Quoi, mise en scène de Marc Vittecoq et du collectif La vie brève
Quoi, mise en scène de Marc Vittecoq et du collectif La Vie brève: Margot Alexandre, Jean-Baptiste Azéma, Caroline Darchen, Raphaël Defour, Nans Laborde-Jourdàa, Tamaï Torlasco
Assis sur l’un des premiers rangs du public installé sur un plateau tri-frontal, un homme jeune en débardeur, se lève, muscles apparents et bras levés, et lance sa belle amertume contre la dureté du monde. Pendant Quoi (rien à voir avec la pièce de Samuel Beckett), on comprend que celui qui vient de s’exprimer si violemment, en sortant et en claquant la porte, est l’éboueur désigné dans le texte de présentation. Au milieu des spectateurs, les autres comédiens se lèvent, discrètement comme dans un cours de théâtre pour aller faire son impro,.
Une professeure des écoles s’attendrit sur la spontanéité de sa classe mais s’émeut quand certains jeunes élèves s’inventent des auto-agressions pour se distraire, tandis que le partenaire de la dame l’écoute en s’étonnant plus ou moins. Une comédienne raconte à une amie, après avoir joué avec elle une scène mouvementée de meurtres en série, ses week-ends comme coach professionnel pour des jeux de rôles et fictions d’un jour ou deux pour cadres. Mais tout cela a l’allure de comédie charmante un peu mièvre.
Noyau du spectacle, le récit sur l’histoire d’un père et patron en train de mourir; la succession de l’entreprise revient au fils aîné, à moins que l’on ne tienne compte des dernières paroles du père accordant sa préférence au cadet, selon les dires non vérifiables de ce dernier à son grand frère.
Il est aussi question encore de relations entre patron et employés, et de menaces de licenciement pour quatre-vingts d’entre eux ; le futur ex-salarié signifie sa différence d’avec le directeur, en lui rappelant que, s’il peut lui arriver, à lui, l’employé, de venir tailler la haie de son jardin, l’inverse reste improbable: jamais le patron ne taillera sa haie. Sur la sellette donc: précarité du travail et argent dont on a besoin pour vivre, relations socio-économiques de pouvoir et d’exploitation, mais aussi, et heureusement, amour et sentiments.
Les acteurs jouent à merveille les rencontres hasardeuses, la tendresse qui peut circuler et se déployer, de l’un à l’autre, devant les toiles d’un musée. Hésitations diverses et réciproques, naissance ineffable du trouble et impossibilité à le contrôler, peur de perdre son identité et son quant-à-soi, difficulté de s’inscrire dans l’existence, font le miel du jeu subtil des interprètes.
Le collectif La Vie Brève est talentueux quand il fait surgir aux yeux du monde les mouvements intérieurs et éternels qui bouleversent les jeunes êtres en herbe. Mais le spectacle est un peu trop léger, en dépit du travail fourni, et tourne en rond comme un miroir que les acteurs se tendraient à eux-mêmes et entre eux, sans jamais s’extraire de la protection de leur cocon initial.
Ce collectif, sincère et efficace, prendrait de la graine et aurait plus confiance en lui, s’il se confrontait pour écrire, à une matière plus solide.
Véronique Hotte
Théâtre de la Cité Internationale, jusqu’au 24 octobre. T : 01 43 13 50 50.