), réalisateurs de présentations de collection, etc… Tout cela sous l’œil impitoyable de Pierre Bergé, son ami attentif au moindre détail, impitoyable et parfois très coléreux, le protégeant de tout ce qui pouvait nuire à ses créations.
Yves Mathieu-Saint-Laurent, dit Yves Saint Laurent, était né en 1936 et est mort à 71 ans d’un cancer du cerveau, en 2008. Il avait présenté sa première collection haute couture en… 1962 ; c’est lui aussi qui, très influencé par l’art du XXème siècle, créa sa célèbre robe Mondrian et ses robes pop-art. C’est lui aussi qui imagina de faire porter le tailleur/ pantalon, de merveilleuses cuissardes et des blouses transparentes aux jeunes femmes de son époque… Créant à l’époque un véritable choc!
Chose aussi innovante, il ouvrit en 1966, une boutique de prêt-à-porter: Saint Laurent Rive gauche à Paris puis à New York et Londres. Il créa aussi des costumes pour le théâtre (Claude Régy, Jean-Louis Barrault, la danse (Roland Petit), et le cinéma (Luis Bunuel, François Truffault, Alain Resnais…).
En 1974, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé installent leur maison de couture avenue Marceau à Paris. Trente quatre ans plus tard, le couturier mettra en scène trois cents mannequins sur la pelouse du Stade France à l’occasion de la Coupe du monde de football…
Mais en 2002, il annonce qu’il met fin à sa carrière! « Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers, j’ai connu la peur et la terrible solitude, les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants, la prison de la dépression et celle d’une maison de santé, pourtant j’ai choisi aujourd’hui de dire adieu à ce métier ».
Un défilé rétrospectif retracera au centre Georges Georges Pompidou, quarante années de création, dont sa dernière collection Printemps-Eté 2002; deux films biographiques ont été réalisés depuis sa disparition: l’un de Jalil Lespert, avec Pierre Niney et Guillaume Gallienne, adoubé par Pierre Bergé. L’autre de Bertrand Bonnell avec Gaspard Ulliel (qui joue actuellement dans Démons, voir Le Théâtre du Blog) mais désapprouvé par Pierre Bergé, et qui traite davantage de la vie privée du couturier après 1967…
Le film, lui, ne se veut pas du tout biographique, et c’est en cela sans doute que cet album est très honnête et formidablement réussi : ce sont souvent de courts dialogues et/ou des images en noir et blanc et en couleurs, presque brutes de décoffrage, pleines d’émotion, quand on voit, par exemple, ces deux anciennes ouvrières et Pierre Bergé qui reviennent dans les ateliers désormais vides, ou regardent, éperdues d’admiration, une des collections, et visiblement amoureuses de leur patron… Comme son gros chien court sur pattes qui le suit sans cesse.
On voit aussi souvent Yves Saint Laurent, travaillant sur ses modèles, pétri d’angoisse, devenu assez enveloppé et voûté, épuisé et visiblement au bout du rouleau mais encore passionné par ses créations. Ce que fait bien sentir Olivier Meyrou, c’est tout la créativité mais aussi la dimension tragique du grand créateur, en proie à de fréquentes dépressions, sans que rien ne soit jamais dit sur son homosexualité, et sa vie privée qui, on le sait, n’a souvent rien eu de merveilleux… Et c’est bien ainsi.
Et il y a aussi dans ce film, cette merveille de chorégraphie au stade de France, avec trois cents mannequins en vêtements inspirés entre autres par Matisse, Mondrian, Picasso… marchant sur la musique du Boléro de Maurice Ravel, pour former, à la fin, le fameux sigle fait des lettres entrelacées: Y S L…
Si vous pouvez voir ce documentaire exceptionnel, n’hésitez pas…
Philippe du Vignal
Film vu au Monfort le 14 septembre.
http://www.dailymotion.com/video/xcl277