D’autres le giflèrent

 

D’autres le giflèrent d’après Les Passions de Johann Sebastian Bach, adaptation d’Alexandra Lacroix et François Rougier, mise en scène d’Alexandra Lacroix, direction musicale de Christophe Grapperon

  

©Pascal Gely

©Pascal Gely

C’est un lieu qui pourrait être un musée en réfection, avec, sur le sol, des piles de catalogues. Un clavecin, une contrebasse, un violoncelle, un orgue, un violon attendent leurs interprètes. Un ruban rouge et blanc de chantier délimite le bord de scène, la salle reste éclairée, et un groupe de gens, emmenés par une femme à la silhouette stricte, découvre ce lieu, mi-amusé, mi-fasciné et feuillette des magazines. Ils portent tous des sweat à capuche: on doit avoir affaire à des jeunes… Ce qui frappe, c’est leur silence: pas un mot, pas un bruit, comme s’il s’agissait d’une pantomime.
  Une guide de musée, la seule à prendre la parole, décrit les tableaux de la Passion, en nous désignant, nous le public. La grammaire est posée: le spectacle alternera partition chantée en allemand, et traduction lue ou dite dans un un contexte décalé selon les tableaux.
D’autres le giflèrent, deuxième épisode d’une trilogie initiée l’an dernier avec Et le coq chanta, est une exploration scénique des Passions de Johann Sebastian Bach, où chanteurs et instrumentistes sont rejoints par des acteurs. La qualité de l’orchestration et la direction de Christophe Grapperon, collaborateur de Laurence Equilbey, directrice d’Accentus, font la force de ce « théâtre musical ».
En un prologue, trois épisodes et un épilogue, c’est une transposition du Chemin de croix, avec ses quatorze stations, à travers des tableaux contemporains chaque fois différents dans trois espaces: une salle de musée en réfection, un lieu hybride mêlant  couloir de prison et lieu de cocktail, et une salle de réunion où les employés y sont en séance de marketing.

 On y voit se jouer humiliations, chutes, lapidations (de papiers), sacrifices, lâchetés, endossés par les uns ou les autres. Spectacle bon enfant, jamais vraiment inquiétant, avec des situations claires qui se succèdent sans heurter; un cri, un bruit, la violence s’arrête et on repart sur autre chose.
  On notera la récurrence des agressions faites aux femmes, avec toujours une orientation sexuelle (il y a plusieurs tentatives de viol !), exception faite du deuxième tableau avec le martyr de Simon, dont on ne sait s’il s’agit d’un émigré qui  tente de s’intégrer dans le nouveau monde de l’entreprise, et avec sa femme (une Madone en tailleur noir et fichu ?) qui lui apporte son repas dans un baluchon devant tout le staff en réunion,  comme une mère ridiculisant son enfant devant ses camarades de classe.
Certaines scènes de groupe, comme les ombres du troisième tableau, sont réussies mais la metteuse en scène a peur du vide et veut toujours avoir une idée à ajouter. Il manque un dramaturge pour épurer les choses! Mais les chanteurs dans leurs arias et solos, souvent a cappella, sont  parfaits; passionnés, ils savent faire groupe pour suivre les contraintes de la mise en scène,  et leurs voix, de toute beauté, transmettent finement l’émotion de ces Passions.
Mais l’interprétation musicale a des fragilités, et il y a de trop longs changements de tableaux, les acteurs manipulent avec peine des piles de catalogues encombrant le plateau, et les chorégraphies qui lestent le spectacle plus qu’elles ne l’éclairent.
Mais allez-y, c’est un beau moment de musique donné encore ce soir au Carreau du Temple, (malgré la soufflerie de la climatisation  qui est insupportable et entame la délicatesse des arias !) .

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Gérard Cherqui

Carreau du Temple à Paris, jusqu’au 20 octobre. Espace Robert Doisneau à Meudon, les 4 et 6 novembre.
Les deux Scènes, scène nationale de Besançon, le 10 novembre. Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, le 6 décembre.

 

 

 

 

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