Testiculations de Geoffrey Paul Gordon

Testiculations de Geoffrey Paul Gordon, traduction de Stéphane Valensi et Iann Fénelon, mis en voix de Paul Spera


Geoffrey Paul Gordon, dramaturge, interprète, réalisateur et enseignant dramaturge. Sa première pièce, Short Change a été un succès à off Broadway  et a été traduit en russe. L’écrivain y raconte la vie de Maury Lesser avec l’écriture de comédies, le mariage, la paternité et plus. Testiculations est née de l’expérience du dramaturge qui  a donné des cours dans un prison à haute sécurité pour hommes accusés ou soupçonnés de graves délits, en général des atteintes à la personne.

 Il y a ici comme un concentré de vie carcérale avec un surveillant noir, un très jeune enseignant fort de ses certitudes mais pas très rassuré quand le surveillant doit d’éloigner pour régler un problème, et deux jeunes, l’un noir et l’autre blanc, tous deux très peu motivés par l’apprentissage de quoi que ce soit, persuadés que cela est du fait de la classe dominante et que cela ne changera jamais rien à leur vie future. A la question : « C’était vraiment ce que vous racontez dans vos dialogues, ce degré de violence dans la prison où vous avez enseigné? Geoffrey Paul Gordon, présent à cette lecture, nous a répondu : «Non, malheureusement, c’était dix fois pire ! »
Testiculations a été donné en lecture par des ex ou actuels élèves du Conservatoire national. Cela se passe dans une taule américaine où tout est là pour une montée inexorable de la violence. Il y a en effet une incompréhension totale entre ce sur quoi le jeune professeur de philosophie  voudrait faire réfléchir et l’absence totale de motivation chez ses deux élèves qui ont de la société une image radicalement négative.
Alors à quoi bon apprendre quand n’existe aucune possibilité réelle d’intégration, quand ils sortiront un jour de cette prison de haute sécurité, après des années  de lente destruction psychologique! Bref,c’est mission impossible pour n’importe quel enseignant, même le plus habile, même le plus généreux. Se croyant en danger,  le jeune enseignant lancera un dictionnaire à la tête du jeune noir qui mourra de ses blessures. Mais l’autre jeune détenu blanc le défendra….
Pas de prêchi-prêcha chez l’auteur mais une courte tranche de vie, nette et précise.  Comme l’auteur nous l’a rappelé, il y a plus de  deux millions trois cent mille personnes qui sont emprisonnées aux Etats-Unis soit environ 1% de la population adulte de 230 millions de personnes,  soit un adulte blanc sur 106, un Hispanique sur 36 et un Noir de 20 à 34 ans  sur neuf !  Chez les femmes, une  noire sur 100 et une Hipanique sur 297, contre une  blanche sur 355 !
Cette mise en voix est juste, sans éclats de voix,  très bien dirigée par Paul Spera, et remarquablement interprétée par James Borniche, Sélim Zahtrani, Frédéric Konogom et Paul Spéra; Yumi Fujimori, elle, dit les didascalies.

 Et il n’y a pas loin, ce qui est rare, de cette lecture, sobre mais très efficace à une possible mise en scène de la pièce qui bénéficie d’une bonne traduction. On le signale aux directeurs de salle, programmateurs…  


Philippe du Vignal

La pièce a été montée par la New Media Repertory Company à New York et a été lue pour la première fois en France le 5 octobre au 37 rue des Trois-Bornes à Paris. 

 

 


Archive pour 14 octobre, 2015

Orphée aux enfers

Orphée aux enfers, conception, scénographie et mise en scène de Pierre Blaise, musique de Jean-Pierre Arnaud/ Ensemble Carpe Diem

f-ebf-5416f520ba6f2Pierre Blaise, qui vient de reprendre le Théâtre aux Mains nues, à la suite d’Éloi Recoing, nommé à la direction de l’École Internationale de Marionnettes de Charleville-Mézières, présente une nouvelle étape  de ce spectacle,  toujours en cours d’élaboration.
  Un premier travail avec marionnettes et musique, en collaboration avec l’ensemble Carpe Diem, avait été entrepris dès 2012 au cours d’un stage avec une dizaine de jeunes professionnels de l’Atelier Arketal de Cannes. Pour ces premiers essais, la compagnie avait utilisé une série de marionnettes neutres à gaine. Et, en 2013, l’Ensemble Carpe Diem avait permis une confrontation des sources musicales possibles pour cet opéra.
« Orphée nous redit le mythe grec de celui qui est descendu jusque dans les enfers pour retrouver son amour perdu : Eurydice. La musique d’Orphée, dit le metteur en scène, berce et endort Charon l’épouvantable passeur des âmes. Il profite de son sommeil pour lui voler sa barque et… c’est une des plus belles histoires de l’humanité. La musique, l’amour, la mort, l’espoir… Les marionnettes, figures animées, sont de la matière magique. Elles portent en elles et colportent les contes et les grands mythes depuis la nuit des temps. »
Dans la petite salle du Théâtre aux Mains Nues, un public d’une cinquantaine d’enfants. Devant un castelet bariolé, un clarinettiste lance les premières notes, esquisse la terrible histoire de la perte d’Eurydice piquée par un serpent, et la quête d’Orphée pour la retrouver dans les enfers. Mais il va la perdre car il s’est retourné pour la voir… Les marionnettes ont une tête figurée par un simple cercle jaune, mais elles vivent sur des trapèzes  se déployant dans l’espace, grâce à la musique de Jean-Pierre Arnaud  et à la parole des manipulateurs.
C’est un spectacle très prometteur mais encore en devenir.

