Junko Shimada, défilé de mode

Junko Shimada, défilé de mode.

IMG_5323Qualifiée de « la plus parisienne des Japonaises », cette créatrice, comme nombre de couturiers, cherche à faire sortir la présentation de mode de son carcan traditionnel. Installée à Paris en 1966, elle a ouvert  sa maison de couture en 1981, et sa première boutique en 1984.
 Pour elle, son métier reste un art artisanal, et elle le prouve avec ses modèles de prêt-à-porter, tant par leur fabrication que par leur présentation. Elle a montré, ce mois-ci, sa collection printemps-été 2016 sous forme d’un parcours-spectacle, proche de la performance ou  du happening.
  Des mannequins en chair et en os étaient installés, immobiles sur de petites plateformes tournantes… Seuls, le clignement des yeux, ou quelques mouvements pour se détendre, trahissaient la présence, sous les vêtements, de corps vivants.
 Bien que non dénudées comme  les sculptures  hyperréalistes de John de Andrea, ces mannequins ont créé un certain trouble parmi l’assistance. D’autant que trois d’entre elles étaient installées dans une vitrine de couleur jaune fluo. Le public, dans le petit espace traditionnel d’une boutique, était déconcerté par un tel dispositif : devait-il regarder la robe ou le mannequin ? Devait-il être un voyeur ou apprécier la qualité du travail de la créatrice ? Cette manière décalée de présenter une collection éprouve nos sensations. Les vêtements, de par leur motifs et leur couleurs, nous transportent dans l’atmosphère des stations balnéaires des années soixante/soixante-dix. Un voyage dans le temps, nostalgique, léger et bienfaiteur…
 Il faut souligner la qualité du travail de Junko Shimada. Loin des multi-nationales de la mode, elle continue à produire, dans son atelier de la rue Saint-Florentin, près de la place de la Concorde, des créations artisanales de a à z : de l’idée originale aux dessins de mode, (non réalisés à la palette graphique), puis à la fabrication  en atelier. C’est une collection faite à Paris, chose exceptionnelle aujourd’hui dans une économie totalement mondialisée ! Ce travail, comme celui d’autres designers japonais  plus connus,  comme Issey Miyake ou Yohji Yamamoto, montre l’étroite relation qui existe entre la scène et la mode. Tous deux  ont réalisé de nombreux costumes pour des chorégraphes, entre autres, William Forsythe ou Pina Bausch…

Jean Couturier

www.junkoshimada.com          

 


Archive pour 15 octobre, 2015

Salut(s) Michel

377-mcorvin_photo083Salut(s) Michel)

   L’Institut Méditerranéen des Métiers du Spectacle situé au 6/8 Rue François Simon à la Friche de la Belle de mai à Marseille, dont le chantier  avait commencé en mars 14, a ouvert ses portes comme prévu  en septembre dernier.
 L’IMMS  a été voulu comme  lieu de formation et d’émergence des métiers du spectacle et réunit l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes déjà implantée à la Belle de Mai, et l’Institut Supérieur des Techniques du Spectacle d’Avignon, pour développer un programme de formation initiale et continue en  arts et techniques du spectacle vivant. Il accueille un centre de formation des apprentis des métiers du spectacle, ainsi que la troisième année de l’ERAC, et constituera ainsi une passerelle entre formation et la professionnalisation.
  Le bâtiment, d’une superficie totale de 2 500 m² sur  cinq niveaux, abrite salles de cours, plateau numérique,  plateau de répétition, salle de conférences, ateliers, petits bureaux, et salle de spectacle avec gradins rétractables. Conçu par Patrick Bouchain, le lieu est fonctionnel et chaleureux à la fois, avec cafétéria à l’entrée pour les élèves, salles pour la plupart parquetées de beau chêne blond, aux grandes baies vitrées (avec, au besoin, un rideau opacifiant) donnant en partie sur une rue bordée d’immeubles.
  Le financement a été assuré par la Région et la ville de Marseille, et pour l’équipement technique par l’Etat. C’est un bel outil, dont Didier Abadie, directeur de l’ERAC, peut être légitimement fier, qui  a exigé dix ans de travaux préparatoires, recherches de financements et construction. Une seul regret: aucun panneau solaire ou photovoltaïque! On se demande bien pourquoi, surtout quand on sait que ce genre de bâtiment est gourmand en électricité, alors que la durée d’ensoleillement à Marseille est de plus de cinq cent heures par an.
  Michel Corvin, historien du théâtre et enseignant à l’ERAC, aura quand même, avant de mourir le mois dernier,  vu le bâtiment presque achevé, puisqu’il y a lu une fois du Claudel comme le rappelle une photo suspendue au-dessus de la scène où a lieu ce que l’on ne peut appeler un hommage mais  plutôt un geste d’amitié du directeur, des enseignants et techniciens, et des élèves  dont il était encore il y a peu leur professeur.
Avec des extraits de film où on le voit toujours brillant, comme celui où il commente avec précision et un certain humour parfois vachard, la pièce de Fabien Gaertner. Il y a eu aussi, par l’ensemble de la promotion 24, un florilège de citations de Michel Corvin, tout à fait exemplaires. Et cela faisait du bien d’entendre avec la foi  de leur jeunesse, ces jeunes apprentis comédiens les dire impeccablement mais avec parfois un peu d’émotion…
Alain Zaepfel a lu des extraits d’un livre à paraître, et Jean-Pierre Ryngaert et Frédéric Grosche, un des Diablogues de Roland Dubillard que Michel Corvin aimait beaucoup.
Il y avait aussi un extrait de film de la conférence qu’il avait donnée au festival de la Mousson d’été l’an passé.  Gérard Watkins auteur et metteur en scène,  a lu un texte de souvenirs très émouvants sur son voisin aux Lilas, tout près de Paris : “C’est bien cette reconnaissance là, non d’un professeur universitaire, mais d’un fou amoureux, d’un vigile incandescent, que tu suscitais en eux, et qu’à vingt ans, on sent ça, on sent quand il y a triche ou pas triche. Et que la triche, on vient d’en souper et qu’on en soupera et que la scène conjure le pas triche quoiqu’on en dise.
Comme par miracle, en face de chez moi, j’ai aussi découvert, par une belle journée pétante de soleil, que tu étais mon voisin, que tu bossais dans ton jardin avec une bêche, torse nu, et  ça m a tout de suite rassuré que j’étais bien à ma place dans cet endroit que j’avais baptisé avec prétention «the new place» parce qu’il y avait l’histoire du théâtre juste en face. Sa mémoire vive. Sous la forme d’un être. Et de livres par milliers.
Et je ne te remercierais jamais assez, Jacqueline, pour ces soirées à boire et à manger et à parler,  qui furent pour moi, trop peu nombreuses”.

