Salut(s) Michel
L’Institut Méditerranéen des Métiers du Spectacle situé au 6/8 Rue François Simon à la Friche de la Belle de mai à Marseille, dont le chantier avait commencé en mars 14, a ouvert ses portes comme prévu en septembre dernier.
L’IMMS a été voulu comme lieu de formation et d’émergence des métiers du spectacle et réunit l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes déjà implantée à la Belle de Mai, et l’Institut Supérieur des Techniques du Spectacle d’Avignon, pour développer un programme de formation initiale et continue en arts et techniques du spectacle vivant. Il accueille un centre de formation des apprentis des métiers du spectacle, ainsi que la troisième année de l’ERAC, et constituera ainsi une passerelle entre formation et la professionnalisation.
Le bâtiment, d’une superficie totale de 2 500 m² sur cinq niveaux, abrite salles de cours, plateau numérique, plateau de répétition, salle de conférences, ateliers, petits bureaux, et salle de spectacle avec gradins rétractables. Conçu par Patrick Bouchain, le lieu est fonctionnel et chaleureux à la fois, avec cafétéria à l’entrée pour les élèves, salles pour la plupart parquetées de beau chêne blond, aux grandes baies vitrées (avec, au besoin, un rideau opacifiant) donnant en partie sur une rue bordée d’immeubles.
Le financement a été assuré par la Région et la ville de Marseille, et pour l’équipement technique par l’Etat. C’est un bel outil, dont Didier Abadie, directeur de l’ERAC, peut être légitimement fier, qui a exigé dix ans de travaux préparatoires, recherches de financements et construction. Une seul regret: aucun panneau solaire ou photovoltaïque! On se demande bien pourquoi, surtout quand on sait que ce genre de bâtiment est gourmand en électricité, alors que la durée d’ensoleillement à Marseille est de plus de cinq cent heures par an.
Michel Corvin, historien du théâtre et enseignant à l’ERAC, aura quand même, avant de mourir le mois dernier, vu le bâtiment presque achevé, puisqu’il y a lu une fois du Claudel comme le rappelle une photo suspendue au-dessus de la scène où a lieu ce que l’on ne peut appeler un hommage mais plutôt un geste d’amitié du directeur, des enseignants et techniciens, et des élèves dont il était encore il y a peu leur professeur.
Avec des extraits de film où on le voit toujours brillant, comme celui où il commente avec précision et un certain humour parfois vachard, la pièce de Fabien Gaertner. Il y a eu aussi, par l’ensemble de la promotion 24, un florilège de citations de Michel Corvin, tout à fait exemplaires. Et cela faisait du bien d’entendre avec la foi de leur jeunesse, ces jeunes apprentis comédiens les dire impeccablement mais avec parfois un peu d’émotion…
Alain Zaepfel a lu des extraits d’un livre à paraître, et Jean-Pierre Ryngaert et Frédéric Grosche, un des Diablogues de Roland Dubillard que Michel Corvin aimait beaucoup.
Il y avait aussi un extrait de film de la conférence qu’il avait donnée au festival de la Mousson d’été l’an passé. Gérard Watkins auteur et metteur en scène, a lu un texte de souvenirs très émouvants sur son voisin aux Lilas, tout près de Paris : “C’est bien cette reconnaissance là, non d’un professeur universitaire, mais d’un fou amoureux, d’un vigile incandescent, que tu suscitais en eux, et qu’à vingt ans, on sent ça, on sent quand il y a triche ou pas triche. Et que la triche, on vient d’en souper et qu’on en soupera et que la scène conjure le pas triche quoiqu’on en dise.
Comme par miracle, en face de chez moi, j’ai aussi découvert, par une belle journée pétante de soleil, que tu étais mon voisin, que tu bossais dans ton jardin avec une bêche, torse nu, et ça m a tout de suite rassuré que j’étais bien à ma place dans cet endroit que j’avais baptisé avec prétention «the new place» parce qu’il y avait l’histoire du théâtre juste en face. Sa mémoire vive. Sous la forme d’un être. Et de livres par milliers.
Et je ne te remercierais jamais assez, Jacqueline, pour ces soirées à boire et à manger et à parler, qui furent pour moi, trop peu nombreuses”.
Très sobrement, Jacqueline Corvin, évidemment présente avec leurs deux filles, a clos ce beau moment en offrant à l’ERAC un cadeau somptueux: la bibliothèque de Michel Corvin…
Philippe du Vignal
A Marseille le 10 octobre.