Intrigue et amour

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Intrigue et amour, de Friedrich Schiller, mise en scène d’Yves Beaunesne

 

C’est une bonne idée de monter aujourd’hui cette pièce qui révolutionna l’Allemagne, juste avant la Révolution Française de 1789, et ce spectacle avait été créé au Théâtre du Peuple de Bussang en juillet dernier.
Intrigue et amour oppose
violemment  un peuple intègre et soumis à des puissants corrompus et pervers, et de l’autre, une jeunesse intègre, exigeante, soumise elle à des parents dominateurs, pour le bien ou pour le mal.
 Il est évidemment tentant de voir dans le jeune Schiller (il a vingt-quatre ans, quand il écrit Kabale und Liebe) un prophète de la situation actuelle, avec ces «baby boomers» qui ne veulent rien lâcher, face à une jeunesse précarisée. Là s’arrête la comparaison, car les révoltes sont tout autres.
L
a pure et innocente Louise, fille d’un modeste musicien, tombe amoureuse de Ferdinand, et réciproquement. Tout irait bien, si celui-ci n’était le fils du Président von Walter, lui-même séide d’un Prince qu’on ne verra jamais. Leur mariage est donc hors de question.
 D’où le piège, l’intrigue où est enfermée Louise, le chantage exercé sur elle par l’intermédiaire de son père adoré, emprisonné pour crime de lèse-majesté, nous dirions maintenant pour délit d’opinion. Face à la perversité des dominants et d’un Iago germanique, et face aux contradictions d’une Milady moins méchante que celle d’ Alexandre Dumas mais très racinienne (plutôt tuer celui qu’on aime que de le laisser à une autre), l’amour ne pourra triompher que dans l’apothéose de la mort. Dans la tragédie, ce sont les pères qui tuent leurs enfants, plus ou moins indirectement…
Il y avait donc là de quoi faire. Malheureusement, Yves Beaunesne s’est trompé de chemin. Aujourd’hui nous ne marchons plus qu’à la dérision ! Et il a donc grossi le trait, appuyé la caricature, enfermé les comédiens dans une distance qui n’est plus de la distance, mais un geste de connivence.  Du genre : plus on appuie sur le rire, plus c’est gros, plus ça passe. Eh bien, non, cela ne passe pas..malgré quelques instants de bon rire de sympathie, avec la salutaire insolence du vieux musicien, par exemple.

Certes, Yves Beaunesne a le mérite de rendre lisible cette intrigue tordue (dont on vous fait grâce), malgré une scénographie volontairement brouillonne. Ces bouts de rideau qui pendent, ces échelles qu’on monte et qu’on descend arbitrairement, ces châssis qui tombent (sans danger) à côté des comédiens, ça nous raconte quoi ? Que le théâtre est mort ?
 Certes, Ferdinand (Thomas Condemine) a un bel instant politique quand son père lui reproche de souiller, par amour pour une petite-bourgeoise, l’épée qu’il a reçue du Prince : « Non pas du Prince, mais de l’État par sa main ». Il y a aussi de jolis et modestes moments de musique donnés en direct par les comédiens. Mais les éclaircies sont brèves. Intrigue et amour est une pièce satirique : on peut en juger par les noms donnés aux traîtres ou aux fantoches comme wurm  (ver) et kalb (veau), mais la satire demande la force de la conviction.
Un indice : souvent, on n‘entend pas les acteurs ; même la voix de Jean-Claude Drouot (le Président), qui pourtant joue au premier degré (il a raison !) pour pouvoir passer au second, se perd quelquefois dans l’indécision.

Voilà, c’est beaucoup de travail pour une occasion manquée.

 Christine Friedel

 Théâtre 71 à Malakoff. T: 01 55 48 91 00, jusqu’au 16 octobre.

 

 

 

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