C’est la vie

C’est la vie  de Peter Turrini, traduction de Silvia Berutti-Ronelt et Jean-Claude Berutti, mise en scène de Claude Brozzoni

 

c_est_la_vie-filage_602_Peter Turrini, figure majeure de la dramaturgie autrichienne, a, dans les années soixante-dix, bousculé les lignes de la scène germanophone. La Chasse aux rats suscita, en 1967, un grand scandale à Vienne et à Munich, ainsi que Tuer le cochon en 1971. Il découvre sa vocation d’écrivain dès son plus jeune âge, comme il nous en fait la confidence dans C’est la vie, texte écrit pour la compagnie Brozzoni, qui a monté en France cinq de ses pièces.
Peter Turrini a imaginé un monologue sous forme de revue, où se mêleraient récits, confidences, poèmes, chants. Dans cet esprit, la scénographie propose un dispositif de cabaret expressionniste, avec petites lumières clignotantes, projecteurs sur pied, et micros vintage.
« Quand on vient au monde, on ne sait pas si l’on sera heureux ou malheureux », ainsi commence C’est la vie. En effet, l’existence de l’écrivain se partage entre bonheur et tristesse : «L’enfance est un royaume affreux, les mains qui te caressent, te frappent, la bouche qui te console, t’engueule, les oreilles qui t’écoutent, comprennent tout de travers… » Le gamin, trop gros, trop bon élève, trop curieux, est la risée de ses congénères, les petits paysans de Carinthie ; adolescent il a du mal avec les filles ; plus tard, après bien des pérégrinations, il sera un artiste sans le sou mais, toujours, il trouvera son salut dans la lecture, et surtout dans l’écriture où il «s’invente en souriant ».
L’Autriche rurale de l’immédiat après-guerre, qui accueille Peter Turrini le vingt-six  septembre 1944 offre un bien sinistre visage ; enfant, il sera témoin de drames de la dénazification, sans bien en comprendre les causes. Et une ambiance délétère règnera encore dans le pays pendant de nombreuses années. Plus tard, il deviendra un artiste «  engagé ». Pendant toutes ces années, son imagination et la poésie lui fourniront des échappatoires.
Il fallait une comédien de la stature de Jean-Quentin Châtelain pour créer et prendre en charge cette autobiographie théâtrale, écrite comme un oratorio. Le comédien s’approprie totalement le texte et le décline dans toutes ses nuances : conteur naïf, il sait se faire ironique, et peut se montrer fort en gueule, vitupérer, aussi bien que faire preuve de douceur. Il use de retenue dans le lyrisme, et évite la grossièreté dans les propos plus truculents.
Claude Gomez et Grégory Dargent qui ont aussi composé la musique, donnent le tempo sur leur guitares électriques, synthétiseurs monophoniques et analogiques, et accordéon. Ils mêlent leurs voix à celle du comédien, quand la boîte à rythme cède le pas à de jolies ritournelles répétitives.

Ce petit cabaret des mots pourrait se passer de certaines images vidéo projetées sur une toile enchâssée à cour, car elles sont redondantes. Le texte se suffit à lui-même, surtout aussi bien servi par Jean-Quentin Châtelain et les musiciens.

 Mireille Davidovici

Bonlieu/Scène nationale d’ Annecy  T. 04 50 33 44 11 jusqu’au 15 octobre.
Le 16 octobre, Théâtre de Bourg-en-Bresse; du 28 au 30 octobre, à L’Ancre de Charleroi. Le 13 novembre, au Piano’cktail à Bouguenais ; du 17 novembre au 13 décembre, Théâtre du Rond-Point, Paris ; le 19 janvier, Maison des Arts, Thonon-Evian ; le 26 janvier,Théâtre du Briançonnais, Briançon. Et du 2 au 13 février, Théâtre Saint-Gervais à Genève.

 

 

Le texte est publié chez Actes Sud-Papiers


Archive pour 8 octobre, 2015

Intrigue et amour

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Intrigue et amour, de Friedrich Schiller, mise en scène d’Yves Beaunesne

 

C’est une bonne idée de monter aujourd’hui cette pièce qui révolutionna l’Allemagne, juste avant la Révolution Française de 1789, et ce spectacle avait été créé au Théâtre du Peuple de Bussang en juillet dernier.
Intrigue et amour oppose
violemment  un peuple intègre et soumis à des puissants corrompus et pervers, et de l’autre, une jeunesse intègre, exigeante, soumise elle à des parents dominateurs, pour le bien ou pour le mal.
 Il est évidemment tentant de voir dans le jeune Schiller (il a vingt-quatre ans, quand il écrit Kabale und Liebe) un prophète de la situation actuelle, avec ces «baby boomers» qui ne veulent rien lâcher, face à une jeunesse précarisée. Là s’arrête la comparaison, car les révoltes sont tout autres.
L
a pure et innocente Louise, fille d’un modeste musicien, tombe amoureuse de Ferdinand, et réciproquement. Tout irait bien, si celui-ci n’était le fils du Président von Walter, lui-même séide d’un Prince qu’on ne verra jamais. Leur mariage est donc hors de question.
 D’où le piège, l’intrigue où est enfermée Louise, le chantage exercé sur elle par l’intermédiaire de son père adoré, emprisonné pour crime de lèse-majesté, nous dirions maintenant pour délit d’opinion. Face à la perversité des dominants et d’un Iago germanique, et face aux contradictions d’une Milady moins méchante que celle d’ Alexandre Dumas mais très racinienne (plutôt tuer celui qu’on aime que de le laisser à une autre), l’amour ne pourra triompher que dans l’apothéose de la mort. Dans la tragédie, ce sont les pères qui tuent leurs enfants, plus ou moins indirectement…
Il y avait donc là de quoi faire. Malheureusement, Yves Beaunesne s’est trompé de chemin. Aujourd’hui nous ne marchons plus qu’à la dérision ! Et il a donc grossi le trait, appuyé la caricature, enfermé les comédiens dans une distance qui n’est plus de la distance, mais un geste de connivence.  Du genre : plus on appuie sur le rire, plus c’est gros, plus ça passe. Eh bien, non, cela ne passe pas..malgré quelques instants de bon rire de sympathie, avec la salutaire insolence du vieux musicien, par exemple.

Certes, Yves Beaunesne a le mérite de rendre lisible cette intrigue tordue (dont on vous fait grâce), malgré une scénographie volontairement brouillonne. Ces bouts de rideau qui pendent, ces échelles qu’on monte et qu’on descend arbitrairement, ces châssis qui tombent (sans danger) à côté des comédiens, ça nous raconte quoi ? Que le théâtre est mort ?
 Certes, Ferdinand (Thomas Condemine) a un bel instant politique quand son père lui reproche de souiller, par amour pour une petite-bourgeoise, l’épée qu’il a reçue du Prince : « Non pas du Prince, mais de l’État par sa main ». Il y a aussi de jolis et modestes moments de musique donnés en direct par les comédiens. Mais les éclaircies sont brèves. Intrigue et amour est une pièce satirique : on peut en juger par les noms donnés aux traîtres ou aux fantoches comme wurm  (ver) et kalb (veau), mais la satire demande la force de la conviction.
Un indice : souvent, on n‘entend pas les acteurs ; même la voix de Jean-Claude Drouot (le Président), qui pourtant joue au premier degré (il a raison !) pour pouvoir passer au second, se perd quelquefois dans l’indécision.

Voilà, c’est beaucoup de travail pour une occasion manquée.

 Christine Friedel

 Théâtre 71 à Malakoff. T: 01 55 48 91 00, jusqu’au 16 octobre.

 

 

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