  Très sobrement, Jacqueline Corvin, évidemment présente avec leurs deux filles, a clos ce beau moment en offrant à l’ERAC un cadeau somptueux: la bibliothèque de Michel Corvin…

Philippe du Vignal

A Marseille le 10 octobre.

 

Coûte que coûte

Coûte que coûte, d’Elisabeth Gonçalves et Montllo-Seth, mise en scène, chorégraphie et jeu de Roser Montillo Guberna et Brigitte Seth

 

brigitte et roser_5Dans un duo extrêmement bien réglé, des comédiennes-danseuses-chanteuses déclinent le double versant bonheur/malheur de nos existences et du monde. Le verre à moitié plein ou à moitié vide, c’est selon l’humeur. Comment peut-on dire «tout va bien», quand tout va mal autour de soi ? Telle est la question posée au public. Mais, avec un peu de bonne volonté, on peut au moins essayer d’être heureux.
Cette dualité tient d’abord au contraste entre les corps en scène : la plus fine s’oppose à la plus ronde, l’une semble plus tragique, l’autre plus joviale. Mais très mobiles, elles s’adonnent à une succession de gags visuels sur un plateau envahi de partitions posées sur des pupitres.

 L’installation, qui sera bousculée en cours de jeu, figure toutes les versions possibles de leurs états d’âmes fluctuants. Elles passent du rire aux larmes, de l’allégresse à la désespérance, changent d’avis comme de chemise, et déclinent en plusieurs langues (français, espagnol, catalan) un texte, assez minimaliste, composé des banalités du langage quotidien.
Ce show clownesque des deux femmes, usant (et abusant parfois) du comique de répétition, s’adresse directement aux spectateurs qui se reconnaissent dans les atermoiements et les contradictions des commères, et  en rient. Elles ne sont pas avares de leur énergie et, toujours en mouvement, joignent les gestes aux paroles et nous entraînent dans un tourbillon d’interrogations joyeuses.
Réjouissant.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu à la Comédie de Caen le 13 octobre. Du 7 au 25 décembre au Théâtre National de Chaillot

