Retour à Berratham
Retour à Berratham, chorégraphie d’Angelin Preljocaj, texte de Laurent Mauvignier
Le chorégraphe fête ses trente ans de création, et, à cette occasion, a de nouveau collaboré avec Laurent Mauvignier, parce qu’il aime parfois associer un texte à sa danse. Installé au Pavillon noir d’Aix-en-Provence depuis 2006, avec ses vingt-quatre danseurs permanents, il passe, depuis plusieurs années d’un spectacle grand public un peu racoleur comme Les Nuits en 2013, à une création plus exigeante et très réussie avec Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier, en 2012.
Créé au dernier festival d’Avignon avec un accueil très réservé de la critique, le spectacle retravaillé intelligemment, a mûri. Berratham est un lieu imaginaire qui pourrait évoquer les Balkans. Un jeune homme vient y rechercher sa fiancée, et la brutalité des rapports humains s’exprime sous toutes ses formes : viol, meurtre, mariage forcé. Une réalité d’aujourd’hui dans certaines contrées proches de chez nous…
Le texte de Laurent Mauvigner traduit la violence des hommes dont la sauvagerie et l’impulsivité du corps sont ici traduits par Angelin Preljocaj par de fulgurants passages chorégraphiques. Il ne faut pas trop suivre le récit-un peu trop démonstratif- dit par trois comédiens, sous peine de s’y perdre. Il y manque en effet une réelle dramaturgie pour le mettre en valeur. Mieux vaut se laisser aller à la beauté de séquences dansées qui transcendent les corps des interprètes et créent des images fortes. Nous nous rappellerons en particulier du mariage où la nudité douloureuse de l’héroïne est magnifiée, et de la nuit de noces.
L’esthétique des danses contraste avec l’aire de jeu : Adel Abdessemed a recréé un terrain vague avec une carcasse de voiture brûlée et des sacs-poubelle. En fond de scène, derrière les grilles délimitant l’espace, il y a une grande étoile.
Les danseurs sont remarquables et leurs mouvements, tendres ou sauvages, emportent notre enthousiasme, malgré un texte redondant. Mais il faut voir ce spectacle malgré ces qualités paradoxales…
Jean Couturier
Théâtre National de Chaillot, Paris (XVI ème) jusqu’au 23 octobre.