Livres et revues
Livres et revues:
Peines d’amour perdues de William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats, édition bilingue présentée par Gisèle Venet
Ferdinand, le jeune roi de Navarre, convainc trois aristocrates de ses amis, Longueville, Dumaine et Berowne, de conquérir la gloire en constituant une petite académie, avec comme projet l’étude de la philosophie, et le refus des plaisirs de ce monde.
Tous s’y engagent par serment pour trois ans, non sans quelques réserves de Berowne, et prennent la décision de bannir toute présence féminine de la cour. Après bien des péripéties, Navarre et ses trois amis se présentent, déguisés en moscovites ,pour faire leur cour à la reine de France et à ses suivantes qui , informées par leur ambassadeur Boyet, ont échangé les cadeaux donnés par les amoureux, qui, chacun, vont croire courtiser celle qu’ils aiment, en se déclarant à une autre. Humiliation totale, quand ils s’en aperçoivent!
La pièce est un divertissement, même si la première partie du titre semble s’en tenir à une douleur d’aimer quelque peu gravée dans l’échec. Avec malice, l’œuvre est intitulée « comédie plaisante et spirituelle ». Mais pour Gisèle Venet, auteure de la préface de l’ouvrage b-lingue, la pièce ne dessine ni véritable intrigue, ni dénouement.
Les quatre jeunes aristocrates, dont le roi de Navarre, s’engagent solennellement à consacrer les trois années à venir aux seules études, sans approcher de femmes.Mais à peine ont-ils signé ce contrat rigoureux, que quatre jeunes et jolies demoiselles dont la princesse de France se présentent au palais, pour le grand embarras du roi; comment en effet recevoir les princesses chez lui, tout en les obligeant à se loger dans les champs.
Bien entendu, les quatre jeunes gens oublient leurs études pour écrire les sonnets avec lesquels ils déclareront leur flamme, et multiplient preuves et témoignages d’une passion annoncée… comme sans lendemain. On imagine les quiproquos obligés, selon un calcul facétieux de probabilités : imbroglios et situations de commedia dell’arte n’empêcheront pas l’accomplissement patient du vœu unanime féminin.
« L’ironie vengeresse des quatre jeunes dames, blessées peut-être d’avoir été éconduites avant d’être aimées, veille à ce que toute peine d’amour soit d’avance perdue ». Elles vont s’arranger pour que nulle intrigue ne puisse se nouer entre eux, tenant en bride le désir masculin.
Mais la mort brutale du roi de France provoque la fin de la comédie, et une mise à l’épreuve des promesses amoureuses diffère le dénouement de cette comédie.
N’est pas pris qui croyait prendre si aisément, et hors de choix féminins raisonnés.
Véronique Hotte
Le texte est publié aux éditions Gallimard, collection Folio Théâtre N° 164, 432 pages. Prix: 5,20 €.
Pronomade(s) ou la petite fabrique d’humanité de Daniel Conrod
Daniel Conrod, journaliste culturel et critique de danse, et ancien rédacteur en chef adjoint à Téléram, revient sur vingt-quatre années et se propose ici d’analyser l’évolution du projet culturel sur un territoire rural, celui de la Haute-Garonne, soit le Comminges et le Volvestre. Avec la création d’un des douze Centre nationaux des arts de la rue, et celle de la fête de la Saint-Gaudingue. » Le théâtre de rue, dit un habitant, on ne savait pas du tout ce que c’était. Il y vait une loufoquerie dans l’air qui a complètement dipsaru. On est tous un peu nostalgiques de cette époque, tout le monde vivait la m^me chose pedannt quelques jours, la ville était donnée à çà, n’était que pour çà ».
En fait ce que veut démontrer Daniel Conrod, c’est que les relations entre artistes et habitants, que ce soit dans cette région ou dans le Lot comme par exemple,à Capdenac, le théâtre de rue est un moyen de retisser du lien social avec le commerce, la culture des jardins, des immigrés et de la cuisine locale. soit le réel, et une bonne dose de bricolage comme à Aurignac avec Des Rives, la nuit de 2014.
En fait tout se passe comme si le théâtre de rue a réussi dans des territoires ignorés de la « grande culture » à créer » une pensée du politique qui serait adossés à la culture, une pensée de gouvernement dont la culture et les arts et l’éducation et les techniques formeraient le socle, alors même que le camp progressiste semble en avoir abandonné jusqu’à l’idée, jusqu’au principe, cette pensée-là est elle encore désirée, attendue et/ou attendue par la population ».
Daniel Conrod a sans soute raison quand il dit que cela ne se mesure pas au nombre de constructions dans le monde culturel mais au partage avec les habitants de petites expériences, pour le meilleur et parfois aussi, soyons honnêtes pour le pas très intéressant, où tout se joue sur l’imagerie comment témoignent les nombreuses et excellentes photos.