Récits des événements futurs

Récits des événements futurs, mise en scène d’Adrien Béal

   Récits-des-évènements-futurs-Doug-DuboisCela parle à la fois de l’invention de la bombe atomique, arme absolue, mais aussi d’écologie et de la fin de l’humanité sur la planète, comme si c’était finalement son désir le plus profond. Cela parle aussi en parallèle de conflits personnels chez toute une série de personnages. La pollution, atomique ou non, est un des thèmes récurrents du théâtre contemporain : on pense bien sûr, entre autres, au récent et remarquable monologue de Nicolas Lambert avec La Pompe Afrique mais aussi aux Pièces de guerre d’Edward Bond, au Soleil des eaux de René Char, ou à l’Apocalypse différée du grand Dario Fô…
  Ici,  comme le dit Adrien Béal, il y a «une recherche et un travail d’improvisation. Nous tenterons, par le théâtre, de mettre en jeu les conflits intimes et politiques générés par notre rapport si particulier à la catastrophe. ». Sous l’influence du livre du brillant essayiste autrichien Günther Anders (1902-1992):  Sur la bombe et les causes de notre aveuglement face à l’apocalypse. Cousin de Walter Benjamin, un temps mari d’Hannah Arendt, ami de Bertolt Brecht, Stefan Zweig et Alfred Döblin, il ne cessa de mette en garde ses concitoyens contre le danger des industries nucléaires
Sur le plateau, finement scénographiée par Kim Lan Nguyen Thi, une sorte de curieuse salle d’attente aux murs vert pâle comme dans un cauchemar, toute en oblique avec deux fenêtres: l’une carrée et l’autre l’autre rectangulaire, avec deux tables et chaises en bois et vinyl noir, design des années cinquante, et accrochées au mur deux banquettes hautes avec repose-pieds où vont s’asseoir les acteurs qui ne jouent pas. Au fond de ce lieu clos, une seule porte.
Le tout, éclairé par trois plafonniers de tubes fluo, ce qui semble actuellement  très tendance chez les jeunes scénographes…
  Vont se dérouler dans cet univers assez glauque une série de séquences de la vie quotidienne  où on va parfois retrouver, si on a bien compris, comme dans une sorte de tricotage, des personnages qui portent les prénoms des comédiens : Benoit Carré, Bénédicte Cerutti, Charlotte Corman, Lionel Gonzalez et Zoumana Meïté.
Ainsi Zoumana, un mage africain reçoit Benoît, un homme d’affaires costume/cravate. M. Zoumana aquelque chose de grave à lui dire : «Sous le soleil qui brille, éclate la mort». Dans la séquence suivante, la femme de Benoît lui annonce qu’elle a pris deux billets pour un voyage en amoureux dans les Seychelles. Il lui dit qu’il ne peut pas et qu’il faut reporter à plus tard ce voyage mais elle lui répond qu’à ce moment-là, ils devront y aller à trois avec le bébé qu’elle attend.  Il lui  avouera finalement ce que le mage lui a dit.
Il y a aussi l’histoire bien ficelée  (celle d’Un ennemi du peuple d’Henrik Ibsen, une pièce ensuite adaptée par Arthur Miller) de deux frères, dont l’un est médecin dans une centre thermal et l’autre maire de la petite ville. Conflit cornélien : l’eau des thermes est gravement polluée, révèle le médecin à son frère. Soucieux du bien-être des curistes, il le met en garde ; il a d’ailleurs annoncé la nouvelle à la presse locale. Fureur de son frère qui veut étouffer l’affaire pour garder les voix de ses électeurs! « Si tu publies ton rapport, tu ruines ta ville natale ». Et il lui rappelle, petit chantage à l’appui, qu’il l’a sorti il y a quelques années de la misère ou presque ! Il faudrait de toute façon 15 millions d’euros pour faire les indispensables travaux d’assainissement, somme que ce maire ne possède pas. 
  Une autre séquence raconte la visite d’un couple dont le frère du mari, on va vite le comprendre, est hospitalisé dans un établissement psychiatrique mais qui veut en sortir. Il dit qu’il fait toujours le même cauchemar : il a tué 200.000 personnes en lâchant une bombe atomique depuis son avion. Il dit aussi qu’il est en train d’écrire son autobiographie…
 Il y a aussi l’histoire d’un homme qui  raconte la chute d’une grue, et sur la photo qui a été prise de cet accident, on voit clairement sa silhouette. Comme on la voit également sur les photos d’autres catastrophes,  comme ce téléscopage entre deux gros bateaux. Hasard ou fatalité de sa présence inexplicable ?
On revient ensuite, semble-t-il, à l’histoire des deux frères: -Mesure les conséquences de tes actes, dit le maire à son frère qui lui réplique: » Tu veux que l’on dise à mes enfants que leur père n’a rien dit, alors qu’il y avait des morts tous les ans ? »
  Ces dialogues, à deux ou trois personnages sont joués très sobrement par les cinq jeunes comédiens, tous très crédibles, bien dirigés par Adrien Béal qui  n’en est pas à son coup d’essai mais qui réussit là un beau travail dont les dialogues sont souvent de grande qualité. Plus que les quelques  monologues, eux  plus laborieux .
  Sans doute, le spectacle est-il encore brut de décoffrage: il y a souvent des à-coups dans le rythme, la vidéo de nuages qui passent derrière les fenêtres n’est pas des plus utiles, et on ne voit pas toujours très bien où Adrien Béal veut nous emmener… Bref, il y encore du travail- c’était la première- mais, parmi les nombreuses mises en scène dont le texte est le résultat d’improvisations, c’est une des plus réussies que l’on ait pu voir récemment. Donc à suivre de près…

Philippe du Vignal

Le spectacle a été créé au Studio-Théâtre de Vitry du  9 au 12  octobre.
Théâtre de l’Echangeur à Bagnolet, du 30 octobre  au 7 novembre, du lundi au samedi à 20h30 et le dimanche à 17h (relâche le mercredi 4 novembre).
Théâtre du Garde-Chasse aux Lilas le 21 novembre.
Au Tandem Douai-Arras, les 24 et 25 novembre, et au Théâtre de Vanves, les 27 et 28 novembre.

 

 

 

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