Nord de Virginie Barreteau

Festival Novart à Bordeaux

Nord, texte et mise en scène de Virginie Barreteau

  Le spectacle est le deuxième volet du diptyque Nordique(s), avec Ö, premier volet, projet suédois, la dernière pièce de Daniel Blanchard mise en musique par Olivier Galinou. Cela se passe dans le Nord de l’Europe au brouillard  et au gel permanents en hiver où habite une famille très pauvre de pêcheurs qui habite près d’une petite ville, éloignée de tout sinon d’une boutique qui vend l’essentiel pour se nourrir… à condition d’avoir de l’argent.
 La mère Toren, assise sur un tonneau en plastique décarcasse des morceaux de viande pendant toute la pièce; le père alcoolique, Anck. vient par moments lui réclamer de l’argent pour acheter une bouteille,  Yön leur fils,  lui en réclame aussi sans arrêt pour s’offrir une casquette.  La mère, bien entendu, refuse catégoriquement et leur dit d’aller relever les filets. Elle évoque aussi souvent la chasse aux outardes, sorte d’échassiers, qui doit leur permettre d’améliorer leur pauvre ordinaire, quand ils arrivent à les vendre.
Rina la fille, se laisse caresser par Torp, le patron de la boutique qui lui offrira la dite casquette à la grande fureur de son frère. Quant à Sils, l’autre fille, mariée à Torp, on l’apercevra seulement à la fin comme un fantôme dans une lumière des plus crépusculaires: elle est partie on ne sait où; on l’a cherché partout mais on n’a retrouvé d’elle que quelques vêtements dans l’eau…
  Sur scène, juste deux châssis blancs en angle sur un sol également blanc et une faible lumière pour cette plongée dans un univers où règne l’isolement, la misère, l’ennui et la violence y compris et surtout entre proches parents. Le seul rempart étant encore la mère, seule capable de faire preuve de l’autorité suffisante pour remettre d’équerre son mari et ses enfants.
 “Les états de la matière, l’eau, la glace et la fonte font écho aux états de mort et de naissance, dit Virginie Barreteau. La forme fond se dématérialise, faisant lien avec la dissolution de Sils. Il s’agit d’incarnation et de désincarnation, comme le rappelle constamment cette carcasse que la mère dépiaute par terre.” On veut bien mais passées les dix premières minutes, on ne voit pas bien où l’on va…
La faute à quoi? D’abord à un texte où on a le plus grand mal à entrer et dont les personnages ne sont guère passionnants: oui, “la parole est brute” sans doute mais le rythme n’est pas soutenu, comme le prétend un peu vite la note d’intention.
Pour notre confrère  et ami Jean-Pierre Han qui a vu les précédentes pièces de Virginie Barreteau, jeune auteure et comédienne bordelaise, elles sont dotées selon lui “d’une écriture singulière en cours d’évolution”.
  Peut-être mais, ici du moins, à part quelques légers frémissements, Nord distille un terrible ennui pendant 80 minutes, même si on sent par moments dans cette pièce une lointaine parenté avec l’écrivain norvégien Jon Fosse qui possède aussi une écriture  minimale et répétitive, mais qui est, elle, d’une redoutable efficacité.
 Sans doute la mise en scène, beaucoup trop statique, n’arrange pas les choses. Et on se demande bien pourquoi  Virginie Barreteau éclaire-t-elle si peu le plateau, en particulier pendant l’interminable monologue de Sils? Si c’est pour traduire, l’obscurité des jours d’hiver nordiques, c’est réussi!  Mais elle oublie que l’on est au théâtre et que ce genre de traduction scénique un peu trop facile est voué à un échec évident.
   Côté distribution, seule Flore Taguiev  (Toren la mère) réussit à s’imposer vraiment mais on entend très mal Lola Felouzis qui joue Rina et Sils, et dont la diction est aux abonnés absents. Ce qui est vraiment ennuyeux, quand un monologue dure une dizaine de minutes… Par quel mystère, ce spectacle fait-il partie de la programmation de Novart qui est quand même, et heureusement, d’un autre niveau?.

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué du 6 au 9 octobre au Glob Théâtre à Bordeaux. T: 05 56 69 85 13.

 

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