Le Cœur cousu

Festival mondial des Théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières.

 

Crédit photo Christophe Loiseau

Crédit photo Christophe Loiseau

Le Cœur cousu, d’après  le roman de Carole Martinez par le Théâtre de la Licorne, adaptation, mise en scène et scénographie de  Claire Dancoisne

 Avec des masques, objets et «comédiens marionnettisés », Claire Dancoisne met en scène un théâtre plastique et décalé. Mais l’art dramatique n’est-il pas toujours décalé ? La metteuse en scène est accompagnée dans cette aventure par Martha Romero  qui a conçu les masques, et par la sculptrice Anne Bothuon, qui joue avec des  matières troublantes: ouate, tissu et peinture.                        
 À l’origine, il y a le façonnement des volumes d’ouate, bridés et noués, comprimés et faits de fils et  cordelettes, puis recouverts ensuite d’une étoffe blanc gris. Un travail patient. Les marionnettes se  révèlent être des hommes et des femmes, conçus et construits de toutes pièces et mécanisées, à taille humaine, répliques vertigineuses des comédiens, manipulateurs à leur tour, et beaux interprètes qui, avec leur effigie respective, jouent aussi leur propre rôle.
Ces corps de chiffon forment la matière privilégiée de la sculptrice couturière, une cérémonie en mouvement, une parade de vivants et de morts, de morts-vivants Pour le Théâtre de La Licorne, la mise en scène du roman de Carole Martinez, Le Cœur cousu, tombe à point  nommé : points de broderie et points de fil d’or.
 Le titre éponyme tisse la matière romanesque de la scène aux sens propre et figuré, filant la métaphore de la couture féminine: ciseaux, aiguilles et fils de couleur,  avec une prédilection pour le rouge: passion, émotion, douleur, fruits et naissances, feu de la vie animée qui circule toujours.
Au départ, tout était blanc et sec pourtant, brûlant sous le soleil du Sud de l’Espagne où rien ne pousse, si ce n’est la dureté et la rigidité d’une pensée étroite qui s’en tient aux préjugés et menaces d’une religion catholique omnipotente. Les brancards des pardons pour les processions de la semaine sainte, par exemple, sont significatifs: à la fois magnifiques, ils sont ciselés et faits de métal ouvragés comme de la dentelle, avec des bougies dorées  mais terrifiantes, signes d’une violence déterminée et tyrannique.

   Les mères vêtues de noir et et à aux  mantilles sombres, sont des veuves à vie  frayant à jamais avec la mort, si elles avaient prétendu une fois à vivre, pourtant. Une seule résiste à l’oppression et au joug, Frasquita Carasco, une jeune fille vive, puis une  jeune mère spontanée aux doigts de fée, douée d’un art de coudre et de réparer les vivants à nul autre pareil, recousant, rattrapant les mailles, faufilant, surfilant, rapiéçant, reprisant, ourlant les âmes et les cœurs, donnant plus de sentiment à un tel, plus d’émotion à tel autre, grâce au dessin du geste et à la portée de la parole.
Une manière libre d’imposer une part non négligeable de l’humanité dans le paysage existentiel, à travers l’astuce, puisqu’il est plus ardu pour la femme, depuis la nuit des temps, de se faire entendre sur les scènes intimes, familiales et publiques du monde.
Le Théâtre de la Licorne réussit avec le beau travail choral d’Olivier Brabant, Nicolas Cornille, Gaëlle Fraysse, Gérald Izing, Florence Masure, Gwenaël Przydatek et Maxence Vandevelde, à faire surgir la dimension merveilleuse des contes…

Véronique Hotte

Spectacle vu le 20 septembre. Pour tout public dès 11 ans.

 

 

 

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