Moins deux
Moins deux , texte et mise en scène de Samuel Benchetrit
Jean-Louis Trintignant et Roger Dumas avaient joué cette petite pièce il y a une dizaine d’années. Deux hommes, plus jeunes du tout, qu’incarnent cette fois Guy Bedos et Philippe Magnan, sont allongés sur leur lit avec un goutte-à-goutte, dans la même chambre d’un service de réanimation, comme un grand panneau lumineux nous l’indique au cas où on n’aurait pas compris.
Paul Blanchot et Jules Tourtin, d’abord un peu agressifs entre eux, en viennent à se faire leurs confidences. Même si, dans ce genre de service, les pauvres patients sont dans l’incapacité de parler et où on n’entend guère que les pas feutrés des infirmières et les bips des machines qui transmettent encore la vie…Passons!
Paul a eu autrefois une fille qu’il n’a jamais vue, parce que sa mère enceinte est partie sans laisser d’adresse avant d’accoucher; quant à Jules, il a deux enfants qui ne viennent pas le voir ici, car il est impensable qu’ils ratent l’étape du tour de France à la télé… Ambiance…
Un médecin vient les voir, et leur annonce haut et fort, et à tous les deux ensemble, au mépris de toute déontologie, que leurs petites maladies sont en fait de graves cancers, et que leur durée de vie ne va, pour Paul, pas au-delà d’une semaine et pour Jules, de quinze jours. Ce qui n’a pas l’air de les troubler plus que cela…
Ils décident alors, n’ayant plus rien à perdre, de quitter ensemble l’hôpital en pyjama bleu rayé presque identiques, et d’aller se promener. Au fait, qui pourra un jour nous expliquer pourquoi les pyjamas pour homme sont toujours rayés! Jules emmène même avec lui son goutte-à-goutte sur roulettes. On voit tout de suite que nous somme en pleine vraisemblance!
Les deux vieux amochés vont en rencontrer d’autres, comme cette jeune femme enceinte qui cherche un hôpital pour accoucher et qui les supplie d’aller trouver son compagnon qui l’abandonnée, et de le persuader de la rejoindre.. Puis leur petite promenade les mène au bord d’un canal où un homme désespéré a voulu en finir en se jetant à l’eau…
Revenus à l’hôpital, Jules veut à tout prix retrouver la fille de Paul!!! Et, miracle des miracles, le service de renseignements, qu’il appelle depuis une cabine publique, retrouve le numéro de cette Lou! Si, si c’est vrai. On lui répond qu’elle est au théâtre. Intrigués ils se rendent sur la scène du dit théâtre, et la voient, jouant Sonia dans la fameuse et dernière scène d’Oncle Vania de Tchekhov. Paul se présente alors et lui révèle qu’il est son père…
La jeune comédienne est évidemment très émue par cette rencontre inimaginable. Mais la représentation continue tout de même, si, si c’est vrai!!! et cela tombe bien, c’est aussi la fin de la pièce de Tchekhov: » Nous verrons tout le mal terrestre, toutes nos souffrances noyées dans la miséricorde qui va emplir l’univers tout entier et la vie deviendra douce, tendre, bonne, comme une caresse. tu n’as pas connu de joie dans ta vie mais patiente un peu, patiente… nous nous reposerons. »
Samuel Benchetrit, on le voit, ne fait pas dans la dentelle et nous propose une sorte de conte, après tout pourquoi pas? mais le dit conte manque singulièrement de poésie; il est évidemment impossible de croire à un tel tissu d’invraisemblances, alors que le scénario se veut des plus réalistes… Cherchez l’erreur!
Et, comme la direction d’acteurs et la mise en scène sont aussi en réanimation, on s’ennuie vite. Comme semble s’ennuyer Guy Bedos qu’on entend à peine au début, et qui ne fait pas preuve d’une énergie débordante: il semble s’être trompé de spectacle, comme s’il regrettait de s’être embarqué dans l’aventure.
On l’a vu, il y a peu, plus virulent quand il parlait de son procès -finalement gagné-contre Nadine Morano qu’il avait, sur scène, traité de conne. Philippe Magnan, lui, s’en sort mieux et semble avoir plus d’énergie pour défendre quand même cette piécette, dont les dialogues faiblards, sont comme écrits, vite fait, sur un coin de table. Il y a peut-être juste un petit moment d’émotion, c’est vrai, quand Paul retrouve sa Lou. Manuel Durand et Audrey Looten, dans les autres rôles, font le boulot et s’en sortent.
Les raisons de vous envoyer voir ce chef-d’œuvre qui a heureusement le mérite d’être court (70minutes)? On ne voit pas bien, d’autant que les places ne sont pas données: de 17 à 48€ (sic) et de 15 à 38€ jusqu’au 11 octobre. (On ne voudrait pas être radin mais cela fait quand même cher de la minute!).
Et le public dans tout cela? Plutôt âgé et pas très nombreux, il a applaudi mollement… On le comprend.
Philippe du Vignal
Théâtre Hébertot 78 bis Boulevard des Batignolles 75017 Paris : 01 43 87 23 23