Élisabeth Bam
Élisabeth Bam, de Daniil Harms, mise en scène de Claude Merlin
Mais de quoi a-t-elle peur, cette charmante, vive, vulnérable et robuste Elisabeth ? Deux policiers frappent très fort à sa porte, mais elle ne va pas se laisser faire comme ça ! Bref, ils se disputent plus ou moins entre eux, font amis-amie avec la supposée délinquante qui n’a rien délinqué du tout (encore que ?). Arrivent des scènes de famille et un musicien qui passe… Tout cela va son train à la manière d’une Alice au pays des merveilles croisée avec les mondes de Franz Kafka et Alfred Jarry.
Daniil Harms (1905-1942) ne ressemble qu’à lui-même, très proche des enfants pour qui il a beaucoup écrit, très radical pour avoir, dans l’enthousiasme de la jeune révolution soviétique, traité à neuf le langage, sans autre référence que sa réalité propre. D’où des morceaux où l’inconscient croise le politique, où les comptines se terminent en lettrisme…
Dans ce monde-là, à égalité entre réel concret et réel imaginaire, Claude Merlin est à sa place. Pas de décor, puisqu’il n’y a pas d’argent pour cela, mais à quoi servirait un décor ? Tout se passe dans la déambulation d’acteurs sur le plateau, dans un espace un peu indéterminé, mouvant, au gré du cauchemar et du sourire ? Les comédiens âgés apportent à la pièce leur expérience désabusée et malicieuse, et la jeune interprète d’Elisabeth, une énergie digne du petit chaperon rouge.
Avec ses pastiches de «comédie réaliste» ou de «pathos lyrique» : on est déjà dans le théâtre de l’absurde. Le tout donne un spectacle rêveur, souriant et pessimiste, Cela donne surtout envie de lire, et de relire Daniil Harms, bien servi ici par le lunaire Claude Merlin.
Christine Friedel
La Parole errante, à Montreuil, jusqu’au 2 octobre. T : 01 48 70 00 76.