Le livre est complété par une chronologie précise qui va de mai 92 avec la première résidence arts de la rue à Saint-Gaudens puis en 95 la réhabilitation des Haras de Saint-Gaudens devenues un lieu de fabrique des arts de la rue, jusqu’à la création à Encausse d’un lieu de résidences et tentatives des arts de la rue.
On regrette que ce livre si riche en informations soit si mal maquetté, (mauvais interlignage, caractères souvent en gras, manque de paragraphes pendant plusieurs pages!) , ce qui en rend la lecture souvent peu agréable. Alors que ce voyage ethnologique dans un monde de la culture le plus souvent ignoré par les politiques d droite comme de gauche apporte un très utile éclairage sur l’évolution de la société française en un quart de siècle, à l’écart des mondanités parisiennes.
Philippe du Vignal
Antoine Vitez, homme de théâtre et photographe, sous la direction de Brigitte Joinnault, en compagnonnage avec Marie Vitez
C’est un livre-album avec les photos de celui qui fut un des plus remarquables metteurs en scène français mais qui comme le dit Brigitte Joinnault, apprit la photographie avec son père qui était photographe. plus tard le théâtre devint son activité principale mais dans les coulisse de sa vie publique, il ne cessait d’écrire et de photographier ». Effectivement, et ce sera sans doute l’objet d’un travail universitaire, les mise en scène d’Antoine Vitez ont subi pour le meilleur, l’influence de la photo. Que l’on repense, par exemple, à cette magistrale prise en direct de la vie quotidienne avec ses gros plans, ses cadrages dans Electre de Sophocle, dans Catherine d’après Les cloches de Bâle d’Aragon, ou encore dans Ubu-Roi d’Alfred Jarry. Mais à la mesure d’une réalité qui ne s’encombre pas de réalisme, et en laissant au fictionnele toute possibilité de se développer.
Le livre réunit cinq texte et portraits, avec, en ouverture, de nombreuses photos d’Antoine Vitez, très jeune et plus loin un très beau portrait de Paul Vitez, à Bièvres en 1960. D’abord deux beaux textes très émouvants celui de Marie Vitez, sa fille sur son père jamais connu le sien, et son grand-père qui n’avait jamais connu le sien. Et aussi un remarquable article où Jeanne Vitez avec une grande lucidité, retrace la quête de son père quand il fait de la photo, comme une sorte d’antidote au théâtre cet art éphémère entre tous. « Le rideau du théâtre dévoile. la photo se révèle en apparaissant, révèle un instant fugace ».
Il y a aussi des textes brefs écrits par des proches comme celui très beau de Pierre Vial où pour lui, toutes ces photos constituent un hommage à son père ». Et des portraits faits par Antoine Vitez, comme celui de sa feme, de ses filles et petites filles, ou de ses acteurs: Gilbert Vilhon, Madeleine Marion, Jany Gastaldi, Ludmila Mikaël, Jean-Marie Winling.
Citons enfin un entretien avec Antoine Vitez de Chantal Meyer-Platureux, où le metteur en scène fait remarquer que la photographie de théâtre a toujours été liée à un mouvement théâtral, comme celle d’Agnès Varda avec l’aventure du T.N.P.. Il souhaitait à l’époque où il en était l’administrateur que l’activité de la Comédie-Française suscite des vocations de photographe mais sa mort brutale l’empêche de mener à bien ce projet!
C’est un très beau livre; que l’on ait connu Antoine Vitez et/ou ses mises en scène, il donne à réfléchir sur les rapports entre exercice de la photo et celui du théâtre…
Le livre est publié aux Solitaires Intempestifs
Ph. du V.
La Culture chorégraphique au cœur de l’enseignement de la danse de Sarah Nouveau
Danseuse et chorégraphe, l’auteur après des études de philosophie, a suivi notamment l’enseignement au Cefedem-Sud d’Aubagne, de Laurence Louppe, critique et historienne de la danse, qui l’a beaucoup influencée, notamment quand elle a voulu développer une véritable réflexion et un discours sur la culture chorégraphique, à travers différentes disciplines comme, entre autres, l’ethnologie, la philosophie, et l’analyse esthétique, dès lors qu’il s’est agi pour elle d’articuler pratique et théorie dans son travail personnel comme dans les conférences qu’elle donne régulièrement. Ce qui l’amène à dire comme Dominique Bagouet que la danse est aussi une façon de penser.