Edith Rappoport

Le spectacle a été présenté au Théâtre aux Mains Nues, Paris,  du 9 au 11 octobre.

Quoi, mise en scène de Marc Vittecoq et du collectif La vie brève

Quoi, mise en scène de Marc Vittecoq et du collectif La Vie brève: Margot Alexandre, Jean-Baptiste Azéma, Caroline Darchen, Raphaël Defour, Nans Laborde-Jourdàa, Tamaï Torlasco

 

quoi-hd01marc-vittecoqAssis sur l’un des premiers rangs du public installé sur un plateau tri-frontal, un homme jeune en débardeur, se lève, muscles apparents et bras levés, et lance sa belle amertume contre la dureté du monde. Pendant Quoi (rien à voir avec la pièce de Samuel Beckett), on comprend que celui qui vient de s’exprimer si violemment, en sortant et en claquant la porte, est l’éboueur désigné dans le texte de présentation. Au milieu des spectateurs, les autres comédiens se lèvent, discrètement comme dans un cours de théâtre  pour aller faire son impro,.
Une professeure des écoles s’attendrit sur la spontanéité de sa classe mais s’émeut quand certains jeunes élèves s’inventent des auto-agressions pour se distraire, tandis que le partenaire de la dame l’écoute en s’étonnant plus ou moins.  Une comédienne raconte à une amie, après avoir joué avec elle une scène mouvementée de meurtres en série, ses week-ends comme coach professionnel pour des jeux de rôles et fictions d’un jour ou deux pour cadres. Mais tout cela a l’allure de comédie charmante un peu mièvre.
Noyau du spectacle, le récit sur l’histoire d’un père et patron en train de mourir; la succession de l’entreprise revient au fils aîné, à moins que l’on ne tienne compte des dernières paroles du père accordant sa préférence au cadet, selon les dires non vérifiables de ce dernier à son grand frère.
Il est aussi question encore de relations entre patron et employés, et de menaces de licenciement pour quatre-vingts d’entre eux ; le futur ex-salarié signifie sa différence d’avec le directeur, en lui rappelant que, s’il peut lui arriver, à lui, l’employé, de venir tailler la haie de son jardin, l’inverse reste improbable: jamais le patron ne taillera sa haie. Sur la sellette donc: précarité du travail et argent dont on a besoin pour vivre, relations socio-économiques de pouvoir et d’exploitation, mais aussi, et heureusement, amour et sentiments.
Les acteurs jouent à merveille les rencontres hasardeuses, la tendresse qui peut circuler et se déployer, de l’un à l’autre, devant les toiles d’un musée. Hésitations diverses et réciproques, naissance ineffable du trouble et impossibilité à le contrôler, peur de perdre son identité et son quant-à-soi, difficulté de s’inscrire dans l’existence, font le miel du jeu subtil des interprètes.
Le collectif La Vie Brève est talentueux quand il fait surgir aux yeux du monde les mouvements intérieurs et éternels qui bouleversent les jeunes êtres en herbe.
Mais le spectacle est un peu trop léger, en dépit du travail fourni, et tourne en rond comme un miroir que les acteurs se tendraient à eux-mêmes et entre eux, sans jamais s’extraire de la protection de leur cocon initial.
Ce collectif, sincère et efficace, prendrait de la graine et aurait plus confiance en lui, s’il se confrontait pour écrire, à une matière plus solide.

 Véronique Hotte

 Théâtre de la Cité Internationale, jusqu’au 24 octobre. T : 01 43 13 50 50.

Tsumori Chisato, un défilé de mode original

Tsumori Chisato, un défilé de mode original.

imageLa créatrice de mode japonaise a décidé, pour la présentation de sa nouvelle collection de prêt-à-porter, d’embarquer les spectateurs dans un voyage sous-marin, et a choisi un lieu symbolique : Elephantpaname, un centre d’art de 500 m2, près de l’Opéra Garnier, ouvert à des cours de danse, à des expositions temporaires et parfois à des spectacles.
Cet hôtel particulier, érigé sous Napoléon III et surmonté d’une voûte étoilée, est un espace rêvé pour accueillir la collection printemps-été 2016 présentée par les huit mannequins de Tsumori Chisato.
Une vidéo explicative nous montre un petit homme, en tenue de plongée, qui part à la recherche de la femme idéale à travers les méandres des motifs de tissus colorés. On le retrouvera aussi sur les premières robes du défilé. Les mannequins se succèdent sur de petits podiums, chacun éclairé par une douche de lumière, le reste de la salle étant plongé dans l’obscurité. Une musique originale de Mode-F nous emporte dans les abysses, avec, comme seul élément de vie joyeuse, les teintes vives et les dessins parfois naïfs des vêtements qui se suivent à un rythme harmonieux.
  C’est  une autre façon d’apprécier la beauté de ces créations de mode et les mannequins, pour une fois, ne passent pas rapidement, comme c’est souvent le cas dans les défilés traditionnels. Les paupières des jeunes femmes, couvertes de feuilles d’or, répondent aux étoiles de la coupole.
Tsumori Chisato n’a jamais travaillé pour la scène, et pourtant ses coupes et dessins pourraient aisément illustrer La Flûte enchantée ou les pièces fantastiques de Maurice Maeterlinck. «Quand je me regarde dans le miroir, dit-elle, je suis toujours surprise de ne pas voir une enfant.»  

 Le public est sorti heureux de ce calme voyage dans la beauté. Une façon décalée d’apprécier l’univers de la mode, empreint, d’habitude, d’une certaine hystérie.

Jean Couturier

www.elephantpaname.com  www.tsumorichisato.com      

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