Démons à partir de Lars Noren

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©Pauline Le Goff

Démons, librement inspiré de Lars Norėn, traduction de Louis-Charles Sirjacq et Per Nygren, adaptation, conception et mise en scène de Lorraine de Sagazan

  “Au fond, c’est une banale histoire entre un homme et une femme. Murés, dit Lorraine de Sagazan, dans l’appartement qu’ils avaient pourtant choisi pour être au monde; à deux. Et puis le temps. Maintenant, il faudrait sortir d’ici. Plus de force?! Ou bien qu’ils s’aiment. Je ne sais plus. Ils frappent et se débattent. Pour créer du mouvement. Pour se sentir vivants. C’est d’un ordinaire. Si, si je vous assure. C’est vraiment dégueulasse.”
  La jeune metteuse en scène a décidé de se réapproprier la pièce de Lars Norėn, mise en scène aussi et en même temps au Théâtre du Rond-Point par Marcial di Fonzo Bo. En se posant les bonnes questions quant à la notion de spectacle vivant, c’est à dire se déroulant en direct devant un public. A savoir: que produit ce direct? Pourquoi un mur entre acteurs et public?  Pourquoi va-t-on au théâtre qui n’existerait pas, sans cet acte unique et sublime de gens qui ne se connaissent pas?
  Du scénario de Lars Norėn, (voir Le Théâtre du Blog) où “un couple semble avoir besoin comme ultime recours à leur ennui et à leur violence de se donner en spectacle à un couple de voisins qu’ils invitent mais qu’ils connaissent à peine”, Lorraine de Sagazan le dit avec honnêteté: elle ne retient ici qu’une partie seulement des dialogues et les modifie. Elle y voit surtout la possibilité d’une mise en abyme: il n’y a plus ici deux voisins invités mais l’ensemble des spectateurs, qui se retrouvent donc ainsi au centre du jeu. Ce qui modifie à la fois, la texture des situations et des dialogues. Lucrèce et surtout Antonin restant les protagonistes de ce conflit amoureux.
  Donc, une scénographie bi-frontale avec, dans le fond de la scène, quelques bancs. Au milieu de la petite scène, plus de lit mais un fauteuil, un miroir et accrochés aux cintres par des chaînes, quelques robes et hauts pailletés, et évidemment une table roulante avec nombre de bouteilles d’alcool. Tous les acteurs sont jeunes et comme chez Macha Makeieff et Jérôme Deschamps, appelés par leur véritable prénom: Lucrèce et Antonin, Jeanne  et Benjamin…
 Et cela fonctionne? Pas à tous les coups mais Lorraine de Sagazan a le courage de prendre des risques et on sait que les impros en direct avec des spectateurs sont souvent casse-gueule. Cela dépend donc des soirs. Par ailleurs, la dimension érotique de la pièce a presque été éliminée, c’est dommage:  cela donne en effet un côté un peu sec et démonstratif au texte dont les dialogues ont été fortement retravaillés.
Le spectacle a cependant le mérite d’être très vivant et le rapport que  la metteuse en scène tente de créer avec le public est juste, à partir d’un texte bien connu du XXème siècle mais déjà un peu daté. Les lumières, costumes  et  maquillages auraient mérité d’être beaucoup plus étudiés: c’est à l’évidence fait avec pas grand chose, donc on pardonne.

 Mais il y a une bonne direction d’acteurs; Antonin Meyer Esquerré mène le bal avec une grande maîtrise et  une rigueur exemplaire: son maître au Conservatoire, Andrszej Seweryn aimerait bien cette approche du personnage et la façon d’aller sans filet au devant du public. Ses copains, Lucrèce Carmignac, Jeanne Favre et Benjamin Tholozan sont tout à fait crédibles, notamment dans une scène magistrale que l’on ne vous dévoilera pas,  très bluffante, et qui rend encore plus grande l’acuité de la situation où se trouve Jeanne, la jeune femme invitée.
  Sans doute Lorraine de Sagazan, dont c’est la seconde mise en scène, pourrait-elle aller plus loin dans cet essai de réappropriation scénique du réel et des comportements humains, tels qu’elle les réinterprète à partir du texte de Lars Norėn. Mais le spectacle devrait se bonifier.
C’est en tout cas, un travail intelligent et fin, qui mérite le détour, si vous voulez voir de quel bois est fait le nouveau théâtre contemporain…

 Philippe du Vignal

Théâtre de Belle Ville, jusqu’au 22 novembre. T: 01 48 06 72 34

 

 

 

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