Catherine et Christian (fin de partie)
Catherine et Christian (fin de partie), création collective, mise en scène de Julie Deliquet
La nouvelle création du collectif In Vitro, est un épilogue qui complète sa trilogie qui va des années 1970 jusqu’aux années 1990, Derniers Remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce , La Noce de Bertolt Brecht et Nous sommes seuls maintenant, montée il y a deux ans. Avec ce quatrième volet, Julie Deliquet préfère l’idée d’ouverture d’une nouvelle ère, à celle de clôture de la précédente.
Parents nés autour de 1950, Catherine Eckerlé et Christian Drillaud qui apparaissent en vidéo au début du spectacle, parlent avec sincérité, humour et gaieté, de leur mort respective… entrevue lointainement.
Lors des répétitions, ils ont été présents physiquement présents sur le plateau.
Mais on ne les verra pas ces personnages dans In Vivo, puisqu’ils sont décédés, l’un ou l’autre, en alternance. Quand l’image vidéo des parents vivants disparaît, advient alors brutalement le présent immédiat, et le deuil silencieux. Sont seulement là leurs quatre garçons et leurs compagnes, suivi d’un trio de filles, accompagnées de leur conjoint respectif et de leurs beaux-frères, des quarantenaires, personnages filiaux inventés mais bien de leur temps, que le spectateur observe à vue.
Les scènes s’échangent d’une fratrie à l’autre, comme les acteurs qui passent d’un rôle à l’autre -, dans des transitions fluides et subtiles, à travers un personnage extérieur à la famille. La serveuse légère de restaurant devient, sans qu’on s’y attende, la plus jeune des trois sœurs, une actrice sensible. Une petite amie de passage du benjamin des quatre frères se métamorphose malgré elle en témoin privilégié d’une scène conflictuelle pleine de violence verbale, ou bien encore la compagne du fils resté au pays qui se fait, plus tard, l’aide à domicile de la mère malade.
Dans la salle d’un restaurant de province, le public est convié à une réunion familiale après des obsèques. Ces instants fragiles et de qualité se voudraient apaisants mais voguent entre douleur et douceur des retrouvailles, et les souvenirs amers de mal-être de l’aîné ou du benjamin. Sur fond de jalousies mais aussi de convivialité et de partage heureux d’une enfance éternelle. Spontanéité, calcul du comportement social: on retrouve ici le film de Patrice Chéreau, Ceux qui m’aiment prendront le train (1998), Remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce et d’autres textes du même auteur, ou encore bien sûr, Les trois Sœurs d’Anton Tchekhov. L’univers décrit, universel et atemporel, est celui des relations fraternelles et sororales, issues d’un rapport obligé au père et à la mère. La même émotion, forte et vivante, est perceptible dans chacun des personnages, aux sentiments à la fois chers et cruels.
Fils et filles, compagnes et compagnons, parfois extérieurs aux crises vécues, membres nouveaux de familles recomposées: tous tentent d’assumer le jeu d’un passage accompli vers la maturité, dans la mise à distance nécessaire de leurs origines, qui rivaient définitivement leur barque rêveuse, au seul quai parental. Un spectacle collectif débordant de vie et d’humilité, parmi les tables nappées de blanc du restaurant, et une desserte aux nombreux verres à pied et bouteilles de vin…
Véronique Hotte
Ce que l’on a aimé dans ce spectacle, c’est le début. Mais la suite nous laissé sur notre faim: on ne s’ennuie pas vraiment mais un peu quand même… Malgré la présence des bons acteurs que l’on avait déjà vus chez Julie Deliquet. Tout est clair et savoureux, mais après, c’est aussi un peu comme dans le film de Patrice Chéreau, il faut s’accrocher sérieusement pour savoir qui est qui, et désolé, et le temps ne passe pas bien vite….
Très franchement ce qui se raconte sur le plateau n’est pas très passionnant, (on nous rétorquera sans doute que chez Tchekhov, non plus mais il y a dans Les trois Sœurs comme dans ses autres pièces, tout un sous-texte génial qui, ici, fait cruellement défaut, sauf à de trop rares occasions, et quand on commence à s’y retrouver dans tous ces personnages qui se ressemblent, hop! il faut passer à la séquence suivante.
Alors on regarde mais sans grande envie… Malgré la belle scénographie de Charlotte Maurel et une direction d’acteurs solide. Mais cette dramaturgie, aussi brouillonne que prétentieuse, fout tout en l’air… Dommage!
En fait, tout se passe ici comme si Julie Deliquet avait voulu s’amuser à brouiller les pistes.Et il serait sans doute grand temps que la jeune metteuse en scène abandonne le thème des réunions de famille qui devient la tarte à la crème du jeune théâtre contemporain, aussi bien que cette méthode d’impros préalables à la construction de ses spectacles et qu’elle passe enfin à autre chose…
A suivre mais pour Catherine et Christian, le compte n’y est pas tout à fait!
Philippe du Vignal
Théâtre Gérard Philipe/Festival d’automne à Paris, jusqu’au 16 octobre. www.theatregerardphilipe.com T: 01 53 45 17 17
Théâtre Romain Rolland de Villejuif, du 3 au 7 novembre. La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée, les 21 et 22 novembre. Théâtre Paul Eluard de Choisy-le-Roi, scène conventionnée, le 27 novembre.