Ce livre contient plusieurs interviews de chorégraphes/formateurs comme Anne-Tnia Iziquierdo qui parle avec beaucoup de pertinence de la difficulté actuelle quand on veut étudier le processus de création et de composition de la danse jazz. ou Jean Rochereau cofondateur de la compagnie Bagouet et enseignant qui retrace les modes de transmission à partir des traces que les interprètes ont pu conserver de spectacles comme ceux d’Odile Duboc ou Dominique Bagouet.
Il y a aussi dans ce petit livre, un essai fort utile de grille de lecture d’une chorégraphie lors de sa présentation au public, ainsi qu’une grille d’analyse d’œuvres; deux éléments sur lesquelles Laurence Louppe insistait souvent si l’on voulait avoir une bonne autonomie de réflexion sur la danse, qu’elle soit baroque, classique, moderne ou contemporaine.
Ph. du V.
Editions de l’Harmattan. 26 €
Revue Incise n°2
Editée par le Studio-Théâtre de Vitry et dont la rédactrice en chef est Diane Scott, c’est, comme elle le dit « une revue de théâtre tout en l’étant pas, qui part d’un constat sévère: il est devenu difficile de travailler dans le théâtre et notamment pour y réfléchir librement, il faut faire un pas hors de lui.
Donc pas vraiment de rubriques mais plutôt un certain nombre de thèmes et une commande de textes. Avec au sommaire de ce numéro 2, un article de Françoise Morvan, fouillé et documenté sur la culture bretonne et les bases des constructions identitaires. Elle y analyse très bien les rapports difficiles et compliqués qu’entretiennent la Bretagne en tant que région et l’Etat français, quand il s’agit de culture et de politique comme l’a encore révélé la récente et triste affaire de l’écotaxe.
Il y a aussi une lettre de soutien de Diane Scott à Marie-José Malis à propos du spectacle Hypérion, à partir du roman d’Hölderlin, que la metteuse en scène avait créé l’an passé au Festival d’Avignon, et qui avait été plus que fraîchement accueilli (voir Le Théâtre du Blog). Même s’il n’a pas eu d’hostilité épidermique ni indigence ni agressivité de la critique, comme elle le dit. Pas non plus de scandale, n’exagérons rien…
En fait, Diane Scott semble avoir du mal à admettre qu’un spectacle est créé pour être vu et entendu, et qu’il n’est pas là pour servir de base à une réflexion a posteriori. Mais désolé, au neuvième rang, on voyait mal les acteurs à cause d’un éclairage indigent, on entendait à peine les acteurs et cela durait plus de quatre heures!
Non, je ne me suis appuyé sur Claude Régy pour condamner Marie-José Malis, c’est faire un peu vite; d’autant plus que les autres spectacles que j’ai vus d’elle étaient vraiment intéressants. Mais honnêtement, j’ai aussi avoué et écrit que, passées les vingt premières minutes après l’entracte, je me suis sauvé en compagnie d’un confrère qui était lui, encore beaucoup plus impatient de quitter la salle…
Il ne s’agit pas de savoir si un spectacle est populaire ou s’il ne l’est pas. on peut tout montrer, tout dire et nous n’avons jamais été au Théâtre du Blog les vandales d’un théâtre populaire. Il est toujours bon de savoir si c’est un spectacle qui se situe dans une recherche théâtrale, dont Marie-José Malis peut avoir eu l’idée, ou s’il s’adresse à un large public comme au festival d’Avignon. Mais bon cette mise en scène où les acteurs sont presque immobiles face public en débitant leur texte d’une voix lasse et à peine audible: on veut bien que cela se situe dans une recherche mais en tout cas, pas un des critiques présents ce soir-là n’y a été sensible et quand ils avouent leur ennui et leur impossibilité à aimer ce spectacle et à le conseiller à ses lecteurs, on peut AUSSI en tenir compte.
Et nombre de ces lecteurs nous ont remercié de les avoir invité à ne pas y aller… et on attend encore l’avis de ceux qui l’ont vraiment aimé et qui étaient prêts à le soutenir.
Non, encore une fois, Diane Scott, il ne s’agit pas de le considérer Hypérion comme « nul et non avenu », mais nous avons le droit de ne pas l’aimer! Et de là à penser avec elle, que c’est « la tentative la plus conséquente de produire un théâtre politique au sens fort », on peut rêver… Nous avons aussi donné un point de vue différent du mien celui de Véronique Hotte qui malgré des réserves, l’avait, elle, apprécié. Que demande le peuple?
Il y a aussi dans ce numéro un bon article de Diedrich Diederichsen sur Art et non art où le critique allemand, spécialiste de la communication visuelle, prône une critique de la culture de communication et de publicité, ainsi qu’une attaque en règle du marché de l’art actuel sur lequel règnent les classes dominantes comme on a pu le voir encore à la dernière F.I.A.C. à Paris.
Ph. du V.
Revue Incise n° 2: Pris : 10 euros.